La pourriture morale de Volkswagen

Publié le 25 septembre 2015 | Temps de lecture : 4 minutes

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En raison de leur mode particulier de combustion, les moteurs diesels ont tendance à produire une plus grande quantité d’oxydes d’azote que les moteurs ordinaires.

Aussi nocifs qu’ils soient, ces oxydes ne sont qu’une partie des polluants émis par une voiture.

Incapable de produire un module antipollution qui ne soit pas un handicap sérieux à la performance de ses voitures, Volkswagen a choisi de tricher.

Un véhicule qui file à grande allure sur une autoroute ne le fait jamais alors que le capot est ouvert et que ni le volant ni les roues motrices ne changent pas de direction.

C’est toutefois ce qui arrive lorsqu’une voiture est testée.

L’idée des fraudeurs était simple; il suffisait d’activer le module antipollution lorsque la voiture semble rouler le capot grand ouvert.

Autrement, le module était totalement ou partiellement mis en veilleuse et la voiture était libre d’atteindre ses performances optimales, appréciées des conducteurs.

Au début de 2014, l’ONG américaine International Council on Clean Transportation demande à des chercheurs de l’université d’État de Virginie-Occidentale d’étudier les émissions des moteurs diesels en condition de conduite normale.

Les chercheurs pensaient pouvoir démontrer que les voitures vendues aux États-Unis étaient moins polluantes que celles vendues ailleurs, parce que les standards américains étaient plus élevés.

Mais les résultats furent très différents. Certaines voitures utilisées (entre autres, des voitures diesels de marque Jetta et Passat) émettaient de 5 à 35 fois plus d’oxydes d’azote que les taux maximaux permis aux États-Unis.

Ces voitures ont en commun le fait d’être équipées du moteur diesel quatre cylindres TDI Euro 5 du type EA 189. On le retrouve sous le capot des marques Volkswagen, Audi, Seat et Škoda.

Des tests sont justement en cours aux États-Unis et en Europe afin de déterminer l’étendue de cette fraude.

Les propriétaires qui avaient choisi ces voitures en raison de leur empreinte environnementale réduite ont payé plus cher pour rien. La valeur de revente de leurs véhicules est amoindrie. Bref, on s’attend à un recours collectif de plusieurs milliards de dollars, sans compter les poursuites gouvernementales.

Signalons que le diesel ne représente que 3% du parc automobile américain, contre 55% du parc européen.

Payé 16,6 millions d’euros par année, le président de Volkswagen a remis sa démission dans la foulée de ce scandale.

Pouvant réclamer une indemnité de départ équivalente à deux ans de salaire, sans compter les droits à une pension de 28,6 millions d’euros pour les huit années passées à la tête du groupe, Martin Winterkorn pourrait quitter l’entreprise avec un parachute doré de 61,8 millions d’euros (près de 100 millions de dollars canadiens)… si aucune faute ne peut lui être reprochée.

La question qu’on peut se poser est la suivante : comment les dirigeants d’une entreprise aussi respectable ont-ils pu commettre une telle fraude ?

Pour répondre à cette question, on doit se rappeler que les agences de notation et les plus grandes institutions financières au monde ont sciemment menti quant à la valeur presque nulle des actifs adossés à des créances hypothécaires (appelés ‘papier commercial’) et ce, afin de tromper les investisseurs. Cette fraude a presque réussi à faire effondrer l’économie mondiale en 2007.

La réponse à la question posée précédemment est simple : le capitalisme n’est plus ce qu’il était.

Contrairement au créateur d’une petite entreprise qui bénéficie d’une considération sociale intimement liée à la respectabilité sa compagnie, la plupart des grands gestionnaires d’entreprise n’ont aucun attachement à leur employeur.

Celle-ci n’est qu’une étape dans une carrière où il se propose de papillonner d’une compagnie à l’autre au gré des occasions intéressantes.

Le capitalisme est donc pourri de l’intérieur par ces dirigeants sans scrupule dont le seul but est de justifier leur salaire en favorisant la croissance de la valeur capitalisée de la compagnie par tous les moyens, y compris la fraude, et de la quitter avant que les choses ne se gâtent.

Références :
Affaire Volkswagen
Don’t Breathe Here
Cinq questions pour comprendre le scandale Volkswagen
Le rapport prémonitoire qui annonçait la fraude de Volkswagen
Salaire record pour le patron de VW
Volkswagen : cette petite phrase de Martin Winterkorn peut lui rapporter 61 millions
Volkswagen : les origines du scandale

Dans le même ordre d’idée : VISA Desjardins et les pourrisseurs d’entreprise

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Écrit par Jean-Pierre Martel