L’hiver, les piétons et la police montréalaise

Le 20 février 2019

Les trottoirs dangereux

À l’occasion d’une vérification policière apparemment dictée par le profilage racial, Lateef Martin a refusé de répondre aux questions d’un patrouilleur. Celui-ci s’est vengé en lui remettant une contravention pour avoir circulé dans la rue Messier.

Celle-ci est une rue secondaire du Plateau-Montréal, déserte au moment des faits (1h30 du matin).

L’article 452 du Code de la sécurité routière exige que les piétons empruntent les trottoirs lorsqu’ils existent. Ce qui est le cas le long de la rue Messier.

Peut-on reprocher à un policier de faire respecter la loi ? Oui, on le peut.

Contrairement à ce qu’on pense trop souvent, le rôle d’un policier n’est pas de faire respecter la loi; son rôle est de protéger la population, notamment par l’application de la loi. Nuance.

L’article 7 de la Canadian Constitution se lit comme suit :

Chacun a le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité.

Le droit fondamental à l’intégrité physique signifie, pour un piéton, le droit de marcher dans la rue lorsque celle-ci est moins dangereuse que les trottoirs.

Or ces derniers le sont toujours lorsque la ville consacre des ressources insuffisantes à leur déglaçage.

Une ville ne peut donc pas à la fois invoquer des conditions climatiques rigoureuses pour justifier son impuissance à garantir la sécurité des gens et les sanctionner pour des comportements qu’ils n’auraient pas si la ville accomplissait son travail correctement.

Cette attitude répressive est d’autant plus inacceptable que les comportements jugés ‘fautifs’ découlent de l’exercice d’un droit constitutionnel.

Ces jours-ci, les trottoirs de Montréal sont très mal déglacés.

En fin de semaine dernière, je me suis justement rendu sur le Plateau-Montréal où j’ai vu, quelques pas devant moi, un jeune homme tomber paf! sur le dos alors qu’il marchait sur le trottoir de la rue Mont-Royal.

À sa place, je me serais probablement fracturé une vertèbre ou déplacé la colonne vertébrale.

Plus tard ce soir-là, je suis rentré chez moi en circulant au milieu de la rue secondaire qui mène chez moi parce que ses trottoirs étaient aussi glacés que ceux de la rue Mont-Royal.

Attendre pour rien au froid

Les piétons ont le devoir de traverser une rue de manière sécuritaire; ils le peuvent en tout temps lorsque la voie est libre.

Mais ils perdent ce droit aux intersections où la circulation est régie par des feux de circulation.

À ces intersections, les piétons ont l’habitude d’attendre — immobiles l’hiver à -40°C — même lorsque la rue qu’ils s’apprêtent à traverser est complètement déserte.

La raison officielle est qu’on a placé des feux de circulation à ces intersections justement parce qu’elles étaient dangereuses. Mais on oublie d’ajouter qu’elles ne le sont pas 24h par jour, sept jours par semaine.

À Montréal, les automobilistes ne peuvent pas tourner à droite sur un feu rouge. Conséquemment, seules les automobiles circulant sur la rue à traverser représentent une menace pour les piétons. S’il y en a pas d’autos, il n’y a pas de danger.

Ce qui motiverait les piétons à patienter inutilement, ce serait de leur indiquer le temps qu’il leur reste à attendre.

À La Havane, dès que les feux de circulation changent, un compte à rebours s’affiche au bénéfice des piétons et des automobilistes. Comme on peut le voir de 3:18 à 3:23 dans ce diaporama.

Au feu vert, la personne handicapée sait le temps qui lui reste pour traverser la rue. Au feu rouge, le piéton pressé sait combien il lui reste à patienter.

À Laval — une ville particulièrement hostile aux piétons — les feux de circulation peuvent mettre jusqu’à une dizaine de minutes avant de changer. Imaginez-vous, immobile, par un froid sibérien.

À Montréal, les feux de circulation n’affichent que les dernières secondes du compte à rebours : parfois, c’est aussi peu que les six dernières secondes. Et ce, uniquement sur feu vert. Jamais aux feux rouges.

À l’intersection de certaines rues, les piétons qui s’approchent de l’intersection n’ont aucune idée du temps qui leur reste.

Feux à l’intersection de Pie-IX et d’Hochelaga

Ils sont maintenus dans l’ignorance parce que le compte à rebours qui leur est destiné est masqué par le compte à rebours destiné aux piétons qui déambulent sur la rue perpendiculaire (voir photo).

C’est seulement lorsqu’il arrive à l’intersection, directement en face du feu de circulation, que le piéton découvre le peu de temps qui lui reste pour traverser la rue, favorisant l’adoption soudaine de comportements dangereux.

