Introduction
Elle est finie l’époque où un pays déclarait la guerre à un autre en lui transmettant une déclaration par le biais d’un ambassadeur.
Le carnage du 13 novembre dernier à Paris a été une déclaration de guerre implicite de l’État islamique (ÉI) contre la France. Tout comme les attaques de Pearl Harbor en 1941 ont été une déclaration de guerre implicite du Japon envers les États-Unis.
Mais est-ce bien comparable ? L’ÉI est-il un État ?
Un pays officieux
Jusqu’ici, les gouvernements de nombreux pays (dont le Canada) préféraient qu’on parle des milices de l’État islamique plutôt que d’État islamique.
De nos jours, on parlera aussi de Daech, un acronyme basé sur la transcription phonétique de mots arabes Dawlat islamiya fi ’iraq wa sham qui signifient État islamique en Irak et au levant. Bref, du pareil au même.
Pendant un certain temps sur ce blogue, j’ai suivi cette directive non écrite; en septembre 2014, je parlais encore de l’organisation État islamique.
Mais il faut nous rendre à l’évidence; dans les faits, c’est un État. Ses frontières ont beau fluctuer au gré des combats, ce pays a beau ne jouir d’aucune reconnaissance officielle, ce qui ne change rien au fait qu’il a tous les attributs d’un État.
L’État islamique contrôle un territoire qu’il appelle califat. Il y assure l’ordre. Il y prélève des taxes et impôts. Il y distribue des services (dispensaires et enseignement coranique, notamment).
On pourra le conquérir et, une fois qu’il aura été défait, l’annexer à ce qu’on voudra : pour l’instant, c’est un pays.
L’efficacité de la diplomatie française
Lorsqu’on entre en guerre, toutes les forces de l’État n’ont qu’un seul but; vaincre l’ennemi. Or une des forces de la France, c’est la compétence et l’efficacité de son corps diplomatique.
Il faut s’enlever de l’esprit ce cliché voulant que le travail d’un ambassadeur consiste à courir les cocktails d’une ambassade à l’autre.
Les autorités françaises ont entrepris un important ballet diplomatique entre les grandes capitales et cette initiative commence déjà à porter fruit.
Jusqu’ici, la coalition militaire contre l’ÉI n’avait pas pour but d’anéantir le califat, mais de susciter le chaos et l’anarchie de manière à inciter les pays voisins de se protéger en achetant des armes auprès des dirigeants de cette coalition (qui sont des producteurs d’armements).
Si le but avait été d’anéantir l’ÉI, on l’aurait d’abord vulnérabilisé en sapant ses sources de financement, la principale étant la vente de pétrole extrait du territoire qu’il contrôle.
Grâce à la diplomatie française, les choses commencent à changer.
Cette semaine, le quotidien Le Monde nous apprend qu’après consultation avec les représentants français, le Pentagone avait décidé détruire les centres de distribution du pétrole tenus par l’ÉI, ainsi que leurs convois partant en direction de la Turquie. À noter : on parle ici de distribution et non de production.
Selon la revue Foreign Policy, les responsables militaires américains sont arrivés à la conclusion que la campagne aérienne contre les infrastructures pétrolières de Syrie — infrastructures qui ont rapporté des centaines millions de dollars à l’EI ces deux dernières années — avait été trop prudente (un euphémisme pour dire qu’ils n’ont rien fait).
On a donc mis sur pied d’une nouvelle opération baptisée Tidal Wave II, en référence à la campagne qui avait détruit les champs pétroliers de l’Allemagne nazie en Roumanie durant la Deuxième Guerre mondiale.
Le 15 novembre dernier, des frappes ont détruit 116 camions-citernes stationnés près de la frontière irakienne, à Abou Kamal.
En Syrie seulement, l’ÉI contrôle 253 puits de pétrole. À certains de ces puits, les camions-citernes en attente de ravitaillement forment des queues longues de six kilomètres.
On voit donc que la destruction de 116 camions-citernes n’est qu’un début. Ce qu’on cherche à faire pour l’instant, ce n’est pas de détruire les sites d’extraction, mais de faire en sorte que leur accès soit encombré par les carcasses des camions-citernes bombardés.
Dans le fond, on arrive au même résultat que le bombardement des puits de pétrole. L’opération Tidal Wave II possède l’avantage de pouvoir remettre en service ces sites pétroliers aussitôt l’ÉI vaincue, le cas échéant.
Le but de la guerre contre l’ÉI
Ira-t-on plus loin en détruisant les puits de pétrole eux-mêmes ? Du point de vue strictement militaire, cela n’est pas nécessaire; empêcher l’accès suffit. Toutefois la guerre est soumise à d’autres impératifs.
Le but de la guerre contre l’ÉI n’est pas d’anéantir le califat; en une décennie de guerre, les États-Unis ne sont pas venus à bout d’Al-Qaida.
Cette guerre a deux objectifs.
