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À l’aéroport de Hong Kong — d’où j’allais partir pour Montréal — j’avais acheté un volumineux coffret consacré au cinéma chinois.
Ses soixante DVDs dataient des premières décennies qui ont suivi l’accession au pouvoir du Parti communiste chinois.
Très tôt, j’ai réalisé que cette somme était composée essentiellement de films de propagande; deux tiers de navets et quelques films plutôt intéressants, du moins pour un cinéphile sinophile.
Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, pourquoi le cinéma japonais a-t-il produit ses plus grands chefs-d’œuvre alors que la Chine produisait presque exclusivement des films de propagande ?
La réponse est simple. En 1949, après l’accession au pouvoir de Mao Zedong, la priorité du cinéma chinois n’était pas de produire des œuvres d’art mais de contribuer à l’unité du pays, divisé par une guerre civile qui avait débuté en 1927.
Celle-ci s’était soldée par environ six-millions de morts, causées presque également par chacun des deux camps adverses.
On ne pouvait pas s’attendre à ce que les centaines de millions de survivants hostiles au communisme se rallient soudainement à la nécessité de rebâtir le pays sous la gouverne de leurs pires ennemis, contre lesquels ils étaient prêts à mourir voilà peu de temps.
Tout comme les plus grands artistes français se sont prêtés à la glorification du règne de Napoléon Bonaparte, les cinéastes chinois ont prêté leur talent à la glorification des héros de la Révolution chinoise… ou ont été forcés d’exercer un autre métier.
Parfois, il s’agissait de raconter une histoire édifiante. Comme celle de ce villageois qui a convaincu ses concitoyens de construire ensemble un système d’irrigation.
Le plus souvent, ces films dépeignent les combats livrés par les contrerévolutionnaires du Kuomintang, fourbes et cruels, contre les héros communistes qui s’illustrent par leur bravoure et leur dévouement au peuple.
Dans tous les cas, ces films sont tournés en décors naturels ce qui permet de voir l’état en ruine de l’habitat chinois dans les campagnes du pays (où vivait la grande majorité de la population).
Cette fabrication du consentement, destinée à rallier les anciens ennemis à leurs nouveau maitres, peut se faire de différentes manières.
Mais la manière douce, semblable à un lavage de cerveau, est la plus efficace.
De nos jours, des clips vidéos, vus en peu de temps par un grand nombre d’internautes, amènent ces derniers, comme des automates, à publier des milliers de messages haineux, à se déplacer afin d’insulter ceux qui s’apprêtent à voir un spectacle honni, ou à boycotter un produit parce que ses fabricants ont heurté la sensibilité des gens de notre époque.
Comme quoi la fabrication de la discorde, parfois orchestrée de l’Étranger, utilise les mêmes moyens que la fabrication du consentement.
Références :
Guerre civile chinoise
La propagande de « l’usine à trolls » russe
Presque le même cas, je le suppose, dans tous les pays communistes. En Roumanie, la plupart des films, d’avant la révolution de 1989, avaient des messages politiques, plus ou moins directs, pour aider le Parti de s’innoculer dans la conscience du peuple. Toutefois, pour accorder des petites circonstances atténuantes aux cinéastes, n’oublions pas la censure! Aucun film ne pouvait sortir sans l’accepte de la censure et aucun metteur en scène, par exemple, ne pouvait accéder en carrière, sans faire des concessions idéologiques. Les choses étaient pires dans les années 1950 je crois!