Le choix de l’Amérique profonde

9 novembre 2016

C’est fait : Donald Trump a été élu 45e président des États-Unis.

Il ne s’agit pas d’un météorite soudainement apparu dans le ciel politique américain. Pendant des décennies, Donald Trump a joué le rôle de la mouche dans la fable Le coche et la mouche de Lafontaine, se payant au besoin des pages réservées à la publicité pour promouvoir ses idées politiques.

Il a frayé avec toutes les personnalités publiques. Il connait bien le milieu politique et lui voue un mépris qui n’a d’égal que celui que lui vouent la plupart des Américains.

Parce que Donald Trump s’est fait l’écho de cette Amérique profonde, avec ses contradictions, ses préjugés, sa xénophobie, son racisme et sa misogynie.

Il a dit tout haut ce que des millions de personnes pensent tout bas et n’osaient pas avouer parce que depuis toujours, on leur a dit que cela était laid, que cela ne se disait pas.

Trump a donné une légitimité aux opinions dites honteuses de ceux qui, jusqu’ici, n’avaient que les médias sociaux pour se défouler sous un pseudonyme.

Sa victoire électorale, c’est celle des dépossédés du centre des États-Unis et des États riverains des Grands Lacs, des travailleurs de l’industrie lourde, mis au chômage et à qui il a promis le retour du bon vieux temps.

Et aux yeux de cet électorat, tous les défauts de Trump — ses contradictions, ses déclarations intempestives, son manque de rectitude politique et ses sauts d’humeur — font vrai.

Au cours de cette campagne, il a dit tout et parfois son contraire, éclaboussant d’insultes tous ceux qui tentaient de s’opposer à ses ambitions.

Le domaine où un président américain a un pouvoir presque absolu, c’est en matière de politique extérieure. Pour les pays étrangers, Donald Trump n’est pas une boite à surprises comme on aime à le représenter; il est parfaitement prévisible.

C’est un président qui s’entendra avec n’importe quel pays qui sera favorable au développement de ses intérêts financiers personnels.

Le seul problème, c’est qu’à part ses biens immobiliers, on ne connait pas grand-chose de ses intérêts financiers puisqu’il a toujours refusé de dévoiler ses déclarations de revenus, contrairement à la coutume au cours des campagnes présidentielles américaines.

On compte donc sur une fuite de son dossier fiscal pour nous en informer.

En raison de son égocentrisme et de sa vanité, il sera le président plus manipulable de l’histoire américaine, tant par des puissances étrangères que par le complexe militaro-industriel de son pays.

Mais il n’est pas fou. Seule, la flatterie ne sera pas convaincante; elle le deviendra si elle est associée à une faveur, à un privilège accordé à son empire financier.

Quant aux conflits d’intérêts, les États-Unis en ont vu d’autres puisque le financement politique dans ce pays n’est que de la corruption légalisée.

Et s’il se dit maintenant contre la guerre en Irak, c’était pour incriminer sa rivale Mme Clinton qui, elle, avait voté pour.

Ce sera sans gêne qu’il adoptera des politiques semblables à celles qu’il condamnait en campagne électorale, justifiant des conflits militaires par leur nécessité à rendre glorieuse la nation américaine.

On peut donc s’attendre à une croissance des dépenses militaires. Et pourquoi pas, une belle guerre qui recueillera l’appui de ces blancs trop vieux pour être enrôlés et qui fauchera au front ces jeunes noirs si prompts à se révolter lorsqu’on tue sans raison l’un d’entre eux.

Est-ce que ce sera une catastrophe ? Je ne le pense pas. Dans le fond, n’est-ce pas ce qui se fait déjà depuis des décennies ?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’enseignement de l’histoire du Québec

5 novembre 2016

De 1982 à 2006

Pendant un quart de siècle, l’enseignement de l’histoire au Québec ne s’est étalé que sur une seule année du secondaire.

En 1996, le rapport Lacoursière suggérait une augmentation du nombre d’heures d’enseignement de l’histoire du Québec.

À la suite de ce rapport, la gestation du cours Histoire et éducation à la citoyenneté prit une décennie. Ce fut long parce que cette gestation s’est faite parallèlement à la mise au point du Renouveau pédagogique.

Celui-ci est une vase réforme destinée à axer l’éducation sur le développement de l’aptitude à apprendre plus que sur l’apprentissage lui-même; les élèves sont évalués selon leurs compétences transversales (une notion subjective, difficile à évaluer) plutôt que sur leur acquisition de la connaissance (c’est-à-dire la mémorisation des faits, facilement vérifiable).

