Confidences d’un photographe amateur en marge des FrancoFolies

Publié le 22 juin 2015 | Temps de lecture : 8 minutes

Dans presque tous les cas, les foules des FrancoFolies ne sont pas compactes au point d’empêcher le retardataire de se faufiler jusqu’aux pieds de la scène. On peut donc se permettre de papillonner d’un concert à l’autre, et avoir ainsi un aperçu de toute la programmation gratuite.

L’équipement

Si les soirées des FrancoFolies débutent alors qu’il fait jour, elles terminent toujours la nuit. De plus, il arrive que l’éclairage d’un spectacle soit volontairement sombre afin de créer une atmosphère particulière.

Conséquemment, il est préférable d’avoir un objectif lumineux et un appareil photo dont le capteur est capable d’enregistrer une image sans y ajouter trop de grain.

Les FrancoFolies sous la pluie

Quelques jours avant le début des FrancoFolies, je me suis procuré un télézoom tropicalisé, c’est-à-dire à l’épreuve de la pluie.

À noter : Pourquoi ne dit-on pas tout simplement imperméable ? C’est que — faits de verre, de plastique ou de métal — tous les objectifs sont imperméables. Mais généralement, ils n’empêchent pas les infiltrations d’eau. Ce que font les objectifs tropicalisés. Tropicalisé fait allusion à la mousson, abondante sous les tropiques.

Version finale de la photo de Koriass
Détail à 100% de la photo non retouchée

L’inconvénient de photographier lors d’une averse, c’est que la mise au point se fait parfois sur les gouttes de pluie qui passent devant l’objectif, plutôt que sur le sujet visé.

Dans l’exemple ci-dessus, ne me résignant pas à détruire cette photo où justement la mise au point s’était faite au mauvais endroit, j’ai dû dessiner les cils et la pupille des yeux du rappeur. Le résultat est une photo d’apparence parfaitement réussie. Malgré cette tricherie, j’aime bien le résultat.

Sous une pluie abondante, il est souvent préférable de faire manuellement la mise au point ou de travailler en hyperfocale, c’est à dire dans un mode où tout est au foyer. C’est le cas avec des appareils compacts ou des téléphones multifonctionnels. Mais la contrepartie, en utilisant ceux-ci, on perd le flou d’arrière-plan qui sert à éliminer la distraction visuelle occasionnée par toute cette la quincaillerie derrière l’artiste.

Un premier inconvénient d’un équipement professionnel, c’est son poids. Mon appareil µ4/3 et son objectif professionnel pèsent 1,5kg. Ce serait pire si c’était un appareil reflex mais cela est une mince consolation; à la fin d’une soirée aux FrancoFolies, je suis vraiment las de transporter un tel poids.

À la fin de ma première journée avec ce nouvel objectif, j’avais décidé de ne l’utiliser qu’à l’occasion des soirées pluvieuses. De fait, mon téléobjectif ordinaire, moins lumineux, permet de prendre des photos toutes aussi bonnes en début de soirée. Toutefois, la différence de qualité est nette sur les photos de nuit. Cela ne parait pas trop sur les photos publiées en semi-haute définition mais la différence est évidente lorsqu’on examine les photos à leur pleine résolution. Donc je suis retourné très vite à mon gros objectif professionnel, même les soirs dégagés.

Les soeurs Boulay

À la défense de mon téléobjectif ordinaire, il faut relativiser les choses; pour des portraits, est-il nécessaire de voir les moindres pores de la peau du visage d’un artiste ? Donc la netteté absolue est superflue. En boutade, le photographe Henri Cartier-Bresson disait que la netteté est une préoccupation bourgeoise.

De plus, la photo ci-dessus a été prise l’appareil tenu au bout des bras, au-dessus de la tête, en me frayant péniblement un passage dans la foule; aurais-je risqué de trébucher et de heurter quelqu’un si j’avais eu un lourd objectif de verre et de métal au lieu de celui-ci en plastique ?

Le regard

Un deuxième inconvénient d’un objectif volumineux et lourd, c’est qu’il est intimidant pour les artistes. D’où leur tendance à regarder dans sa direction.

Antoine Chance

Dans la presque totalité des cas, je détruis les photos sur lesquelles l’artiste regarde l’objectif. Pourquoi ? Afin de refléter ce que le spectateur moyen voit et non le point de vue privilégié du photographe doté d’un matériel monstrueux.

Par contre, d’autres fois, je trouvais que ce regard complice rendait plus fidèlement la personnalité sympathique de l’artiste.

Le langage corporel

Sally Folk
Pierpoljak

Lorsque je vois un chanteur ou un groupe pour la première fois, il est essentiel pour moi de distinguer la gestuelle qui le caractérise.

Je soupçonne que certains artistes se sont pratiqués longuement dans leur miroir pour en venir à l’effet qu’ils désiraient provoquer chez leurs auditeurs. Cette gestuelle fait partie de leur image publique.

