Le sort des piles au lithium mortes

Publié le 9 août 2019 | Temps de lecture : 5 minutes
BMW i8 hybride

Un demi-siècle de mise au rebut

On peut recycler le papier, le verre, et la majorité des plastiques. Voilà pourquoi il est possible d’acheter du papier recyclé et des produits de consommation vendus dans des contenants de verre ou de plastique recyclé.

Qu’en est-il des piles au lithium ?

Depuis leur mise en marché en 1970, il s’est vendu des dizaines de milliards de piles au lithium.

Un demi-siècle plus tard, est-il possible d’en acheter qui soient non seulement rechargeables, mais également recyclées ? Non. Pourquoi pas ?

Il n’existe pas de barrière technologique qui empêche ces piles d’être recyclées. Malgré cela, seulement 10 % des piles au lithium mises au rebut le sont, les 90 % restantes sont incinérées ou enfouies avec les déchets domestiques.

Lors d’essais en laboratoire, on peut extraire 95 % du cobalt, du nickel et du cuivre, et s’en servir pour fabriquer des piles neuves.

Si on exclut les piles des voitures électriques — trop récentes pour avoir donné naissance à une industrie du recyclage — pourquoi recycle-t-on si peu les milliards de piles qui alimentent nos petits appareils électriques autonomes depuis 50 ans ?

C’est que leur composition est en constante évolution.

La course au progrès

Dans les laboratoires de recherche d’un fabricant de piles au lithium, si on découvre que l’ajout d’une partie par million de molybdène augmente la durée des piles, on ajoutera du molybdène à la première occasion.

Quelque temps plus tard, si on découvre qu’un peu plus de cadmium ou de manganèse augmente encore plus la durée, on en augmentera leur teneur. Et ainsi de suite.

Prendre un lot de piles mortes, en extraire le contenu et purifier parfaitement chacun de ses ingrédients chimiques, cela n’est rentable que lorsqu’il s’agit d’extraire des métaux précieux qui seront utilisés pour fabriquer des appareils électroniques dispendieux.

Mais tout séparer pour ensuite faire l’inverse, c’est-à-dire tout mélanger de nouveau, cela n’est pas rentable quand il s’agit de fabriquer des piles neuves bon marché.

Ce qui pourrait être rentable, c’est d’homogénéiser le contenu d’une grande quantité de piles, d’en faire l’analyse et d’ajouter les ingrédients qui se trouvent en quantité insuffisante.

Malheureusement, cela n’est simple qu’à la condition que tout ce qui distingue les vieilles recettes des nouvelles, ce soient des ajouts. Qu’arrive-t-il lorsque le fabricant s’est rendu compte qu’un ajout était une erreur, corrigée depuis ?

Retirer un ingrédient en trop, cela rend toute l’opération non rentable.

Voilà pourquoi personne ne vend des piles recyclées.

Les piles de voitures électriques

En Europe, un constructeur automobile qui souhaite commercialiser un véhicule électrique doit s’assurer qu’il existe une filière de collecte et de recyclage de ses piles sur le territoire de commercialisation.

En France, la Société nouvelle d’affinage des métaux (SNAM) assure la collecte, le recyclage et la traçabilité des piles au lithium en fin de vie que les fabricants lui feront parvenir.

En Amérique du Nord, il n’existe aucune exigence quant au recyclage des piles des voitures électriques.

La désinformation des médias québécois

Au Québec, le danger des piles au lithium est un sujet tabou.

Récemment, une Hyundai Kona EV non branchée a explosé dans le garage d’une résidence de l’Ile-Bizard, dans l’ouest de Montréal.

Les articles publiés par Radio-Canada à ce sujet se terminent par la phrase : « Environ 6 000 voitures à essence prennent feu en moyenne chaque année au Canada

Cela suggère que l’explosion d’une voiture est une chose normale.

En réalité, les voitures à essence peuvent exploser à la suite d’une collision, lorsqu’on y met le feu, ou lorsqu’une bombe est placée à bord. Autrement, cela n’arrive jamais.

Mettez mille voitures à essence au gros soleil dans n’importe quel stationnement du Québec et aucune d’entre elles n’explosera spontanément.

Cette infantilisation fait en sorte que toute critique à l’égard des voitures électriques est perçue comme une attitude réactionnaire face au progrès.

Autre conséquence : aucun parti politique du Québec n’a l’intention d’obliger le recyclage des piles des voitures électriques et personne n’a pensé à imposer une consigne pour motiver les propriétaires à ramener aux concessionnaires les véhicules électriques en fin de vie.

Il serait temps d’y penser…

Références :
Hyundai enquêtera sur l’explosion d’une de ses voitures électriques à Montréal
La ‘batterification’ des transports
Le défi de recycler la batterie d’une voiture électrique
Les limites pratiques du recyclage des batteries au lithium
Récupération par voie hydrométallurgique des métaux à partir des déchets de piles mélangées
Recyclage des batteries
SNAM recyclera les batteries Honda
Vers le recyclage des batteries de véhicules électriques

Parus depuis :
Une Tesla prend feu avec le conducteur à bord (2021-07-02)
Ford rappelle d’urgence 100 000 autos, susceptibles de prendre feu (2022-07-09)
Électrification des transports: la course au recyclage des batteries est lancée (2023-03-30)

Sur le même sujet :
Métaux rares: le côté sombre de la transition énergétique (2019-11-14)
Les défis de la filière des véhicules électriques (2023-05-30)

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 12-40mm F/2,8 — 1/100 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 23 mm

Postscriptum du 25 octobre 2023 : À Montréal, le nombre de feux causé par les batteries lithium-ion utilisés dans les vélos, les trottinettes ou encore les quadriporteurs, est passé de 7 en 2020 à 21 en 2022.

Référence : Montréal prolonge son opération spéciale d’inspection des vieux bâtiments

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Écrit par Jean-Pierre Martel