Cette semaine, j’ai vu à la télé le film collectif ‘Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau’.
Les échos que j’en avais eus ne m’avaient pas incité à le voir au cinéma. Je l’ai donc regardé avec réticence, prêt à en interrompre le visionnement si le film ne me plaisait pas.
Après l’avoir vu, je crois qu’il s’agit du film québécois le plus significatif paru depuis une décennie.
En architecture, en sculpture et en musique, il existe des œuvres qui sont caractéristiques de leur temps.
La cantate ‘Ecclesia militantis’ de Guillaume Dufay et la basilique de Saint-Denis témoignent de l’intense foi religieuse du Moyen-Âge.
De la même manière, ces églises richement décorées nées de la Contre-réforme avaient pour but de créer chez les fidèles une stupéfaction qui les rendait vulnérables à la prédication religieuse.
Le cinéma est un art plus récent dont certaines œuvres sont typiques de l’époque qui les a vues naitre.
C’est le cas de ce film qui puise sa source dans le souffle de révolte qui s’est emparé d’une bonne partie de la jeunesse étudiante lors du Printemps érable.
À l’instar de certains films de gangsters qui rendent intéressants les quartiers sales et délabrés de New York, les lieux glauques du tournage sont rehaussés par une direction artistique qui les magnifie (notamment par l’éclairage) au point que certains plans sont beaux en dépit de la pauvreté des moyens pour y parvenir.
Au cours de ce film engagé, le récit est parfois interrompu par des plans fixes qui présentent un texte jugé utile à la réflexion du spectateur.
Ce didactisme est évidemment de nature à irriter ceux qui sont hostiles à l’idéologie du film.
Tout comme le meilleur du Hip-Hop, les dialogues ont été écrits avec soin. Ils sont très littéraires en dépit du fait que certaines scènes sont probablement issues de séances d’improvisation.
Mais à la différence des chansons d’un groupe comme Loco Locass, le film évite la virtuosité formelle des dialogues qui, dans le flot continu d’un film, aurait été un obstacle à la compréhension immédiate du spectateur.
Une des scènes les plus saisissantes du film est celle où un comédien nu fait son autocritique devant les membres de sa cellule révolutionnaire. En équilibre sur le mince fil qui sépare la vraisemblance du ridicule le plus complet, l’acteur réussit à livrer une performance qui suscite la pitié du spectateur.
Alors que triomphent de nos jours les messages infantilisants qui deviennent viraux, ce film nécessaire est un document phare qui anticipe l’ère des révoltes qui s’annonce à l’issue de la faillite des mirages du néolibéralisme.
Merci pour cette analyse