L’église Notre-Dame-de-la-Défense (1re partie)

Publié le 16 juillet 2019 | Temps de lecture : 7 minutes

Historique

Il faut remonter à l’époque de la Nouvelle-France pour trouver les premières traces de la présence d’Italiens au Canada. En 1665, lorsque le régiment de Carignan-Salières arrive à Québec, quelques-uns de ses soldats sont d’origine italienne.

Jusqu’au XIXe siècle, le nombre de Canadiens d’origine italienne augmenta très lentement. À la fin des années 1860, Montréal comptait seulement une cinquantaine de familles italiennes, originaires du Nord de l’Italie.

De 1901 à 1911, leur nombre augmenta soudainement, passant de 1 630 à 7 013 personnes. Cette première vague d’immigrants italiens était composée de personnes provenant d’une partie de l’Italie située entre Rome et Naples, plus précisément des provinces actuelles de Caserte, d’Isernia et de Campobasso.

Cette explosion démographique justifiait la création, en 1910, d’une paroisse dans la partie de la ville où ils s’étaient regroupés et que nous appelons aujourd’hui le quartier de la Petite Italie.

Pourquoi ‘Notre-Dame-de-la-Défense’ ?

Au milieu des années 1890, la Vierge était apparue à des paysans de la commune de Difesa (dans la province de Campobasso). L’évènement eut un retentissement considérable.

Dans le village de Casacalenda (à 39 km de Campobasso), on s’empressa de construire en 1897 un sanctuaire commémorant ces apparitions. Cette chapelle devint un lieu de pèlerinage qui fit la renommée de la région.

Treize ans plus tard, à Montréal, il était évident qu’il fallait dédier à la ‘Madonna-della-Difesa’ — francisé depuis en Notre-Dame-de-la-Défense — une paroisse regroupant des personnes nées dans les environs de cette commune italienne.

Une première église, construite en 1910, s’avéra bientôt trop petite en raison du fait qu’elle servait également d’école.

À partir d’un don de quatre-mille dollars — équivalent à environ cent-mille dollars aujourd’hui — versé par le Pape Pie X, on mit huit ans à amasser les sommes nécessaires à la construction de la nouvelle église. Son édification débuta en 1918 et l’église terminée fut bénie par Mgr Paul Bruchési le 18 août 1919.

Miser sur le talent

En 1914, Montréal accueillait un décorateur et verrier florentin de 29 ans. Cet inconnu s’appelait Guido Nincheri.

Avant même que soient complétés les chantiers pour lesquels on l’avait embauché dès son arrivée, la rumeur de son immense talent s’était répandue dans toute la ville.

Les autorités ecclésiastiques de la paroisse firent alors le pari audacieux de confier à ce nouveau venu la tâche de dresser les plans et de concevoir toute la décoration intérieure de leur nouvelle église : mobilier liturgique, fresques, murales, vitraux, et le dessin de la plupart des sculptures à exécuter.

Mais il y avait un problème; Nincheri a bien étudié l’architecture, mais il n’est pas membre de l’Association des architectes de la province de Québec. Il n’est donc pas habilité à exercer cette profession.

On fera appel à l’architecte Roch Montbriant pour valider les plans de Nincheri et leur apposer le sceau de la légalité.

Trouver un style

Le modeste sanctuaire édifié à Casacalenda pour commémorer les apparitions de la Vierge existe toujours. C’est une petite église rectangulaire dont l’absence de charme n’inspirait rien à Nincheri.

Le point de départ de son inspiration se trouve dans sa ville natale, Prato.

On peut encore y voir l’église Santa Maria delle Carceri (ou Sanctuaire Sainte-Marie-des-prisons). Il commémore un miracle. Selon la tradition, l’image d’une Vierge à l’Enfant peinte sur les murs d’une prison de Prato aurait pris vie sous les yeux émerveillés d’un enfant de la ville.