Le premier est de punir de manière spectaculaire l’ÉI en lui infligeant une vulnérabilité dont il ne se remettra jamais.
Le deuxième est de tracer aux yeux de tous les mouvements terroristes à travers le monde, une ligne rouge qui est la limite à ne pas dépasser.
Massacrez-vous entre milices hostiles : pas de problème. Massacrez des populations loin de nous et nous vous condamnerons du bout des lèvres sans qu’il ne vous arrive rien. Mais touchez à un cheveu de nos citoyens ici même sur le territoire national et notre colère sera terrible. Voilà le message.
Une leçon pour le Canada
Pendant les années du régime despotique de Steven Harper, le Canada a considérablement perdu de son influence internationale.
Obéissant à des politiques économiques à courte vue (basées exclusivement sur l’exploitation pétrolière), le Canada s’est présenté au monde comme un pays qui n’hésite pas à renier ses engagements, à tenter de saboter les conférences destinées à combattre le réchauffement climatique, et qui ferme les yeux sur toutes les violations des droits de l’Homme commises par des régimes d’extrême droite (dont l’Arabie saoudite).
En 2010, lorsqu’il s’est agi de combler une vacance à son Conseil de sécurité, l’ONU a infligé une gifle au Canada en préférant le Portugal à notre pays.
On ne sait jamais lorsqu’on aura besoin des autres. En devenant un pays en marge des préoccupations mondiales, le gouvernement Harper a placé le Canada dans une situation délicate.
Voilà pourquoi il est important de rétablir la réputation internationale de notre pays, ce à quoi s’emploie justement le nouveau gouvernement canadien.
Références :
Daesh gagnerait 50 millions de dollars chaque mois sur la vente du pétrole
Esclavage, rançons, pétrole, pillage… comment se finance l’Etat islamique
Hitting the Islamic State’s Oil Isn’t Enough
Le Canada reçoit une gifle à l’ONU
L’État islamique : un trou noir
Raids aériens pour « casser la machine » Etat islamique
Parus depuis :
Frappes d’une rare intensité en Syrie (2015-11-21)
La France exclut l’envoi de forces spéciales (2015-11-23)
Peut-on considérer l’Etat Islamique comme une pétromonarchie ?
Pour être une pétromonarchie, il faut remplir deux conditions.
Premièrement, l’économie du pays en question doit être basée sur le pétrole. C’est le cas du califat appelé État islamique.
Deuxièmement, dans une monarchie, la succession au trône se fait selon des règles basées sur l’hérédité.
L’État islamique n’a pas jugé bon définir ses règles dynastiques parce que la jurisprudence établie dans les premiers siècles de l’Islam est suffisamment précise à ce sujet.
Une des conditions essentielles pour se qualifier comme califat, c’est que ce pays doit être dirigé par quelqu’un de la même tribu que Mahomet, soit un Quraychite.
Le chef actuel de l’État islamique se dit membre de cette tribu.
Mais a-t-il des enfants ? Si oui, a-t-il obligé ses lieutenants à prêter allégeance à son héritier afin de préparer sa succession ? S’il n’a pas de descendance, y a-t-il, parmi ses lieutenants, quelqu’un qui soit de la même tribu que lui ?
Donc, en guise de réponse, je dirais que l’État islamique répond probablement à la définition d’une pétromonarchie. Mais nous en aurons le cœur net au moment où se posera le problème de trouver un successeur à celui qui le dirige actuellement.
Ce qui veut dire presque ou bientôt… En attendant, Bon Dimanche ! Pour Nous : 1er week-end hivernal avec quelques centimètres de neige !
De bonnes nouvelles pour un dimanche matin. Merveilleusement résumées. Merci M. Martel. Écoutés tantôt sur Ici Tou.Tv, certains des extraits de musique et de la vie mouvementée et tragique de Beethoven et de Berlioz (deux très intéressants documentaires intitulés Sur les pas de … , 50 minutes chacun) s’accorderaient bien avec les péripéties de la lutte contre l’État Islamique. Je me joins à Sandy pour vous souhaiter un beau et bon dimanche … pas trop froid …
DANS LA LIMITE DU TEMPS POSSIBLE…
Je me joins à vous, dès que je peux… enfin, aussi longtemps que je le pourrai, autant que vous m’en donnerez envie…
Je garde, toujours, un peu d’avance, sur vous…, sur le Temps, je veux dire… Le Bon Dimanche : il faut le souhaiter, dans les temps… et, il faut dire que c’est un jour tristounet, le Dimanche, quand on est seul.
Sans rire, même la Capitale de la Bande Dessinée devait faire mine d’une ville morte, hier : grise mine… vous voulez dire, à Bruxelles… et, je n’ose vous parler de la Fusée de Tintin qui aurait, certainement, eu envie de partir sur la Lune, durant ces trois jours… traquer d’autres Fortunes, d’autres Richesses, d’autres Etoiles…
J’ai déformé quelques paroles… car le Dimanche, c’est un peu… Noir Désir…