Québec Solidaire et le ras des pâquerettes

30 août 2017

Mise en contexte

L’édition d’aujourd’hui du Devoir publie une lettre signée conjointement par les dirigeants de Québec Solidaire et d’Option nationale accusant le chef du PQ de nuire à la cause indépendantiste en ‘stigmatisant’ les demandeurs d’asile.

Les auteurs écrivent : «…le chef du Parti québécois s’est insurgé que ce soit le Québec qui assume les dépenses liées à l’accueil des demandeurs d’asile haïtiens. Il a qualifié ceux-ci d’invités de Justin Trudeau

Depuis des années, en vertu d’une entente administrative avec le fédéral, le gouvernement du Québec s’occupe des dossiers d’immigration qui concernent les travailleurs qualifiés. En d’autres mots, il s’agit des immigrants ‘ordinaires’.

Mais le gouvernement canadien a conservé ses responsabilités exclusives quant aux réfugiés, aux demandeurs d’asile et aux immigrants-investisseurs.

Or de plus en plus, le gouvernement fédéral a tendance à pelleter sur le dos des provinces les couts de ses politiques.

C’est ainsi que la dérèglementation ferroviaire permet au fédéral d’économiser des millions$ en salaires de fonctionnaires. Mais lorsque ce laxiste entraine la mort de 47 personnes à Lac-Mégantic et la pire catastrophe environnementale de l’histoire du pays, le fédéral ne paie que 50% de la note. Le reste est aux frais du gouvernement québécois.

Le gouvernement fédéral n’a pas causé cette minicrise migratoire (mini en comparaison avec celle en Europe). Mais il l’a aggravée par une politique de relations publiques qui laisse croire que le Canada est une terre d’accueil pour tous les êtres persécutés de ce monde.

Puisque tous les Canadiens profitent de l’image flatteuse du Canada à l’Étranger, la création d’attentes irréalistes chez les demandeurs d’asile serait un inconvénient mineur si le traitement de leurs dossiers s’effectuait rapidement.

Malheureusement, ce n’est pas le cas. Ce qui occasionne des frais importants que doit assumer le Québec, un des principaux points d’entrée de ces immigrants.

Aux États-Unis, l’analyse d’une demande d’immigration ne prend que quelques jours. Tout au plus, quelques semaines.

À l’opposé, au Canada, l’étude d’une requête se décide en fonction d’une grille d’analyse compliquée qui repose essentiellement sur la subjectivité du commissaire chargé du dossier. Voilà pourquoi le taux d’acceptation des demandes varie considérablement d’un commissaire à l’autre.

Si bien que tout cela prend des mois, sinon des années. Entretemps, ce sont les provinces qui paient les frais d’hébergement, les services médicaux et les autres frais occasionnés par les demandeurs d’asile en attente d’une décision.

Le chef du PQ veut que le fédéral paie le prix de sa lenteur administrative.

Je sais qu’Option nationale et Québec Solidaires sont en pourparler en vue d’une fusion mais j’ignore pourquoi Option Nationale — un parti pour lequel j’ai beaucoup d’estime — s’est laissé entrainer dans cette querelle de clocher entre indépendantistes.

Le reste de mon texte concernera donc essentiellement les dirigeants de Québec Solidaire (que je soupçonne d’être à l’origine de cette querelle).

Micropolitique et macropolitique

Pour le PQ, QS et ON, l’indépendance est un moyen et non un but. Mais de ces trois partis, celui qui est le plus mou à l’idée de l’indépendance, c’est Québec Solidaire.

Si celui-ci avait le choix entre continuer l’appartenance du Québec à un Canada dirigé par un parti de gauche ou favoriser l’accession à l’indépendance du Québec dirigé par un parti de droite, QS choisirait sans hésiter à continuer d’appartenir au Canada.

Conformément à l’impulsion donnée par ses fondateurs, l’idéologie de QS est centrée sur l’humain. C’est une idéologie où la préoccupation essentielle est l’émancipation du citoyen grâce à la bienveillance de l’État.

C’est ce que j’appelle la micropolitique. Celle-ci est une vision de la politique qui ne perd jamais de vue les conséquences concrètes des décisions de l’État dans la vie de chacun.

Mais il y a une autre dimension à la politique qui est la macropolitique. Les deux ne sont pas antagonistes mais complémentaires.

