Au début de cette année, on apprenait que des étudiants québécois avaient quitté le pays apparemment pour combattre au sein des milices de l’État islamique.
À la même époque, un arrondissement de Montréal avait dû modifier sa règlementation afin d’empêcher l’ouverture d’un centre communautaire par un imam. Précédemment, ce dernier avait été chassé d’une mosquée existante pour ses propos jugés radicaux par les fidèles : ce centre communautaire devait, dans les faits, servir de mosquée lui permettant d’exprimer ses idées.
Les maisons d’enseignements et les villes se sentent mal outillées lorsqu’on leur demande de servir de remparts contre la radicalisation. Ce n’est pas leur rôle.
En contrepartie, elles n’ont habituellement pas la force de s’opposer à l’islamophobie ambiante quand il s’agit de protéger les droits fondamentaux des Musulmans (environ 3% de la population québécoise).
Voilà pourquoi il est du rôle des gouvernements supérieurs d’agir dans ce domaine.
En réponse à cette inquiétude, le gouvernement du Québec avait promis de s’attaquer à la radicalisation islamiste.
Mais désireux d’éviter les ‘amalgames’ — le dernier mot à la mode — le gouvernement Couillard a préféré agir de manière plus vaste en s’attaquant au discours haineux.
En soi, cette intention est louable.
On a donc présenté un projet de loi intitulé : « Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes ».
Comme son nom bavard l’indique, ce projet de loi contient des dispositions qui n’ont pas de rapport avec la lutte à la haine et qui dépassent donc le cadre de ce texte.
Alors que dit ce projet de loi ?
Tout repose sur son premier article.
Celui-ci établit que cette loi s’applique aux discours haineux et aux discours incitant à la violence concernant les personnes protégées de la discrimination par la Charte québécoise des droits et libertés.
Voyons un exemple concret.
Si un imam québécois prêche qu’un texte est une insulte à l’Islam et que son auteur devrait être puni de la peine de mort, est-ce un discours haineux ou un discours incitant à la violence ? De toute évidence, oui. Mais est-ce contraire au projet de loi 59 ? Malheureusement non.
En effet, le projet de loi n’interdit pas tous les discours haineux, mais seulement ceux qui visent les personnes qui appartiennent à un groupe protégé de la discrimination en vertu de la Charte québécoise des droits et libertés.
Si l’imam précise qu’on devrait assassiner l’auteur peu importe sa race, son sexe, son orientation sexuelle, son état civil, son âge, ses convictions politiques, sa langue, sa religion, etc., il ne commet aucune discrimination. Conséquemment cela n’est pas contraire au projet de loi 59.
Ce qui ne veut pas dire que sa prédication ne serait pas contraire à une disposition actuelle du Code criminel. Mais la loi 59 n’ajouterait rien de plus.
Par peur des ‘amalgames’, cette loi prétend interdire une finalité (la radicalisation) sans rien faire contre chacune des étapes qui conduisent à cette finalité.
Interdirons-nous le financement de mosquées québécoises par l’Arabie saoudite ? Non.
Interdirons-nous la promotion au Québec des interprétations les plus radicales de l’Islam, les interprétations qui font honte à la grande majorité des Musulmans d’ici ? Non.
Interdirons-nous à un professeur de suggérer à ses élèves la lecture d’un texte anodin publié sur l’internet, mais sur lequel apparaissent également des hyperliens vers des discours d’Oussama ben Laden ou des textes de propagande de l’État islamique ? Non.
Et si un professeur impose à ses étudiants un devoir qui consiste à réaliser une affiche de propagande de l’État islamique, est-ce du discours haineux ou violent ? L’affiche réalisée par un élève pourrait l’être mais certainement pas le devoir du professeur.
Les dirigeants d’école, les maires et les officiers d’organismes publics qui espéraient des moyens d’agir sont abandonnés à leur sort par un gouvernement obsédé par son désir de se distinguer de son principal adversaire politique, présenté comme xénophobe et intolérant.
En somme, de la petite politique qui nous protège de rien.
Post scriptum : Dans l’édition de novembre 2015 de L’Action nationale, Marc Laroche — détenteur d’un diplôme d’études supérieures en sciences des religions — suggère l’encadrement législatif suivant :
Ne délivrer un permis de construction ou de location d’un lieu de rassemblement (temple, église, mosquée, synagogue, etc.) — et de tout lieu faisant office de lieu de culte (mon ajout) — que si les responsables de groupes religieux ou idéologiques s’engagent par écrit à ce qu’aucun passage incitant à la violence grave contenu dans leurs textes référentiels n’y soit professé.
S’il est démontré par la suite qu’un tel groupe contrevient à cette règle, il sera condamné pour terrorisme et dissous, et ses biens, meubles et immeubles seront confisqués par l’État.
Références :
De jeunes Québécois soupçonnés d’avoir rejoint des djihadistes en Syrie
L’imam Hamza Chaoui n’aura pas de permis de la Ville de Montréal
Projet de loi 59 (version originelle)
Un professeur demande à ses élèves de réaliser une affiche de propagande de l’EI
Deuxième post-scriptum (26 mai 2016) : La ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, a annoncé aujourd’hui l’abandon de la partie 1 du projet de loi 59. Inefficace, cette la partie de la loi visait à combattre l’intégrisme et la radicalisation.