De plus, l’accession au pouvoir du gouvernement Charest a été une occasion de purger l’enseignement de l’histoire des évènements susceptibles de favoriser le nationalisme québécois.

Histoire et éducation à la citoyenneté (2006)

Le cours Histoire et éducation à la citoyenneté fut adopté en 2006 et mis en vigueur de 2006 à 2009. Il est enseigné en troisième et quatrième années du secondaire.

En troisième année, on survole l’histoire de la société québécoise de ses origines à nos jours. Puis, l’année suivante, les élèves revoient la même histoire sous quatre grands thèmes :
• population et peuplement,
• économie et développement,
• culture et mouvement de pensée, et
• pouvoir et pouvoirs.

Ce cours postnationaliste passe sous silence le rapport Durham et évite toute référence à René Lévesque ou à l’affirmation nationale. Qualifié d’enseignement ‘amnésique’ de l’histoire, il n’a cessé d’être critiqué depuis son entrée en vigueur.

Les professeurs avaient l’impression d’être redondants, racontant l’histoire plusieurs fois selon différentes perspectives.

Commandé par le gouvernement péquiste de Mme Marois en 2013, le cours Histoire du Québec et du Canada a été adopté l’année suivante par le gouvernement libéral de M. Couillard.

Histoire du Québec et du Canada (2016)

En dépit de son titre, ce cours n’aborde l’histoire canadienne que dans la mesure où celle-ci a influencé le développement du Québec. Essentiellement, l’accent est donc mis sur l’histoire du Québec dont la trame chronologique est étalée sur deux ans.

C’est l’année 1840 (qui a vu la naissance de l’Acte d’Union) qui sera la charnière qui séparera ce qui sera enseigné à l’une ou l’autre de ces deux années.

On y a ajouté des notions qu’on n’enseignait pas avant comme l’esclavagisme en Nouvelle-France, de même que les conflits avec les Amérindiens et avec les Anglais, en dépit de la nature délicate de ces sujets.

Le nouveau cours sera obligatoire en 2017 mais les professeurs qui sont déjà prêts peuvent l’enseigner dès maintenant.

C’est le cas de la majorité des professeurs d’histoire de troisième année du secondaire. Les professeurs de quatrième ne peuvent le donner dès maintenant puisqu’il doivent attendre la première cohorte d’étudiants ayant reçu le nouveau cours en troisième année.

Des projets pilotes concernant ce qui doit être enseigné en quatrième du secondaire ont révélé que les professeurs trouvent qu’il y a trop d’évènements de grande importance à couvrir et qu’il leur est difficile d’y aller en profondeur.

Le nouveau cours a la faveur de la majorité des enseignants et historiens du Québec, qui le trouvent mieux construit et plus simple à assimiler pour les élèves

La principale critique vient de certains organismes anglophones.

Pour sa part, sans donner d’exemples précis, la Quebec Community Groups Network aurait aimé que l’histoire soit racontée de façon plus ‘neutre’ et ‘inclusive’, notamment à l’égard des autochtones, des anglophones et des immigrants.

Dans l’édition d’aujourd’hui du Devoir, Mme Nicole Ste-Marie signale à nos amis anglophones que leur souhait, aussi bon chic bon genre qu’il soit à première vue, signifie qu’on devrait enseigner l’histoire :
• des Chinois qu’on a fait venir pour construire le chemin de fer transcanadien sous des conditions proches de l’esclavage (plusieurs y ont trouvé la mort),
• de la dépossession des Métis de leurs terres dans le centre du pays pour les donner à des colons anglais,
• de la pendaison de Louis Riel, chef des Métis,
• du génocide des Béothuks à Terre-Neuve par les troupes anglaises,
• des Innus déportés dans l’Arctique tout en leur interdisant de chasser à leur arrivée, les condamnant à mourir de faim,
• des réserves amérindiennes, créées par le régime anglais, et qui ont servi de modèle à l’établissement de l’Apartheid en Afrique du Sud,
• de l’internement des Canadiens d’origine japonaise et leur dépossession pendant la 2e guerre mondiale,
• du kidnappage (encouragé par le Département des Affaires indiennes du Canada) des jeunes autochtones dans des pensionnats où ils étaient battus et abusés sexuellement.

Anecdote personnelle et conclusion

Il y a quelques années, dans un commerce où je travaillais, je me suis retrouvé seul à seul à parler d’histoire avec une vieille dame assez distinguée, unilingue anglaise.

