Introduction
Le soir du 4 septembre 2012, la nouvelle première ministre du Québec réunissait deux-mille partisans dans une salle de spectacle, le Métropolis, afin de célébrer leur victoire électorale.
Pendant le discours de Mme Marois, Denis Blanchette (un technicien de scène, père d’une fillette de 4 ans) est tué d’une balle à l’arrière de l’édifice en tentant d’empêcher un homme armé de pénétrer par l’entrée des artistes.
Déviée, la même balle blesse gravement son collègue Dave Courage.
À l’aide du matériel incendiaire qu’il a apporté, le suspect met ensuite le feu dans le but d’empêcher les gens de sortir de l’édifice par l’arrière.
N’ayant pas encore réalisé que son arme principale s’est enrayée, le suspect tente d’abattre un témoin oculaire et un policier avant d’être arrêté et ainsi être empêché de mener à terme son projet.
Le soir de l’attentat, le terroriste a apporté cinq armes dont deux qu’il transporte sur lui.
L’arme principale est une carabine CZ858 Tactical-2 modifiée illégalement pour contenir trente balles au lieu de cinq; le chargeur en contenait encore 27 au moment de l’arrestation.
L’autre arme sur lui était une arme de poing de 9mm, le Ceska Zbrojovka CZ75.
Dans sa fourgonnette, le suspect avait également trois autres armes dont un pistolet Beretta 9mm et un révolver de calibre .357 Magnum.
La sécurisation des lieux
On savait déjà qu’au moment de l’attentat, aucun policier n’était présent à l’arrière du Métropolis.
Le terroriste a donc pu tuer une personne, avoir le temps de verser son matériel incendiaire et d’y mettre le feu avant que les policiers à l’avant accourent, alertés par le bruit du tir qui a tué Denis Blanchette.
Mais il y a plus. Ce qu’on apprend au cours du contrinterrogatoire du terroriste est consternant.
Lorsque le lieu et la date de la réunion péquiste ont été rendus publics peu avant la tenue de l’évènement, il était du devoir de la Sureté du Québec de sécuriser l’endroit puisqu’une de ses responsabilités est d’agir comme garde présidentielle. Cela ne fut pas fait.
Le jour de l’attentat, le terroriste s’est rendu une première fois au Métropolis afin d’inspecter les lieux et de planifier soigneusement son crime.
Il en a fait même le tour trois fois. Il lui fallait notamment trouver l’endroit le plus proche pour stationner en raison du poids du matériel incendiaire. L’endroit idéal était le stationnement des Habitations Jeanne-Mance, situées à l’arrière du Métropolis.
Sa présence suspecte n’a attiré l’attention de personne puisqu’aucun policier n’était sur place.
Après cette reconnaissance des lieux, il est retourné chez lui (à 142km, dans les Laurentides), pour prendre ses armes à feu, ses munitions et ses bidons d’essence.
Son retour en soirée avec le même véhicule n’a déclenché les soupçons de personne puisqu’aucune mesure préventive n’avait été entreprise jusqu’alors.
On doit donc conclure que les responsables de la sécurité du chef de l’État québécois ont fait preuve d’une négligence grossière le 4 septembre 2012. Négligence d’autant plus impardonnable qu’elle a couté la vie à Denis Blanchette, sans compter le danger auquel un nombre considérable de personnes ont été exposées.
Les chefs d’accusation
Cette semaine, lors du contrinterrogatoire du terroriste, on a appris que les avocats de la poursuite savaient que l’accusé avait avoué à l’automne 2012 à la psychiatre chargée d’en faire l’évaluation psychologique, que son plan était de tuer le plus de Séparatistes possible ainsi que la première ministre.
Il avait également avoué qu’il avait voulu mettre le feu au Métropolis pour obtenir le même résultat que l’incendie criminel du café Blue Bird (qui s’était soldé par 37 morts à Montréal en 1972).
En d’autres mots, les procureurs savent depuis longtemps qu’on a affaire à un attentat terroriste mais ont choisi de ne porter aucune accusation à ce sujet.
D’où la question : Pourquoi a-t-on pris cette décision ?