Ils ne sont sans doute pas comme cela dans la vie de tous les jours. Mais lorsque, par exemple, Mme Sophia Krim devient Sally Folk, cette transformation est analogue à celle de la chenille en papillon (si Mme Krim me permet cette comparaison grossière). Ce que l’admirateur désire voir c’est la sublime Sally Folk et non Sophia Krim en bigoudis.

À noter : Pour Pierpoljak — dont la gestuelle scénique rappelle l’esthétique de Bob Fosse — j’ai accentué ce doigt pointé vers le quatrième balcon d’une salle imaginaire en lui permettant de traverser le cadre de la photo.

Dans le cas d’un chanteur ou d’une chanteuse à texte, j’évite de publier la photo où l’artiste sourit sous les applaudissements alors qu’il a passé tout le reste de son concert comme s’il souffrait d’une grave crise d’hémorroïdes. On me permettra ici de ne pas donner d’exemple.

Le style musical

Papillon
Éric Lapointe

Une des premières chose qu’apprend le chanteur à ses débuts, c’est qu’il doit développer la bonne attitude, s’il ne l’a pas déjà.

C’est ainsi que le rocker doit avoir une allure rebelle. En complet Armani et en cravate de soie à 100$, cela ne fait pas crédible. S’il porte des tatouages et des bijoux qui en valent autant, cela est beaucoup mieux.

Galaxie
Gazoline

De la même manière, le chanteur heavy metal ne doit pas être représenté en photo comme quelqu’un qui murmure de la poésie.

C’est ainsi que dans le cas de Gazoline, j’ai fait basculer un peu la photo vers l’arrière afin de suggérer le chanteur à bout de souffle.

Hugo Lapointe

Le chanteur de charme doit sembler en plein élan amoureux.

Antoine Ménard

Si possible, le chanteur à texte doit être expressif.

KGA

La photo d’un groupe hip-hop doit refléter la chorégraphie anarchisante de ce groupe.

Déambuler de long en large, les bras ballants comme des singes en cage, fait habituellement partie de l’esthétique hip-hop : la photographie qui les représente doit refléter ce cliché.

Conclusion

King Melrose

Un bon photographe de scène n’est qu’un maillon dans l’industrie du spectacle. Son rôle est de propager l’image publique, généralement feinte, de l’artiste parce que c’est précisément ce que réclament ses admirateurs. C’est ce que j’essaie de faire de mon mieux.

Je suis conscient de cet assujettissement. Je l’assume pleinement parce que c’est une merveilleuse occasion de faire du portrait et ce, dans une société où photographier des inconnus est considéré comme une intrusion dans leur vie privée, du moins selon la jurisprudence actuelle.

Sarah Olivier

La relation entre le photographe et l’artiste ne peut pas mieux être illustrée que par cette dernière photo.

Imaginez. Les scènes des FrancoFolies sont des constructions temporaires. Solides mais rudimentaires. Par contre, vous avez une artiste qui débarque à Montréal avec ses costumes glamour, son maquillage sophistiqué, et qui chante devant un parterre de personnes en sandales et en culottes courtes — avec parfois des enfants qui courent entre les gens — comme si sa prestation de déroulait dans le plus prestigieux cabaret de New York.

Par respect pour l’artiste, le photographe doit refléter le monde de rêve créé par cette personne, en dépit du surréalisme de la situation.

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Un commentaire à Confidences d’un photographe amateur en marge des FrancoFolies

  1. sandy39 dit :

    SUR DES MISES AU POINT…

    Je crois qu’il vaut mieux traîner son équipement professionnel, même les soirs de pluie.

    Mais, il n’y a pas besoin de rendre tous les détails de la peau ! Nous n’avons pas besoin de voir si l’Artiste a un bouton, au milieu de la figure ou le visage rougi par le stress ! Même du bout du bras, les filles sont belles…

    Donc, vous détruisez les photos quand vous leur faites peur… Sinon, il n’y aurait plus rien de naturel… avec un matériel monstrueux. Tout un langage à refléter… surtout pour Sally ! (J’aurais pu m’appeler comme ça, dans l’ordi… c’est, aussi, très joli)

    Quand vous dites : »Je soupçonne que certains artistes sont… », je me demande si un subjonctif ne conviendrait pas mieux… soient pratiqués. Enfin, vous ferez comme vous voudrez…

    Et, en plus, vous vous prenez pour un bon photographe…-comme si Moi, je me prenais pour l’Ecrivain !-, devant Sarah qui, je trouve, est un peu trop bien habillée…, un peu trop glamour, dans son costume noir…, devant une telle gratuité de concerts !

    Enfin, ce ne sont que les confidences d’un Amateur qui, se moque, au fond, de lui, quand il met sa blouse de côté… et qu’il s’empare d’autres Objectifs ! (dans tous les sens du terme !)

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