© — Bombardier
Introduction
On croit généralement que ce sont les dettes qui acculent une compagnie à la faillite. En réalité, l’assèchement de ses liquidités donne le même résultat.
La CSeries est le projet industriel canadien le plus important depuis les vingt dernières années; Bombardier y a investi 5,4 milliards$ en recherche et développement, ce qui a considérablement tari les liquidités qui lui sont nécessaires pour payer ses employés et ses fournisseurs.
Il est à noter que le coût de développement du Concorde a été de 3 milliards d’euros en valeur d’aujourd’hui (soit 4,5 milliards$).
L’an dernier, le gouvernement Couillard a investi plus d’un milliard de dollars américains pour donner un peu de répit à Bombardier à la veille de la livraison des premiers avions de la CSeries.
De plus, Bombardier a vendu 30% de sa division ferroviaire à la Caisse de dépôt et placement du Québec pour les mêmes raisons.
Sans être absolument indispensable, l’ouverture d’une marge de crédit par le gouvernement canadien permet à des entreprises comme Bombardier de rassurer ses investisseurs.
De plus, en offrant à Bombardier les liquidités dont elle a besoin pour développer les CS500, elle protège Bombardier d’une guerre de prix de Boeing et d’Airbus dans le créneau très précis des avions de la taille des CS300.
Or finalement, la contribution fédérale est extrêmement décevante.
En effet, la nouvelle est tombée de matin : ce sera un prêt de 372,5 millions$, dont les 248 millions$ — les deux tiers — iront au programme d’avions d’affaires Global 7000, construit en Ontario.
Puisque le Québec aide Bombardier et que le Fédéral se trainait les pieds jusqu’ici, la rumeur veut qu’au cours des négociations, Bombardier ait menacé secrètement le fédéral de rapatrier ses installations ontariennes au Québec, d’où ce prêt fédéral, conditionnel à ce que cet argent serve principalement à des fins ontariennes.
Les 124 millions$ du fédéral pour la CSeries seront insuffisants pour lancer le CS500 — le modèle de 160 à 180 places — dont le développement pourrait couter un milliard$ supplémentaire. Ces miettes serviront donc au CS300.
Le Québec, colonie canadienne ?
À l’annonce de la contribution fédérale, le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique a déclaré : « Il s’agit d’un engagement historique; c’est la plus importante contribution jamais versée (à une entreprise) par le gouvernement fédéral.»
Vraiment ?
• Le sauvetage de Bay Street
Lors de la Grande récession, l’aide accordée aux banques canadiennes a atteint 114 milliards$, soit 3 400$ pour chaque homme, femme et enfant au Canada.
De cette somme, rien ne fut accordé aux Caisses populaires Desjardins puisque celles-ci ont une charte québécoise, et non fédérale.
En d’autres mots, cette aide ne servit qu’à aider les banques ontariennes de Bay Street.
• Le sauvetage de l’industrie automobile ontarienne
En 2009, le plan fédéral de sauvetage de l’industrie automobile — située exclusivement en Ontario — a été de 13,7 milliards$, dont 3,5 milliards$ ne seront jamais récupérés.
À l’époque, les porte-paroles du gouvernement canadien avaient rassuré les Québécois en leur promettant qu’Ottawa serait aussi généreux lorsque viendrait le temps d’aider l’industrie aéronautique, principalement située au Québec.
L’appui au secteur aéronautique, promis en contrepartie au Québec, c’est donc 372,5 millions, soit l’équivalent de 2,8% (dont 0,9% pour le Québec) du sauvetage des succursales canadiennes de GM et de Chrysler.
• Les contrats de la Canadian Royal Navy
En 2011, le gouvernement conservateur a accordé 33 milliards$ de contrats à des chantiers maritimes canadiens.
Environ 25 milliards$ de contrats militaires sont allés aux chantiers Irving à Halifax tandis qu’un constructeur maritime de Vancouver a hérité de la portion non militaire.
Rien n’est allé au Québec. Toutefois, Ottawa a accordé un contrat de 700 millions$ au chantier maritime Davie de Lévis pour la conversion d’un navire marchand en navire ravitailleur.