Alors que je mentionnais être descendant d’une fille du Roy, cette dame m’a demandée — un peu gênée de poser la question — s’il n’était pas exact que les colons français étaient des repris de justice et que les filles du Roy étaient des prostituées.

Un peu surpris par sa question, je lui ai répondu que l’Angleterre déportait en Australie une partie de ses condamnés aux galères mais que ce n’était pas le cas de la France en Nouvelle France.

Mon ancêtre masculin (Honoré Martel) était le fils d’un vendeur de chevaux à Paris et la fille du Roy de laquelle je descends (Marguerite Lamirault) était la fille du cocher de la reine de France.

Après le départ de cette dame, j’ai réalisé qu’une partie des Anglophones québécois ont appris de telles conneries à notre sujet. Si ce n’est pas à l’école, leurs professeurs n’ont rien fait pour corriger ces préjugés.

D’où l’importance, essentielle à mes yeux, que tous les Québécois reçoivent à l’école le même enseignement de base en histoire, quitte à ce que les professeurs soient libres de compléter cela en enseignant des particularités propres aux différents groupes ethniques qui composent leurs classes.

Mais il doit y avoir un tronc commun auquel tous les Québécois doivent s’identifier.

À titre d’exemple, s’il est concevable que Pierre Le Moyne d’Iberville soit présenté comme un vilain pirate (ce qui est faux) par l’histoire du Royaume-Uni, nous ne sommes pas au Royaume-Uni. Conséquemment, il ne peut être présenté par l’histoire d’ici que comme le plus grand héros québécois (ce qu’il est), que cette histoire soit enseignée à un Québécois francophone ou à un Québécois anglophone.

En somme, l’Anglophone d’ici doit voir l’histoire du Québec en tant que Québécois et non en tant que descendant de Britannique (ce qu’il n’est pas nécessairement).

Tout comme Leonard Cohen doit être vu comme un grand poète et auteur-compositeur, peu importe notre langue maternelle.

Il faut donc cesser de considérer les personnages historiques d’ici différemment selon le groupe ethnique auquel on appartient.

Cela signifie, par exemple, qu’on doit enseigner que nous sommes tous redevables (Anglophones comme Francophones) à Jacques Parizeau, en dépit des paroles regrettables qu’il a tenues un soir de défaite référendaire.

Références :
Apprendre de nos particularités
Cours d’histoire: la ministre Courchesne réfute les critiques
Le nouveau cours d’histoire du Québec
Le nouveau cours d’histoire déplaît aux écoles anglophones
Nouveau cours d’histoire: «réparer l’erreur» de 2006
Nouveau programme d’histoire du Québec et du Canada : moins redondant et plus complet
Un nouveau cours d’histoire qui divise

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Une corrida portugaise

3 novembre 2016
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Préambule : Ce diaporama s’adresse aux adultes. Il comporte des scènes de violence et de cruauté qui pourraient ne pas convenir aux personnes sensibles.

Depuis des siècles, la corrida fait partie des coutumes des peuples de la péninsule ibérique (Espagne et Portugal).

Cette coutume est aujourd’hui contestée par les groupes de défense des droits des animaux.

À Barcelone, l’esprit indépendantiste des Catalans les a amenés à bannir cette pratique sous le prétexte qu’il s’agissait-là d’une tradition barbare et ‘étrangère’ (lisez : ‘castillane’).

À sa manière, le Portugal a également tenté de répondre aux critiques adressées à la corrida traditionnelle.

À l’issue de cette remise en question, la pratique de la corrida au Portugal s’est sensiblement renouvelée. Mais soyons clairs : cela demeure un spectacle brutal (comme l’est la boxe) et un spectacle cruel (comme l’est le combat de coqs).

La corrida portugaise se distingue de trois manières importantes.

Premièrement, elle ne se termine plus par la mise à mort du taureau.

À l’issue de la corrida traditionnelle, les toréadors tuaient le taureau en lui plantant une épée au cœur.

En réalité, la plupart du temps, ils lui perçaient un poumon. L’animal perdait connaissance et il était achevé en coulisse.

Deuxièmement, aux toréadors et aux picadors, s’ajoute un nouveau type d’artisans : les matamores.

Les toréadors se mesurent toujours seul à seul au taureau, mais armés seulement de leur muléta, ce carré de tissu avec lequel ils provoquent la charge de l’animal. Ils n’infligent plus de blessures à celui-ci.

Le picador chevauche toujours sa monture. Mais les flancs de sa jument ne sont plus recouverts d’une longue couverture protectrice.

Ce cavalier est maintenant le seul à blesser le taureau. À l’issue des affrontements, l’animal est soigné et remis en forme puisqu’un animal fougueux est plus précieux que sa viande.