La pièce manquante
Lors de l’incendie du café Blue Bird en 1972, trois individus avaient mis le feu à l’escalier qui donnait accès au bar situé au premier étage d’une bâtisse. L’unique sortie de secours étant verrouillée, l’incendie fit 37 victimes et n’épargna que les personnes qui sautèrent de la fenêtre de la toilette pour femmes.
Dans le cas de l’attentat au Métropolis, l’incendie à l’arrière de l’édifice ne permettait pas à lui seul d’atteindre le but recherché par le terroriste — soit tuer le maximum de personnes — puisque les participants à la soirée péquiste auraient pu facilement sortir à l’avant. En effet, cette sortie est suffisamment large pour permettre l’évacuation sécuritaire de tout le monde.
Façade du Métropolis
Entrée des artistes (l’escalier bleu)
Cet incendie n’a du sens que si l’intention de l’accusé était, une fois le feu bien allumé, de se déplacer à l’avant afin d’abattre tous ceux qui auraient voulu échapper au brasier.
Dans son esprit, cela semblait d’autant plus facile qu’aucun policier n’était sur place l’après-midi, au moment de sa visite exploratoire des lieux, et que le soir de l’attentat, des passants lui ont peut-être masqué la présence des policiers qui montaient maintenant la garde devant la salle (à moins qu’il ne se soit rendu directement au stationnement à l’arrière).
Au moment où ces lignes sont écrites, cette partie de la preuve semble faire défaut.
Voilà sans doute pourquoi, parmi les chefs d’accusation portés contre le terroriste, aucun ne concerne sa tentative de meurtre contre les deux-mille participants à cette soirée. Une omission dont l’énormité est évidente depuis que la preuve de la poursuite a été rendue publique.
Le témoignage de la psychiatre est une preuve par ouï-dire, ce qui ne sert qu’à mettre en doute la crédibilité de l’accusé. Celui-ci a témoigné sous serment que son intention n’était, au contraire, que d’empêcher la première ministre de prononcer son discours.
Dans une cause criminelle ordinaire, il ne faut présumer de rien puisqu’on ne peut condamner l’accusé que lorsque la preuve est irréfutable, c’est-à-dire hors de tout doute raisonnable. En raison de la facilité d’y échapper, l’incendie à l’arrière du Métropolis peut être considéré par un juré indulgent comme une simple négligence criminelle (c’est-à-dire comme un acte susceptible d’entrainer involontairement la mort).
Ce qui rend encore plus incompréhensible la décision de ne pas ajouter un chef d’accusation supplémentaire en vertu de la loi antiterroriste canadienne de 2002. Le parlement canadien a adopté cette loi précisément pour faciliter la condamnation des coupables d’attentats et faire obstacle à leur acquittement pour des vices de forme. À quoi sert une loi dont on ne se sert pas ?
De plus, c’était là une occasion de tester cette loi et, le cas échéant, d’en vérifier les échappatoires.
Références :
Attentat du Métropolis
Attentat au Métropolis: Denis Blanchette est mort en héros
Attentat au Métropolis: Richard Henry Bain possédait 22 armes
Bain possédait légalement toutes ses armes
Bain voulait empêcher Pauline Marois de faire son discours
Il y a quarante ans, la tragédie du Blue Bird Café
L’attentat terroriste au Métropolis : un crime quelconque ?
Richard Bain avait avoué à sa psychiatre ses crimes et leur préméditation
Richard Bain avait fait des aveux à sa psychiatre
Paru depuis : Au Métropolis, une police de pee-wee (2022-12-02)
Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectifs M.Zuiko 12-40 mm F/2,8 (1re photo) et M.Zuiko 7-14 mm F/2,8 (2e photo)
1re photo : 1/60 sec. — F/2,8 — ISO 640 — 26 mm
2e photo : 1/800 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 7 mm
Pourquoi ? Parce que la loi antiterroriste ne doit pas servir à justifier contre les personnes responsables en bout de ligne de la sécurisation des lieux une accusation de négligence criminelle par omission. A-t-on d’ailleurs au moins fait une enquête de nature disciplinaire contre ces responsables de la sécurité et susceptible d’aboutir à leur congédiement? Je ne me rappelle plus des faits à cet égard. J’imagine que non. C’est la vie …
Je ne demande pas de congédiement à la Sécurité du Québec ni d’enquête publique tant les faits sont patents. Toutefois, il est clair que la SQ doit revoir ses politiques, si ce n’est pas déjà fait.
