Le fédéral, les paradis fiscaux et l’indépendance du Québec

28 janvier 2019

La lutte famélique contre les paradis fiscaux

Par souci d’économie, le gouvernement québécois de François Legault aimerait instaurer une déclaration de revenus unique (fédérale et québécoise) gérée par le Québec.

Citée par Le Devoir, une source fédérale indique que cette idée doit être rejetée parce que cela nuirait à la lutte contre l’évasion fiscale.

On apprend donc l’existence, au niveau fédéral, d’une lutte contre l’évasion fiscale. Que donne-t-elle ?

En janvier 2018, Radio-Canada révélait que depuis la publication des Panama Papers en avril 2016, le fisc d’une douzaine de pays a récupéré une somme totale de plus d’un demi-milliard de dollars. Mais rien par le Canada.

Cela n’est pas surprenant. En octobre 2016, le gouvernement Trudeau faisait battre la motion M-42. Celle-ci visait à mettre un terme à l’évitement fiscal dans les paradis fiscaux.

En juin 2017, sous Justin Trudeau, le gouvernement fédéral a ajouté les iles Cook à la liste canadienne des endroits où les richissimes contribuables peuvent légalement cacher leur argent.

Ce qui n’a pas empêché la ministre du Revenu national d’annoncer fièrement que sa lutte à l’évasion fiscale lui aurait permis de récupérer 25 milliards$ (!!!) d’impôts impayés… sans qu’on sache où cet argent est passé.

Officiellement, les contribuables fautifs ont 25 milliards$ de moins à payer sans que le fédéral ait 25 milliards$ de plus dans ses coffres.

C’est ainsi que se solde la lutte fédérale aux paradis fiscaux; un véritable fiasco.

La double imposition

L’évitement fiscal n’est que de l’évasion fiscale légalisée. Et cette légalisation fédérale s’applique à l’impôt provincial uniquement parce que les provinces y consentent implicitement.

L’injustice qui permet aux riches d’éviter de payer leur juste part d’impôt est basée sur le souci d’éviter la double imposition.

Normalement, une multinationale doit payer au fisc canadien l’impôt sur les profits réalisés au Canada. Tout comme elle paie à l’Étranger l’impôt sur les profits réalisés ailleurs.

Le milieu des Affaires soutient que si une compagnie paie déjà de l’impôt ailleurs sur ses profits canadiens, il est injuste de l’obliger à payer une deuxième fois de l’impôt, cette fois au Canada, sur ces mêmes profits.

Mais pourquoi une compagnie serait-elle assez stupide pour déclarer dans un paradis fiscal les revenus qu’elle a réalisés au Canada ?

Si cette compagnie veut éviter la double imposition, il suffit qu’elle cesse de déclarer ses profits canadiens au fisc d’un autre pays. Et si un pays l’oblige à payer de l’impôt sur les profits réalisés partout à travers le monde, cette compagnie n’a qu’à quitter ce paradis fiscal et le problème est réglé.

L’injustice fiscale ou l’indépendance

Pour taxer les gains faits au Canada, on n’a pas besoin de savoir l’importance des avoirs à l’Étranger; il suffit de connaitre les profits réalisés au Canada et d’interdire les tours de passepasse qui permettent de les soustraire au fisc d’ici.

Essentiellement, ce que dit le fédéral, c’est que si le Québec veut s’attaquer aux paradis fiscaux, il doit faire son indépendance.

C’est seulement lorsqu’il aura rapatrié les pouvoirs souverains du Canada — pouvoirs inutilisés par Ottawa — que le Québec pourra créer une société basée, entre autres, sur l’équité fiscale.

Références :
Est-il juste que les riches paient autant d’impôt ?
L’Accord avec les Îles Cook critiqué
Où sont les 25 milliards dus au fisc?
Panama Papers : 500 millions récupérés dans le monde, rien au Canada
Paradis fiscaux: la permission de Trudeau
Pour la déclaration obligatoire des investissements des élus dans les paradis fiscaux

Parus depuis :
Les entreprises canadiennes plus présentes dans les paradis fiscaux (2020-07-23)
Les efforts de l’ARC n’ont mené à aucune accusation (2021-06-21)
La Banque Royale forcée de révéler qui se cache derrière 97 comptes aux Bahamas (2022-07-27)

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Écrit par Jean-Pierre Martel