Ce 700 millions$ au Québec, c’est 2,6% de la somme versée aux deux provinces anglophones.
Pourtant, le Chantier de Lévis, le plus important au Canada, apparait sur la Lloyd’s List North American Maritime Awards 2015 à titre de meilleur constructeur naval nord-américain.
• La vente de chars d’assaut à l’Arabie saoudite
La vente de 14 milliards$ d’armement à l’Arabie saoudite est un contrat garanti par le gouvernement canadien. Le contrat certifie que le constructeur ontarien sera dédommagé dans l’éventualité où l’Arabie saoudite refuserait de payer la note. En effet, l’Arabie saoudite n’est soumise à la juridiction d’aucun tribunal international de commerce.
Lorsque Bombardier a tenté de vendre des avions à l’Iran, le gouvernement canadien a refusé de s’impliquer sous le prétexte qu’il n’avait pas de relations diplomatiques avec ce pays.
De plus, l’organisme fédéral Exportation et développement Canada n’offre aucune possibilité de financement pour l’Iran, contrairement à ses équivalents français, italiens ou encore danois.
Conséquemment, Bombardier n’a rien vendu à ce pays.
• La catastrophe environnementale de Lac-Mégantic
Le transport interprovincial de marchandise étant un domaine fédéral exclusif de compétence constitutionnelle, Ottawa avait l’habitude de payer la totalité des frais d’une catastrophe environnementale lorsque le transporteur ferroviaire n’était pas en mesure de les assumer.
Dans le cas de Lac-Mégantic, le fédéral a décidé de ne payer que 50% des couts. Pourquoi seulement la moitié dans ce cas-ci ? « Parce que nos règles ont changé.» s’était contenté de répondre M. Harper.
Les Québécois paieront donc le 50% refilé au provincial, en plus du 12% de leur part du fédéral, soit 62% de la facture.
• La négociation d’accords commerciaux
Avez-vous remarqué que lorsqu’un secteur industriel est sacrifié sur l’autel du libre-échange, c’est toujours un secteur québécois ?
Conclusion
Les Québécois paient 50 milliards$ de taxes et d’impôt au fédéral en contrepartie de 9 à 12 milliards$ de péréquation.
Quand vient le temps d’investir dans la création d’emplois au Québec, l’avarice fédérale est proverbiale. La raison en est simple.
Le fédéral est l’héritier du pouvoir colonial britannique. Mais contrairement aux autres pays colonisateurs, sa colonie n’est pas sous les tropiques; elle est à l’interne, encastrée dans son propre territoire.
D’où une constitution ethnique, signée par une ethnie (le Canada anglais) et imposée à une autre ethnie (nous) à l’issue d’une ultime séance de négociation à laquelle le Québec n’a pas été invité.
Quand vient le temps pour la métropole de décider des règles du jeu, l’avis d’une colonie compte peu.
Et quand il est question d’argent, on pille toujours la colonie au profit de la métropole. Jamais l’inverse. La splendeur de certaines capitales européennes en témoigne.
À l’annonce de ce prêt, le chef du Parti québécois a déclaré que c’était une raison de plus de faire l’indépendance. Je me demande si les Québécois ne devraient pas y songer sérieusement…
Références :
Aide à Bombardier: une raison de faire l’indépendance, selon Lisée
Bombardier: de l’aide pour un avion construit en Ontario
Bombardier et la Serie C: les Coûts du « fédéralisme canadien »
Chantier Davie est écarté des contrats des navires fédéraux
Dévoilement du sauvetage secret des banques du Canada
La clarté et l’opacité du ministre Dion
La CSeries de Bombardier
L’aide d’Ottawa à Bombardier, un prêt de 372,5 millions
Le gouvernement Trudeau approuve l’exportation des blindés vers l’Arabie saoudite
Ottawa confirme le contrat au chantier Davie
Ottawa vole au secours de Bombardier
Pourquoi Bombardier n’a pas encore vendu d’avions à l’Iran?