Quant à la possibilité de poursuites, c’était à la famille de Denis Blanchette, à Dave Courage, et aux autres personnes dont la vie a été mise en péril de défendre leurs droits à l’époque. S’il ne l’ont pas fait…
Tout ce que nous pouvons exiger, c’est que la mémoire de Denis Blanchette soit honorée dans l’espace public. N’est-il pas mort en tentant de sauver la vie des autres ?
Ce que je trouve le plus choquant dans cette affaire, c’est que le terroriste ait tenté de tuer deux-mille personnes sans que cela fasse l’objet d’une accusation.
Ceci étant dit, à la lecture de la première partie de votre commentaire, dois-je comprendre que selon vous, on n’aurait pas invoqué la loi antiterroriste parce que cette loi rendrait les responsables de la sécurité plus vulnérables à des accusations de négligence criminelle par omission ?
Est-ce bien ce que vous dites ? Si c’est le cas, j’aimerais que vous m’expliquiez comment vous en arrivez à cette conclusion. Je ne vous comprends pas.
M. Martel, vous avez bien raison, je me suis relu et mon commentaire est certes assez nébuleux et ce, même pour le soussigné. La paresse m’interdit de m’imposer la tâche de me comprendre moi-même surtout s’il existe des chances que ce ne soit pas très brillant. Alors, si vous le permettez et je vous en remercie à l’avance, je passe mon tour (o:
Vous avez un sens de l’autodérision qui vous rend très attachant, M. Pinsonnault.
J’aimerais me sortir de situations fâcheuses avec autant d’élégance que vous…
«Since then, officials and analysts have often continued to ignore attackers’ ties with broader networks. »Part of the reason for the consistent failure may lie in a desire to avoid culpability »; observers may perceive attacks carried out by networks as something officials should have prevented, but potential lone attackers are notoriously difficult to spot.» Extrait de :
The Myth of Lone-Wolf Terrorism
M. Martel, cet extrait correspond exactement à ma 1ère phrase de mon 1er commentaire à savoir :
«Parce que la loi antiterroriste ne doit pas servir à justifier contre les personnes responsables en bout de ligne de la sécurisation des lieux une accusation de négligence criminelle par omission.»
J’imaginais en effet la crainte que l’appel à la loi antiterroriste augmente la publicité au delà de nos frontières de leur omission de sécuriser adéquatement les lieux. Une telle publicité paraît fort mal dans un dossier surtout si une nouvelle première ministre était la cible.
C’est dans un même esprit que je présumais, dans la phrase qui suivait, que probablement il n’y eut pas d’enquête à l’interne selon une procédure habituelle et écrite pour ce genre d’événement grave, afin de conserver vierge de toute condamnation le dossier du ou des responsables.
:o) La prochaine fois que j’écrirai un commentaire, j’éviterai de vous l’envoyer aussi à bonne heure qu’à 5h30 du matin et ce, afin de me permettre de me relire pour vérifier que ledit commentaire tel que rédigé a encore du sens quelques heures plus tard. (o:
Cordialement et bonne journée !
Ce que disent Gartenstein-Ross et Barr, c’est que les attentats commis par des loups solitaires sont beaucoup plus difficiles à prévenir. Conséquemment, afin d’éviter des reproches de laxisme, les autorités ont souvent ignoré les liens de ceux-ci avec des réseaux terroristes et ont eu tendance à crier au loup solitaire plus souvent qu’ils auraient dû.
Les lois antiterroristes n’ont jamais eu pour but d’excuser le laxisme des responsables de notre protection.
Conséquemment, je demeure d’avis que la Sécurité du Québec aurait dû sécuriser les environs du Métropolis dès l’annonce que la nouvelle première ministre y serait plus tard en soirée.
De plus, il est inconcevable qu’on puisse attenter à la vie de deux-mille citoyens sans ce que cela justifie un chef d’accusation pour terrorisme.