Les services gouvernementaux à visage découvert : la perte des illusions

Publié le 4 juillet 2018 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Selon la loi 62 du gouvernement Couillard, adoptée le 18 octobre 2017, toute demande et toute prestation de service gouvernemental doit s’effectuer à visage découvert.

En matière de laïcité, cette loi correspond au plus petit dénominateur commun de tous les partis politiques du Québec. On peut souhaiter que la législation soit plus exigeante. Mais on ne peut pas vouloir moins.

Voilà pourquoi je suis d’accord avec cette loi. Toutefois, j’ai toujours soutenu que cette loi était anticonstitutionnelle.

C’est ce que confirme le jugement rédigé en anglais rendu le 29 juin dernier par le juge Marc-André Blanchard de la Cour supérieure du Québec.

Une gifle pour les fédéralistes québécois

La Canadian Constitution de 1982 a été adoptée par les provinces anglophones du Canada à l’issue d’une séance ultime de négociation à laquelle le Québec n’a pas été invité.

C’est une constitution ethnique qui reflète l’idéologie dominante au pays et à laquelle le Québec doit se soumettre.

Les idéologues qui l’ont rédigée voulaient consacrer la suprématie absolue des droits individuels afin de bloquer les dispositions les plus importantes de la Loi 101. En effet, cette dernière proclamait la préséance de certains droits collectifs — ceux nécessaires à la pérennité de la langue française au Québec — sur certains droits individuels, notamment celui de s’assimiler au groupe linguistique de son choix.

En consacrant la suprématie absolue des droits individuels, ces idéologues n’ont pas su prévoir la montée de l’intégrisme islamique, résultat des sommes colossales que la dictature saoudienne consacre à sa promotion.

Si bien que, par exemple, le port du niqab sur la voie publique est un droit constitutionnel au Canada, mais ne l’est pas ni en France, ni en Belgique, et ni en Allemagne. Et ce n’est même pas un droit constitutionnel au Maroc, pourtant pays musulman.

En raison de cette constitution dysfonctionnelle, toutes les formes de laïcité préconisées par les partis politiques du Québec sont anticonstitutionnelles. Même le parti le moins exigeant à ce sujet (le Parti Libéral du Québec) devra céder devant l’ordre constitutionnel canadian.

L’accommodement raisonnable le plus pernicieux exigé du peuple francoQuébécois, c’est d’être constamment en deçà de ce qu’il aspire à être dans le but de se soumettre à l’idéologie de l’ethnie angloCanadienne, imposée par le biais d’une camisole de force constitutionnelle.

Voilà le prix du fédéralisme.

Dans ce sens, la décision du tribunal est une gifle — infligée en anglais, s’il-vous-plaît — à ceux qui croient toujours que le Québec peut mettre en application la plus rudimentaire des laïcités tout en demeurant au sein du Canada.

L’espoir en la clause dérogatoire

L’ultime espoir des fédéralistes québécois, c’est dans le recours à la clause dérogatoire de la constitution.

On ne doit pas se faire trop d’illusion à ce sujet.

La Canadian Constitution, c’est du Common Law et non du droit civiliste. Son interprétation peut varier selon les époques, selon les juges et selon la météo.

Autrefois, les Canadiennes n’étaient pas des personnes au sens constitutionnel du terme. Puis elles le sont devenues en 1929. Et ce, en vertu de la même constitution.

Lorsqu’un mot du texte constitutionnel signifie le contraire du sens qu’il a dans le dictionnaire, c’est que les juges en ont décidé ainsi. Tout simplement.

Autre exemple. Le texte de la constitution ne nous oblige qu’à traduire les lois québécoises après leur adoption et à les publier dans les deux langues. Mais surprise; la Cour suprême du Canada a estimé que l’adoption dans les deux langues était une exigence constitutionnelle ‘implicite’; c’est écrit nulle part mais c’est ça qui est ça.

Ce n’est donc qu’une question de temps pour que la Cour suprême décrète que pour invoquer la clause dérogatoire, il faut convaincre cette cour — composée majoritairement de juges qui appartiennent à l’ethnie dominante du pays — du bien fondé de cette démarche.

Cela verrouillerait complètement la camisole de force constitutionnelle imposée au Québec par l’ethnie angloCanadienne en 1982.

Conclusion

La décision du juge Marc-André Blanchard est une victoire pour les Indépendantistes.

Il prouve que la seule façon pour le Québec de définir sa propre conception de la laïcité et de la vivre, c’est en devenant un pays indépendant.

Références :
À visage découvert, ou l’ordre canadien
Le projet de loi libéral au sujet de la neutralité de l’État (dernière partie : les quiproquos)
Loi 62 (Québec)

Paru depuis : Islamic authorities in Russia’s Dagestan ban women from wearing niqab after attacks (2024-07-03)

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Écrit par Jean-Pierre Martel