Quant aux matamores, ils forment une équipe dont le but est de maitriser le taureau à mains nues.

La troisièmement et dernière distinction de la corrida portugaise est que la hiérarchie de ces artisans est complètement bouleversée.

Autrefois auréolés de gloire, les toréadors sont déchus de leur statut de vedette. Ce sont maintenant des tâcherons dont le modeste rôle consiste à essouffler le taureau pour diminuer sa dangerosité quand ce n’est pas simplement de faire diversion lorsque celui-ci devient incontrôlable.

Dans la corrida traditionnelle, les picadors et leurs montures jouaient le rôle de ‘palissades mobiles’ destinées à contenir le taureau. Ce sont maintenant de véritables vedettes.

Leurs juments sont des bêtes exceptionnelles capables d’exécuter des pirouettes et des pas savants.

Ces bêtes agiles exécutent des feintes et des parades de manière spectaculaire. Leur vue n’est pas bloquée par des ornières : elles sont donc parfaitement conscientes du danger et y réagissent d’instinct.

De plus, les cavaliers doivent commander leur monture par le biais de l’inconfort du mors et non par le biais de la souffrance infligée par des piqures d’éperons (puisqu’il ne semble pas que leurs bottes en soient équipées).

Le statut de vedette du picador est confirmé par le fait qu’il est toujours le seul cavalier en scène, assisté de plusieurs subalternes que sont les toréadors.

Après voir planté avec succès un nombre déterminé de piques, le picador cède la place aux matamores.

Ces derniers forment un groupe de huit hommes à pied. Leur but est de maitriser l’animal à mains nues selon un protocole scrupuleusement respecté.

Le chef des matamores s’approche de l’animal. Il s’avance pas à pas, les mains sur les hanches. Il s’arrête. Il frappe le sol du pied pour provoquer l’animal. Si ce dernier ne réagit pas, le matamore fait quelques pas de plus. Et ainsi de suite jusqu’à ce que l’animal décide de foncer sur lui, à toute vitesse, la tête baissée.

À l’impact, le matamore saisit le cou de l’animal afin de ne pas être propulsé dans les airs.

Aveuglé par cet obstacle, l’animal poursuit généralement sa course jusqu’à l’endroit où sont les autres matamores. Ceux-ci l’agrippent par la tête tandis que l’un d’entre eux le saisit par la queue.

Pendant que les autres matamores quittent la piste, celui qui tire le taureau par la queue oblige l’animal à tourner sur lui-même jusqu’à l’étourdissement, puis quitte à son tour.

Ceci est le scénario idéal. Mais ce n’est pas toujours le cas.

Si le taureau réussit à se dégager de lui-même (en d’autres mots, sans avoir été dompté), les matamores doivent recommencer.

Il est fréquent qu’une équipe soit obligée de s’y prendre deux ou trois fois avant de réussir.

À moins, évidemment, d’avoir subi de très graves blessures lors de leur essai. De petites blessures ne suffisent pas à leur exempter cette épreuve.

On admire donc le courage du chef d’équipe. Après avoir été piétiné par l’animal en furie, l’uniforme sale et déchiré, le visage lacéré de coupures, il se doit donc d’affronter de nouveau le même animal en combat singulier.

Lorsque l’équipe réussit finalement à s’acquitter de son mandat et à quitter la piste dignement, on doit faire sortir le taureau.

À cette fin, on fait appel à un groupe de génisses. Elles portent au cou des cloches, de manière à attirer l’attention du taureau.

Obsédé par les génisses, le taureau ne voit pas les vachers. Ceux-ci font sortir les génisses suivies du taureau, et quittent en dernier la piste.

Voilà les caractéristiques de la corrida portugaise. Celle-ci est essentiellement une mise en scène du courage humain au cours de laquelle le bœuf sert de faire-valoir.

Dans le cas particulier du spectacle en vedette dans la vidéo, il s’agissait d’une corrida ‘antique’ au cours de laquelle ses artisans étaient costumés à la manière du XVIIIe siècle.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pratiques religieuses et choix de société

2 novembre 2016

En juin 2015, le gouvernement Couillard présentait le projet de loi 62. Celui-ci défend le principe de la neutralité religieuse de l’État.

La neutralité, c’est vivre et laisser vivre. C’est permettre à n’importe qui d’être différent tant qu’il n’essaie pas d’obliger les autres à devenir comme lui.