Il suffirait d’inverser l’orientation des feux destinés aux piétons pour corriger ce problème. Cela dure depuis des mois.

Conclusion

Nos décideurs publics veulent favoriser l’utilisation du transport en commun sans jamais tenir compte des intérêts de ceux qui l’empruntent autrement que par l’idée qu’ils s’en font.

On tiendra compte des représentations des associations d’automobilistes et celles des porte-paroles des cyclistes. Mais comme personne ne défend les intérêts des piétons…

Lorsqu’un grand chantier urbain vient bouleverser la circulation d’un quartier, on prendra soin de minimiser les désagréments pour les automobilistes et les cyclistes. Mais on n’hésitera pas à imposer aux piétons de grands détours inutiles parce personne ne se met à leur place.

En bons gestionnaires du budget qui leur est attribué, nos administrateurs publics épargnent sur le déglaçage des trottoirs tout en obligeant les piétons de les emprunter quand même, au risque de leur intégrité physique.

On imposera des amendes aux piétons qui traversent aux feux rouges sous le prétexte qu’ils représentent la moitié des victimes de la route. Or on ne cherchera jamais à comprendre pourquoi ils le font ni comment on peut faciliter l’observance de la règlementation municipale en l’adaptant aux besoins des gens.

Tout cela est la manifestation d’un déficit démocratique. À ne nommer que de simples gestionnaires à des postes décisionnels, nos dirigeants cessent de se voir comme des serviteurs du peuple et on atomise la société en réduisant le citoyen au rang de simple client de services municipaux, voire comme une vulgaire poche d’argent.

Références :
Il reçoit une contravention pour avoir marché dans la rue à cause de la glace
Montreal man contesting ticket for walking on street to avoid icy sidewalk
Nombre record de pannes dans le métro : les conséquences du laisser-faire

Parus depuis :
Est-ce que les boutons pour piétons fonctionnent vraiment? (2019-04-19)
Piétons happés à mort : « On a effacé dix années de gains » (2022-03-05)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la sécurité des piétons, veuillez cliquer sur ceci.

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3 commentaires à L’hiver, les piétons et la police montréalaise

  1. sandy39 dit :

    TU MARCHES…

    Puisque ce Blogue m’a, toujours, servi, dans un sens, à exprimer le meilleur de moi-même… ; aujourd’hui, je vais vous parler des rues de mon village.

    Je crois que je vais prendre quelques paroles d’une chanson… “EXCUSE MY FRENCH” qui vont m’aider un peu à démarrer.

    “La rue est une amie qui recueille tes confidences, Des boutiques alignées, Un défilé de couleurs et de désirs factices, Des kaléidoscopes, Sur tous les édifices, C’est ta ville putain, merde”…

    Chez Nous, aussi, il faut déneiger les trottoirs. Le pire, c’est lorsqu’il pleut, sur la neige gelée, aïe, aïe, la place du village !

    Et, ma rue, pas toujours déneigée de bonne heure… et, lorsque le chasse-neige est passé, on récupère le bourrelet de neige… Tu en trouves un mètre à enlever sans compter ce qui reste pour aller à la porte de garage !

    Heureusement, ma rue a deux accès ! Si on ne monte pas d’un côté, on prend l’autre… car les virages à l’ombre restent tous gelés…

    La commune a, maintenant, ce qu’il faut pour déneiger les trottoirs avant que les enfants aillent à l’Ecole. Ils ne poussent plus debout leur fraise à neige, ils sont assis dessus comme sur la tondeuse !

    Il y a eu, aussi, une année, en février, lorsque mes filles étaient encore à l’Ecole primaire, il avait fait -20°C pendant presque trois semaines (on ne l’a pas revécu). Beaucoup se sont fracturés poignets… Depuis, un Papy, d’une autre rue, pas très loin de chez Moi, met ses crampons sous ses chaussures !

    Et, vous, J.Pierre, comment appelez-vous tous vos équipements, lorsque vous allez vérifier l’état de vos rues ?

    La chanson nous dit : “Tu marches encore, Y’a comme des angles morts, Dans ta mémoire”…

    La suite, un peu plus tard…

  2. sandy39 dit :

    Je continue…

    Alors, c’est un truc de dingue : il me faut, parfois, m’aider sur du CANTAT (qui n’a rien à voir avec du Noir Désir !), pour vous parler de chez Moi…, enfin de mon tout petit département (120 km de long sur 60 de large), ce Jura qui offre des pistes de ski de fond à pas un kilomètre de chez Moi…

    Mais, il m’arrive, aussi, à Moi, de marcher sur la route quand les trottoirs sont “casse-gueule” (expression de chez Nous) pour rejoindre et revenir de mes champs enneigés.

