Selon l’historienne Michelle Perrot, le lit conjugal est latin et catholique alors que les lits jumeaux sont protestants et anglo-saxons.
Pendant près d’un siècle, plus précisément de 1850 à 1950, les médecins anglais se sont fait les champions des lits jumeaux.
Dans la société victorienne, on entretenait les plus vives inquiétudes au sujet du lit partagé à plusieurs.
On savait que les paysans et les gens d’origine modeste étaient plus sujets aux maladies. Or ceux-ci vivaient dans la promiscuité.
Alors qu’en Europe continentale, les microbiologistes apportaient la preuve que les microbes causent les infections, les médecins anglais demeuraient plus attachés qu’ailleurs à la théorie des ‘humeurs’ (dont le déséquilibre menace la santé).
Conséquemment, on préférait croire que les dormeurs affaiblis drainaient la vitalité des dormeurs forts avec, comme conséquence, que ces derniers sombraient dans la maladie des premiers.
Les lits jumeaux étaient donc recommandés aux classes bourgeoises pour des raisons hygiéniques.
Quant au sexe, il s’agissait d’un mal nécessaire à la reproduction de l’espèce, au péril de ceux qui s’y adonnaient.
Dès des années 1920, les lits jumeaux Art déco représentaient la modernité alors que le lit à deux places (surtout à baldaquin) rappelait le Moyen-Âge.
Dans les magazines grand public, les films, et les expositions commerciales, on voyait rarement des lits à deux places. Dormir dans son propre lit était devenu aussi normal que de manger dans sa propre assiette.
C’est dans les années 1950 que les lits séparés devinrent le signe d’une union conjugale chancelante. Dès la décennie suivante, la mode du lit à deux places relayait les lits jumeaux au rang de symbole du puritanisme victorien.
Références :
Le lit conjugal est latin et catholique
Microbiologie
Rolled over: why did married couples stop sleeping in twin beds?