Hôtel du ministère des Affaires étrangères à Paris
La déchéance ratée
Au lendemain des attentats de Paris en novembre 2015, François Hollande, ex-président de la République française, s’était engagé à modifier la constitution de son pays de manière à donner à l’État le pouvoir de déchoir de leur nationalité les terroristes binationaux.
Puisque le droit international interdit qu’on crée des êtres apatrides, ce pouvoir constitutionnel n’aurait concerné que ceux qui possèdent déjà une autre nationalité.
Cette privation de la citoyenneté française soulageait la France de toute obligation légale au sujet de ces gens.
Selon M. Hollande, ceux qui acceptent de commettre des attentats en France ou qui tentent de tuer des soldats français à l’Étranger s’excluent d’eux-mêmes de la Nation.
Après quatre mois de controverse, l’ex-président français renonça à cette mesure, appuyée par une majorité de ses compatriotes.
Plutôt que de créer deux classes de citoyens français (les binationaux et les autres), aux droits constitutionnels différents, le gouvernement français préféra finalement d’autres moyens d’empêcher le retour au pays des djihadistes.
Dans les faits, la déchéance de la nationalité aurait été l’objet de longues contestations juridiques qui en aurait retardé l’application dans chaque cas.
L’entrevue de l’ambassadeur irakien
À l’émission Focus, sous le titre ‘Irak : la trop lente reconstruction de Tikrit en ruines’, la chaine France24 diffusait le 14 février dernier une entrevue accordée par M. Fareed Yasseen, ambassadeur irakien à Washington.
À cette occasion, ce dernier rapporta les détails d’une réunion secrète à laquelle il a assisté et qui portait sur le problème du rapatriement des djihadistes français capturés par l’armée irakienne :
Je me souviens d’un ancien ministre français qui, soulevant ce problème, a dit à un haut responsable irakien : « Le retour de ces djihadistes va poser un vrai problème en France. On ne pourra pas les garder en prison. Ils vont sortir. Ils vont faire des dégâts.»
Alors, il se tourne vers lui — à l’époque, cela m’avait frappé — et lui a dit : « Tuez-les là-bas.»
Le ‘là-bas’ de cette citation suggère que la réunion s’est tenue hors d’Irak. Puisque c’est le genre de discussion qu’on tient loin d’oreilles indiscrètes, il serait raisonnable de penser que cela ait eu lieu au Quai d’Orsay, à Paris, là où se trouve le ministère des Affaires étrangères.
L’article du Wall Street Journal
Ce témoignage confirme un article paru en mai 2017 dans le Wall Street Journal.
Lors de la reconquête de Mossoul (la deuxième ville d’Irak), 1 200 membres des forces spéciales françaises auraient recruté officieusement des soldats irakiens afin qu’ils traquent et exécutent les mercenaires français dotés de pouvoirs de commandement au sein de l’État islamique.
À cette fin, les militaires français leur ont fourni les noms (et noms de guerre) d’une trentaine de Français recherchés, de même que les photos de quelques-uns d’entre eux.
L’État islamique regroupant ses mercenaires en brigades mono-ethniques (afin de favoriser leur cohésion), il suffisait aux agences de renseignement français d’intercepter un seul appel en français en provenance de Mossoul pour savoir où se cachaient les djihadistes français et conséquemment guider les bombardements ou les combats des forces gouvernementales.
La position française depuis Macron
Les mercenaires français capturés par l’armée irakienne seront jugés dans ce pays. Or il est presque certain qu’ils seront condamnés à la peine capitale.
Du point de vue irakien, ces prisonniers sont des mercenaires venus de l’Étranger pour semer la mort et la désolation. Il n’y a donc pas de raisons pour les tribunaux de ce pays d’être cléments à leur sujet.
D’autant plus qu’une peine d’emprisonnement à perpétuité dans ce pays serait à la charge des autorités irakiennes.
Officiellement, le gouvernement Macron n’exige pas que ses ressortissants prisonniers soient rapatriés en France pour y être jugés. Il se contente d’exprimer le souhait que la justice irakienne leur évite la peine capitale, ce qui est très improbable.
En somme, de François Hollande à Emmanuel Macron, la France poursuit une politique de fermeté à l’égard de ses ressortissants djihadistes.
Tout ce qui change, c’est la manière de l’exprimer.
Références :
France’s Special Forces Hunt French Militants Fighting for Islamic State
France’s Special Forces Hunt French Militants Fighting for Islamic State
François Hollande renonce à la déchéance de nationalité et au Congrès
Paru depuis :
Rapatriement des familles de djihadistes : la France défend son refus devant la Cour européenne des droits de l’homme (2021-09-30)
Sur le même sujet : Syrie : Terroristes à donner
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