    Mais, parlons-en de l’accès à nos chemins réservés aux skieurs, et des circuits réservés aux raquettes ; en saison, il faut un pass (pas une passe sur le trottoir ni un titre de transport !). Tu paies pour la saison pour avoir accès aux pistes.

    Et, celui qui, comme Moi, va se promener simplement avec ses bottes et, parfois même avec un bâton, à l’allure d’un SDF, dirait ma fille, n’a pas le droit d’aller gêner les skieurs !… Mais Moi, il me dérange, le panneau : “Accès réservé à celui qui détient un Pass”, à se procurer à l’Office du Tourisme ou à l’entrée des pistes (chalets en bois).

    Attends, mais, Moi, je suis d’Ici et je les paie mes impôts sur la Maison (Fonciers et Locaux) et, il faut payer encore !

    MACRON nous a fait ça aussi, cet automne : on a dû payer 15 euros de plus par Internet car on avait payé par chèque les impôts fonciers ! Ah, mais, il nous a envoyé une lettre d’excuse et nous avons été remboursés de nos 15 euros ! Mais, quel délire !

    Mais, Moi, ça me dégoûte ! La Nature, n’est-elle pas faite pour tout le Monde ?

    D’ailleurs, J.Pierre, c’est de votre faute : je ne savais pas que j’aimais autant la Géologie… suite à votre voyage dans le Grand Ouest Canadien ! J’en suis arrivée à lire (pas fini) “Les Montagnes du Jura” de Vincent BICHET et Michel CAMPY, emprunté à la Bibliothèque car le bouquin vaut 40 euros !

    C’est pas fini…

  3. sandy39 dit :

    MA RUE, MES CHAMPS…

    Ben oui, si tu n’as pas le Pass, tu es susceptible de recevoir une amende…

    Par un vendredi après-midi (au début des Gilets jaunes), j’ai croisé un couple en raquettes jaunes qu’on voyait de loin. Je n’avais pas mis les miennes. Tu ne sais jamais s’il faut dire “Bonjour”, s’ils vont faire la gueule… La nana avait de ces yeux bleus, avec une chapka (casquette fourrée).

    “Vous avez vu le panneau, vous n’avez pas peur ?” me dit l’homme.

    Moi : “Je sais, je n’ai pas mis mes raquettes (pensant faire le tour vite fait). On est dans une époque où ils ne pensent qu’à ça, mettre des amendes aux gens et à les mettre en prison !”

    Mon Dieu, ce que je n’avais pas dit !

    Le mec : “Faudra qu’ils en rouvrent des prisons, y’a plus de place…”

    Et, on a démarré une conversation sur le Monde, la Société, sur les Gilets jaunes… sur un chemin enneigé, au milieu des sapins… une de ces bouffées d’oxygène lorsqu’on peut discuter et partager certaines visions des choses sans que personne ne se vexe… Tellement rare, aujourd’hui !

    ” Vous en pensez quoi, vous des Gilets jaunes ?” me demande le mec…

    Et, je ne sais pas pourquoi, parfois, je dis des phrases que j’ai écrites sur ce Blogue. Alors, j’ai répondu que l’Histoire est faite ainsi : il y a toujours eu des Révolutions, le Citoyen a toujours servi le Roi… Mais qu’avec le Temps, on est devenu de moins en moins libre et, qu’on est tous sous surveillance. Et, que malgré l’Ere des télécommunications, l’Etre humain se renferme de plus en plus sur lui-même. Et, que dans le fond des Gilets jaunes, il y a du Vrai pour les Femmes seules avec leurs enfants qui ne peuvent plus payer l’Internat.

    C’est rare que ça se passe comme ça, au milieu de la Nature…

    Le vendredi d’avant, j’avais, déjà, fait mon tour. Je n’aurais pas dû me montrer, j’ai croisé la dameuse : “Vous avez vu le panneau ?”

    “Oui, oui, je sais.” ai-je répondu. J’aurais dû me cacher derrière un sapin… Mais, c’était la Prudence ! Je ne voulais pas me faire aplatir par l’engin…, ni me retrouvée écrabouillée, damnée, condamnée… ni congelée jusqu’à la moelle (paroles de “CHUIS CON”).

    Je termine en m’aidant de paroles… que j’adapte… Je suis, déjà, assez, émotive et conditionnée… même si, je suis, toujours, convertie à l’AMOUR et à la Vie ! A l’Ecriture, aussi…

    La prochaine fois, je vous parlerai de certaines espèces qui cohabitent dans nos forêts… et, qui, souvent, au cœur de la nuit, parcourent nos rues… où certains habitants ont la chance d’apercevoir ou de voir passer… gratuitement !

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