Bombarder l’État islamique, ça fait tellement du bien…

Publié le 25 mars 2015 | Temps de lecture : 6 minutes

Introduction

L’émergence de l’État islamique (ÉI) est le résultat du chaos causé par l’intervention militaire des États-Unis et de leur allié britannique dans cette partie du monde.

La question que nous devons nous poser est la suivante : est-ce bien à nous de réparer les pots cassés ?

Aucun pays ne fait la guerre motivé par de bons sentiments; on fait la guerre lorsqu’on a des intérêts géostratégiques à défendre.

En 1939-1945, nous défendions nos partenaires commerciaux en danger. Ce qui n’a pas empêché les États-Unis de se trainer les pieds jusqu’à l’attaque de Pearl Harbor en 1941 et avant cela, de vendre des armes et de supporter l’effort de guerre autant des alliés que des nazis.

De nos jours, aucun des pays du Moyen-Orient ne produit de biens dont la pénurie paralyserait l’économie canadienne. Nous n’avons donc aucun intérêt géostratégique à défendre.

Dès jeudi ce cette semaine, le parlement canadien étudiera une motion destinée à prolonger l’implication militaire canadienne au Moyen-Orient constituée essentiellement de bombardements.

Protéger les Canadiens

La première raison invoquée pour justifier l’implication canadienne, ce sont les « menacettes » de l’ÉI exhortant ses sympathisants à commettre des attentats terroristes au pays.

Contrairement Al-Qaida (qui promeut le terrorisme international), l’ÉI n’est une menace que pour les pays voisins.

L’ÉI ne possède pas de camps d’entrainement destinés à former des terrorismes qui commettraient des attentats à l’étranger.

Ce qui ne veut pas dire que ses directives ne puissent pas être suivies par des sympathisants canadiens. Mais ces derniers ne sont que des amateurs, et non des professionnels comme ceux formés par Al-Qaida.

Dans les faits, les bombardements canadiens font beaucoup plus de victimes civiles que parmi les rangs des milices de l’ÉI. À défaut de troupes au front, personne n’est vraiment certain de la nature des cibles choisies.

Les veufs, veuves, et orphelins qui survivent à nos bombardements sont du pauvre monde qui n’a aucun moyen de venger leurs morts.

Mais les images qu’ils transmettent par les médias sociaux bouleversent les jeunes qui les voient et rendent la population canadienne plus sujette à des attentats amateurs par ceux qui choisiront la violence pour protester contre la mort et la désolation que répand le Canada.

Donc les bombardements canadiens augmentent la probabilité que des attentats terroristes soient commis au pays et non l’inverse.

Protéger la population civile du Moyen-Orient

Au-delà de l’antipathie que suscite l’ÉI en raison de ses méthodes barbares, on doit réaliser que cette barbarie est partagée par certains de nos « alliés », notamment l’Arabie saoudite.

Elle aussi décapite (78 personnes en 2013 et 87 en 2014), flagelle à mort et tue à qui mieux mieux les citoyens qui apparaissent comme une menace aux yeux des tyrans du pays. Le cas de Raïf Badawi est éloquent à ce sujet.

D’autre part, puisque les bombardements canadiens font plus de victimes parmi la population civile que militaire, il est paradoxal de justifier ces bombardements par des motifs humanitaires.

Ceux-ci feraient beaucoup plus mal à l’ÉI s’ils coupaient les routes qui permettent à des milliers de camions-citernes d’acheminer le pétrole de l’ÉI vers la Turquie.

Mais en faisant cela, le Canada susciterait la colère de ce pays, officiellement membre de la coalition anti-ÉI et officieusement principal financier du califat en lui achetant son pétrole à prix d’ami.

Dans le fond, la Turquie joue ce double jeu auquel s’adonnaient les Américains eux-mêmes dans les premières années de la Deuxième Guerre mondiale et au cours de la guerre Iran-Irak.

Les bombardements canadiens ne réussiront pas plus à éradiquer l’ÉI que les bombardements américains ont éradiqué le Vietcong durant la guerre au Vietnam.

Pour détruire l’ÉI, il faut que les pays voisins — qui sont les seuls directement menacés par lui — se prennent en main.

Ce que les Canadiens doivent réaliser, c’est qu’un pays qui n’est pas prêt à payer le prix de la Démocratie de son propre sang, ne la mérite pas.

En 1939-1945, le Canada aidait des pays amis à combattre le nazisme. Au Moyen-Orient, notre pays combat à la place des pays concernés.

En effet, que font les armées de terre des pays voisins ? Contrairement aux Kurdes, ils regardent le train canadien passer. Tout au plus, les pétromonarchies financent-elles paresseusement des miliciens étrangers qui luttent en Syrie selon leurs intérêts.

Pourquoi ces pays s’impliqueraient-ils alors que le premier ministre Harper est si heureux de jouer au matamore pour faire oublier le cul-de-sac de ses politiques économiques ?

Conclusion

Tous les gouvernements de droite au monde agissent de la même manière. Elle consiste à appauvrir leur peuple afin d’augmenter les dépenses militaires.

Dans le cas du gouvernement Harper, cela veut dire couper dans la sécurité ferroviaire, dans la recherche scientifique, dans le rayonnement culturel du pays, entre autres, et d’accorder des contrats faramineux au complexe militaro-industriel américain.

Le contrat des F-35, c’est 45 milliards$ dont seulement un pour cent sera dépensé au Canada: 99% seront dépensés pour créer des emplois à l’extérieur du pays.

Quant à l’implication militaire du Canada en Irak — donc sans tenir compte de son élargissement en Syrie — c’est une dépense comprise entre 242 et 351 millions$ pour la première année seulement. Elle pourrait durer des années.

Et pour faire accepter ces gaspillages des fonds publics, on détourne l’attention du peuple en faisant la guerre. En somme, le coup classique, vieux comme le monde.

Références :
Décapitation et fouets en Arabie saoudite
Isis air strikes limited without viable Syrian rebel force, says White House
L’amateurisme de la décapitation en Arabie saoudite
Les miettes dorées du F-35
Motion pour le prolongement de la mission canadienne contre l’EI

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