Québec, autoroute à pétrole

L’avenir du Québec au sein du Canada, c’est de devenir une autoroute à pétrole. Par pipeline, par pétrolier Panamax et par train (puisque le pipeline ne suffira pas).

Les provinces de l’Ouest le veulent. L’Ontario le veut puisque les financiers de Bay Street ont beaucoup investi dans les sables bitumineux. Bref, le Canada anglais le veut.

L’ethnie dominante du pays nous passera le pipeline Énergie Est sur le corps comme elle nous a passé la Canadian Constitution en 1982 à l’issue d’une séance ultime de négociation à laquelle le Québec n’a pas été invité.

En vue de cela, le gouvernement Harper a modifié la loi antiterroriste de manière à ce que toute initiative citoyenne qui aurait pour effet de faire obstacle à la construction d’infrastructures pétrolières réponde à la définition d’un acte terroriste.

Si le Québec était déjà indépendant, le Canada exporterait son pétrole par la Baie-James puisqu’en tant qu’État indépendant, le Québec disposerait de tous les pouvoirs pour empêcher l’utilisation de son territoire comme simple lieu de transit pour l’exportation du pétrole d’un pays voisin. Présentement, il n’a aucun pouvoir.

La militarisation du Canada

D’autre part, le Canada a annoncé son intention d’augmenter son budget militaire, passant de 1% à 2% du PIB (produit intérieur brut).

Ce qu’on n’a pas réalisé, c’est qu’il ne s’agit pas de dépenser 1% de plus du budget fédéral, mais d’augmenter le budget de la défense d’un pour cent de la valeur de l’économie canadienne.

C’est 15 milliards$ de plus par année pour de l’armement. Et cela alors que le risque d’une guerre mondiale est nul à brève et à moyenne échéance (la puissance américaine étant de cinq à dix fois supérieure à celle de la Russie).

Puisqu’il est question aux États-Unis de réduire la fiscalité des entreprises et des riches — ce qui obligerait le Canada à faire pareil — on doit se demander comment le Canada pourra dépenser annuellement 15 milliards$ de plus en dépenses militaires sans sabrer dans les mesures sociales soit directement, soit indirectement en coupant les vivres aux provinces.

L’inconscience de QS

Tout cela, Québec Solidaire en est totalement inconscient. Ses dirigeants en sont dans les complots partisans en vue de la prochaine élection.

La minicrise migratoire actuelle suscite des réactions diverses au sein des Québécois fédéralistes (CAQ vs PLQ) comme c’est le cas au sein des Québécois indépendantistes.

Mais tout cela n’est qu’une distraction insignifiante lorsqu’on quitte cette vue au ras des pâquerettes et qu’on prend conscience des nuages beaucoup plus inquiétants qui justifient l’urgence de libérer le Québec du colonialisme canadien.

Bref, le PQ n’est pas parfait. Même si la critique des dirigeants des autres partis indépendantistes à l’égard du PQ était justifiée — ce qui n’est pas le cas ici — il est clair que la chicane entre indépendantistes ne convaincra personne de la nécessité de faire sécession avec le Canada.

Un peu de retenue, s’il vous plait.

Références :
Doubler les dépenses militaires et la dénaturation du Canada
Des demandeurs d’asile soumis à la subjectivité des commissaires
En stigmatisant les demandeurs d’asile, Jean-François Lisée fait reculer l’indépendance
 

Post-scriptum : À la suite de la publication de ce texte, j’ai reçu de Québec Solidaire la réponse suivante :

 
Bonjour M. Martel,

Merci de votre commentaire. La position de Québec Solidaire est plutôt claire et ne relève pas de la stratégie électorale : nous désirons un pays pluriel, inclusif et luttant contre la discrimination.

Je vous invite à lire le programme de Québec solidaire au sujet de la souveraineté. Vous réaliserez que l’intervention de M. Nadeau-Dubois est une réaction en accord avec nos principes et non pas une tentative de courtiser un électorat.

J’espère que cela répondra à votre question.

Veuillez agréer de mes plus sincères salutations,

Philippe Lapointe, attaché politique

Député de Gouin – Gabriel Nadeau-Dubois
1453, rue Beaubien Est, Bureau 201
Montréal (Québec) H2G 3C6
Tél. : 514 864-6133 | Téléc. : 514 873-8998

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Écrit par Jean-Pierre Martel