Le Sanctuaire Sainte-Marie-des-prisons, de style Renaissance florentine, est en forme de croix grecque. Sa décoration est beaucoup plus sobre que celle de Notre-Dame-de-la-Défense. Et cette différence, c’est la contribution de Nincheri.

L’église Notre-Dame-de-la-Défense

Rosace de la façade

Au centre de la rosace de la façade, une statue en bronze créée par le sculpteur Ercole Drei représente Notre-Dame-des-Sept-Douleurs.

Mais pourquoi mettre une statue de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs sur la façade d’une église consacrée à Notre-Dame-de-la-Défense ?

L’explication est que l’église a été confiée à l’Ordre des Servites de Marie, une communauté religieuse née à Florence en 1233. Or Notre-Dame-des-Sept-Douleurs est la patronne de l’Ordre. Voilà pourquoi l’une et l’autre sont honorées dans cette église.

Façade de l’église

Rehaussé de frises en briques de couleur paille, l’extérieur de l’église est en briques rouges disposées de manière à former des bandes horizontales.

Au-dessous, un vestibule s’avance, percé d’une rangée de fenêtres et d’une porte.

Les étroites fenêtres de l’édifice sont dites en arc cintré. Cela signifie que leur partie supérieure est une courbure en demi-cercle. Voilà pourquoi on dit que l’église est de style néoroman.

Haut du portail

Dans la partie supérieure du portail, on peut voir un ‘S’ qui s’enroule autour de la patte centrale d’un ‘M’. Le sigle SM rappelle que l’église avait été confiée aux prêtres de l’Ordre des Servites de Marie.

Au-dessous de lui, un tympan semi-circulaire en marbre de Carrare, créé en 1959 par Ercole Drei, représente la Madone de la Défense.

Par la même occasion, deux autres tympans de lui ont été placés au-dessus des autres portes de l’église : ils représentent L’Annonciation (entrée sur Henri-Julien) et saint Antoine (entrée sur Alma).

Trop étroit, le haut campanile prévu initialement ne sera jamais réalisé.

Intérieur de l’église

Majesté et raffinement : voilà les impressions que laisse cette église en y pénétrant.

Apparemment en pierre de taille, les murs sont en réalité en plâtre ivoire, extrêmement dur, coloré dans la masse.

Une rangée de fenêtres hautes et de subtiles décorations en tons pastel courent horizontalement tout autour de la nef et atténuent le caractère massif du lieu.

Parmi ces fenêtres, ceux de l’abside représentent les douze apôtres. Ce sont des vitraux qui donnent sur l’extérieur. Les autres fenêtres donnent sur les galeries situées à l’étage des trois vestibules de l’église.

Toute la voute est recouverte de fresques, c’est-à-dire que la peinture y est appliquée directement sur la paroi et non sur une toile qui sera plus tard collée sur elle.

Arrière de la nef

Autre particularité : l’église ne possède pas d’orgue.

Dans un prochain texte, nous nous attarderons à la décoration des murs intérieurs, puis des fresques des plafonds.

Références :
Église Notre-Dame-de-la-Défense
Le riche héritage de Nincheri
Offrir des visites commentées dans un lieu de culte
Petite Italie de Montréal
Vue panoramique de l’église Notre-Dame-de-la-Défense

Complément de lecture : L’église Saint-Léon-de-Westmount

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, hypergone M.Zuiko 8 mm F/1,8 (4e photo) et objectifs M.Zuiko 25 mm F/1,2 (1re et 3e photos) et PanLeica 8-18 mm (2e et 5e photos)
1re photo : 1/1000 sec. — F/4,0 — ISO 200 — 25 mm
2e  photo : 1/2000 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 8 mm
3e  photo : 1/640 sec. — F/4,0 — ISO 200 — 25 mm
4e  photo : 1/80 sec. — F/1,8 — ISO 640 — 8 mm
5e  photo : 1/40 sec. — F/4,5 — ISO 6400 — 8 mm


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Écrit par Jean-Pierre Martel