Plus tôt cette semaine, en présentant le rapport du comité sénatorial au sujet de l’infrastructure de transport du pétrole brut au Canada, le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu a blâmé les Québécois pour leur réaction émotive et irrationnelle face au passage du pipeline Énergie-Est.
Pourquoi réagissons-nous ainsi ?
L’enfant qui se met à pleurer lorsqu’il perd de vue sa mère, l’adulte dont le pouls s’accélère face au danger, répondent de la même manière face à l’inquiétude.
Tout être humain réagit viscéralement lorsqu’il est inquiet ou pire, lorsqu’il se sent menacé.
Dans le domaine du transport des matières dangereuses, si le gouvernement fédéral s’acquittait de son devoir de nous protéger, nous dormirions sur nos deux oreilles. C’est ce que nous avons fait pendant des décennies.
Mais le néolibéralisme promu par les gouvernements fédéraux (autant conservateurs que libéraux) fait en sorte qu’Ottawa préfère économiser en ne faisant rien pour nous protéger; il remet notre sécurité entre les mains d’aventuriers déterminés à maximiser leurs profits même si cela signifie la mise en péril de nos vies.
Ce que la catastrophe de Lac-Mégantic nous a appris, c’est que le fédéral se fie aveuglément à l’autodiscipline de l’entreprise privée. Plus aucune inspection et aucune vérification. Sauf à la suite d’un incident.
De plus, quand 47 personnes meurent brulées vives, quand une catastrophe environnementale de 1,5 milliard$ se produit, le fédéral ne paie que 50% des couts.
Ce qui veut dire que le fédéral économise des millions en salaires de fonctionnaires et quand cela tourne mal, nous devons non seulement enterrer nos morts, mais payer 62% de la facture (50% refilé à Québec et 12% de notre part de la moitié fédérale).
Notre réaction ‘émotive’ est la conséquence d’un gouvernement qui a le devoir de nous protéger et qui a démissionné de ses responsabilités.
Or le sénateur Boisvenu porte une lourde responsabilité à ce sujet.
En effet, celui-ci est membre du Comité sénatorial permanent des Transports et des Communications. À ce titre, il a adopté article par article, l’encadrement législatif du transport ferroviaire au pays. De plus, en tant qu’homme politique, il a défendu bec et ongles les politiques de dérèglementation du gouvernement Harper, politiques responsables au second degré de la tragédie de Lac-Mégantic.
Si le gouvernement fédéral ne se donne pas la peine d’inspecter du matériel roulant, peut-on imaginer qu’il va déterrer des pipelines pour les voir ?
Comment sera-t-il informé des fuites ? Par ce que voudront bien lui révéler les pétrolières. Et si des fuites discrètes contaminent nos nappes phréatiques, quand le saurons-nous ? Des décennies après que ces fuites auront commencé à migrer vers nos sources d’eau potable.
Et qui paiera pour l’augmentation des cancers causés par la présence de traces de substances toxiques dans l’eau du robinet ? Jusqu’à la fin des temps, qui paiera pour la fourniture d’eau embouteillée à des populations dont l’eau sera devenue impropre à la consommation ?
Le gouvernement conservateur (soutenu par le sénateur Boisvenu) n’a pas cessé de s’attaquer au financement des groupes écologistes. Quel groupe organisé sera en mesure de nous alerter des lacunes des politiques du gouvernement fédéral ?
Quand le gouvernement modifie la loi de manière à ce que toute obstruction citoyenne à la construction d’un pipeline réponde à la définition d’un acte terroriste, n’est-ce pas de nature à nous convaincre du biais de l’État à l’égard des pétrolières.
Commettre un méfait est déjà illégal : pourquoi les pétrolières auraient-elles besoin de la protection des services de renseignements antiterroristes ?
Bref, le sénateur Boisvenu a entièrement raison de critiquer les Québécois pour notre réaction émotive au sujet des pipelines. Mais si nous réagissons ainsi, à qui la faute ?
Références :
Lac-Mégantic : le silence étrange du sénateur Boisvenu
Pipelines — Le Sénat juge que les citoyens sont trop émotifs