Précarité du français dans les provinces anglophones du Canada
Le 15 novembre dernier, le gouvernement ontarien décidait d’éliminer le poste de Commissaire aux services en français — une mesure atténuée depuis — et rompait sa promesse de financer la création d’une université française en Ontario.
De plus, il annulait la subvention de 2,9 millions$ que devait recevoir une nouvelle salle dédiée au théâtre francophone à Ottawa.
Au Nouveau-Brunswick, le nouveau gouvernement conservateur songe sérieusement à abolir le bureau du Commissariat aux langues officielles de cette province.
Au Manitoba, l’éducation en français dans cette province relève dorénavant d’un unilingue anglais, alors que cela relevait autrefois d’un sous-ministre adjoint francophone.
Dans une cause au sujet du sous-financement d’une commission francophone en Colombie-Britannique, le gouvernement de cette province invoque présentement que l’obliger à respecter l’article 23 de la Canadian Constitution serait un gaspillage des fonds publics en raison de l’assimilation inéluctable de la communauté francophone de cette province.
Le prix de l’unité canadienne
Dans les années 1960 et 1970, la force du mouvement indépendantiste était une menace sérieuse à l’unité canadienne.
Lors du référendum québécois de 1980, le vote favorable à ‘souveraineté’ a recueilli 40,44% des suffrages. Au référendum de 1995, cet appui avait grimpé à 49,42%.
Pour contrer le désir de nombreux Québécois de faire du Québec un pays indépendant, on a investi des sommes considérables afin que les Francophones québécois se sentent chez eux partout au Canada.
Cet investissement était jugé comme étant le prix à payer pour l’unité canadienne.
Mais les politiques à ce sujet se sont limitées à un bilinguisme de façade, plus précisément, au service à la clientèle du gouvernement fédéral.
Ce bilinguisme superficiel a été accepté au Canada anglais dans la mesure où il ne faisait pas obstacle à la volonté assimilatrice des provinces anglophones et qu’il ne nuisait pas aux chances de réussite d’un unilingue anglais dans la fonction publique fédérale.
Dans les faits, la machine interne de tous les gouvernements du pays est unilingue.
Autrement dit, à l’exclusion de l’interface qui interagit avec le citoyen, la machine étatique fonctionne presque exclusivement en français à Québec et presque exclusivement en anglais partout ailleurs.
C’est ainsi qu’à Ottawa, on exerce une discrimination à l’embauche à l’égard des unilingues francophones — ils sont plus d’un million au Québec — alors que n’importe quel unilingue anglophone peut y faire carrière.
Les postes destinés aux fonctionnaires bilingues sont fréquemment attribués à des fonctionnaires unilingues anglophones sous promesse d’apprendre le français… un jour.
Et il n’est pas rare qu’un Anglophone quitte le poste ‘bilingue’ qu’il occupait depuis des années sans jamais avoir appris notre langue ni fait d’efforts sérieux pour l’apprendre.
En mars dernier, un fonctionnaire fédéral au bureau montréalais du Bureau du surintendant des institutions financières a intenté une poursuite contre son employeur en raison du fait que tous les rapports destinés à Ottawa — où la fonction publique est à 92% unilingue anglaise — devraient obligatoirement être rédigés en anglais brimant ainsi son droit de travailler en français.
Les politiques canadiennes en matière de bilinguisme sont un succès dans la mesure où les francoCanadiens n’y voient que du feu. Mais dans les faits, il s’agit d’un façadisme destiné à faire illusion.
L’importance de la mobilisation francoOntarienne
À l’émission Tout le monde en parle d’hier soir, il était édifiant de voir le militantisme de cette délégation francoOntarienne vouée à la défense de ses institutions et ses droits.
Cette vaillance contraste avec l’apathie de très nombreux Québécois qui jugent normal qu’on exige à l’embauche la connaissance de l’anglais même lorsque cela n’est pas strictement nécessaire.
Conséquemment, le million de Québécois unilingues français sont des citoyens de seconde zone, ici même au Québec, alors que l’unilingue anglais est maitre chez lui partout au Canada.
Même les partis indépendantistes (le PQ et la CAQ) n’osent pas défendre le droit des Francophones de travailler dans leur langue. Imaginez qu’on refuse ce droit à l’Allemand unilingue dans son pays, ou à l’Italien unilingue dans le sien…
Le fait qu’une partie importante du peuple francoQuébécois soit stigmatisé chez lui est la preuve la plus éloquente de ce colonialisme canadian qui fait en sorte que les Québécois ont honte d’être ce qu’ils sont.
Les francoOntariens sont donc un exemple pour nous tous.
Conclusion
Le Québec est le seul endroit sur le continent américain où un Francophone devrait se sentir chez lui.
Partout ailleurs, il est en milieu hostile.
Maintenant que les Québécois veulent être Canadiens à n’importe quel prix — même au prix de politiques et de dépenses fédérales ouvertement discriminatoires pour le Québec — qu’est-ce qui justifie les couts supplémentaires et l’inefficacité du bilinguisme ?
Le retour des politiques ouvertement assimilatrices est la conséquence directe de cette perception au Canada anglais selon laquelle le mouvement indépendantiste est à l’agonie et que tout gouvernement fiscalement responsable doit mettre fin à des dépenses devenues superflues.
Références :
Front commun pour la pérennité des communautés de langues officielles
La Colombie-Britannique inquiète les francophones hors Québec
La restructuration au Bureau de l’éducation française inquiète la communauté francophone
Les concessions de Doug Ford visent-elles vraiment à calmer les Franco-Ontariens?
L’orangisme est de retour
Une autre coupe francophone: la Nouvelle Scène en danger
Un fonctionnaire fédéral défend son droit de travailler en français
Parus depuis :
La mention « bilingue » sur le CV, pas toujours un atout pour les francophones (2019-10-21)
Le droit de travailler en français au fédéral de retour devant les tribunaux (2021-06-09)
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