Le projet de loi libéral va même jusqu’à laisser les représentants de l’État (policiers, juges, et gardiens de prison, entre autres) libres de porter des signes d’appartenance religieuse. Une de ses rares contraintes est l’obligation de donner ou de recevoir des services de l’État à visage découvert.

Farouchement opposé à la défunte Charte de la laïcité du gouvernement Marois, j’appuie le projet de loi libéral.

Alors que la plupart des opposants à ce projet de loi lui reprochent de ne pas aller assez loin, les organismes de défense des droits de l’Homme se sont opposés à ce projet de loi pour des raisons opposées.

Voile_islamique
 
Hier en commission parlementaire, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a accusé le gouvernement libéral de brimer les droits constitutionnels des femmes niqabées et de celles qui portent la burka.

De son côté, la Ligue des droits et libertés a accusé le gouvernement libéral de permettre le profilage religieux à l’encontre d’une partie des Musulmanes.

Personne ne peut reprocher aux organismes de défense des droits de la personne de défendre les droits individuels; c’est leur rôle.

On doit toutefois réaliser que dans ce bas monde, rien n’est sacré. Toutes les lois et tous les règlements restreignent d’une manière ou d’une autre notre droit de faire ce qu’on veut.

La question est de savoir si ces contraintes sont justifiées. Et dans le cas précis des lois qui vont à l’encontre de dispositions constitutionnelles, on doit se demander si le but recherché est important au point de justifier l’invocation de la clause dérogatoire de la Canadian Constitution.

Le reproche que j’adresserais aux organismes de défense des droits de l’Homme serait de sous-estimer profondément les conséquences de leur prise de position dogmatique.

Les imams qui prêchent l’obligation du port du niqab interdisent également la mixité.

Selon eux, non seulement la femme portant le niqab doit-elle éviter tout contact physique avec des étrangers (donc pas de poignée de main), mais elle doit vivre dans un environnement de travail où hommes et femmes ne se rencontrent pas.

Concrètement, si le gouvernement québécois veut embaucher une femme niqabée, il devra se préparer à aménager des bureaux, des couloirs, des ascenseurs et des aires de repos au sein desquels jamais hommes et femmes ne se côtoient. Sinon l’État obligera cette employée à aller à l’encontre de ses convictions religieuses.

En plaidant le respect absolu des convictions religieuses, la Commission des droits de la personne ne sait pas dans quoi elle s’embarque.

Le Wahhabisme — la religion d’État de l’Arabie saoudite — n’interdit pas seulement la mixité; ses exigences tatillonnes vont aussi loin que d’interdire d’uriner dans la direction de la Mecque. J’espère qu’on n’en viendra pas à modifier l’orientation des toilettes dans tous les édifices publics pour satisfaire les principes naïfs des défenseurs des droits de l’Homme.

Autoriser le port du niqab ou de la burka par les représentants de l’État sur la seule base des droits constitutionnels, cela n’est que le début d’une longue suite d’exigences religieuses qui, en fin de compte, obligeraient le Québec à adopter l’Arabie saoudite comme modèle de société.

Alors où donc tracer la ligne ?

Ma réponse est simple : la ligne est celle déjà tracée par le projet de loi 62.

En somme, la décision d’obliger la prestation de service à visage découvert est un choix de société. Et ce choix, nous le faisons nôtre.

Et si le Canada anglais pense le contraire, c’est son droit. Nous le respectons. Mais il est hors de question que le reste du pays nous dicte comment sera façonnée la société québécoise.

Conséquemment, le gouvernement Couillard devra se résoudre à invoquer la clause dérogatoire de la Canadian Constitution.

C’est la seule solution. Cela est d’autant plus facile que ce n’est pas notre constitution, c’est leur constitution.

Références :
La Charte de la laïcité : un mauvais départ
La Commission des droits de la personne juge le projet de loi 62 discriminatoire
Le projet de loi libéral au sujet de la neutralité de l’État (2e partie : laïcité vs neutralité religieuse)
Port du voile en hausse parmi les musulmanes au Canada

Parus depuis
Le Maroc interdit la fabrication et la vente de la burqa (2017-01-10)
L’Allemagne interdit le voile intégral dans la fonction publique (2017-04-28)
La CEDH juge «nécessaire» l’interdiction du voile intégral dans l’espace public (2017-07-12)
Le Danemark veut interdire le voile intégral dans les lieux publics (2018-01-06)
Denmark passes law banning burqa and niqab (2018-05-31)
L’Algérie interdit le port du niqab sur le lieu de travail (2018-10-19)
Switzerland to ban wearing of burqa and niqab in public places (2021-03-07)

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Écrit par Jean-Pierre Martel