L’employabilité des femmes niqabées

Publié le 17 mars 2015 | Temps de lecture : 4 minutes
Niqab

Introduction

Mardi le 10 mars dernier, à la Chambre des Communes, le premier ministre du Canada a déclaré que le niqab était le produit d’une culture misogyne.

Aurait-il déclaré plutôt que c’était le fruit d’une culture préislamique misogyne, que cela n’aurait pas offensé grand monde. Mais en omettant cette nuance, il a suscité l’irritation des Musulmans du pays (qui se sont sentis visés par sa remarque), et la controverse au sein de la classe politique canadienne.

Dans son propre parti politique, le président du Conseil du Trésor, Tony Clement, a soutenu qu’il ne voyait pas d’inconvénient à ce qu’une fonctionnaire fédérale porte le niqab au travail. Son collègue Jason Kenney, ministre de la Défense, a plutôt déclaré que le port du niqab était incompatible avec l’exercice de certains métiers (en donnant l’exemple de ceux où il faut communiquer à visage découvert).

Au Nouveau Parti démocratique — actuellement le principal parti d’opposition avec 96 sièges — le chef Thomas Mulcair accuse le premier ministre de mener une campagne d’islamophobie et affirme l’intention de son parti de défendre la liberté de la pratique religieuse au pays.

Toutefois, son député québécois Alexandre Boulerice estime que les employés de l’État ne devraient pas être autorisés à couvrir leur visage.

De son côté, Justin Trudeau, chef du Parti libéral du Canada — deuxième parti d’opposition avec 35 sièges — soutient que le niqab est acceptable en tout temps et en tout lieu au Canada.

Droit à l’emploi et employabilité

Le droit au travail est un droit fondamental. Toutefois, à l’époque où les arbres étaient abattus à la hache, qui aurait embauché un manchot comme bucheron ?

La question du niqab se présente donc de manière différente selon qu’on l’envisage sous l’angle théorique du droit au travail, ou sous l’angle pratique de l’employabilité.

Pour tous les emplois où la femme représente physiquement l’entreprise ou l’État — que ce soit à l’accueil ou dans des bureaux où cette employée reçoit le citoyen ou le client, le port d’un masque est inacceptable.

S’il n’y a pas contact physique, ce problème n’existe pas. Toutefois, d’autres préoccupations surgissent.

Lorsque le fonctionnement de l’entreprise repose sur des relations de travail harmonieuses entre les employés, le port d’un masque constitue un obstacle à l’acceptation sociale de cet employé au sein d’équipes de travail.

De plus, le port du niqab n’est qu’une exigence religieuse parmi d’autres. Les imams qui prêchent l’obligation du port du niqab, interdisent généralement la mixité.

Selon eux, non seulement la femme niqabée doit-elle éviter tout contact physique avec des étrangers (donc pas de poignée de main), mais elle doit vivre dans un environnement de travail où hommes et femmes ne se rencontrent pas.

Concrètement, si le gouvernement Harper veut embaucher quelques-unes parmi les dix milles femmes niqabées auxquelles il a accordé la citoyenneté canadienne, il lui faudra aménager des bureaux, des couloirs, des ascenseurs et des aires de repos au sein desquelles jamais hommes et femmes niqabées ne se côtoient.

Ces aménagements coûteux devront évidemment être réalisés aux frais des contribuables.

C’est seulement à ces conditions qu’il pourra garantir le respect des croyances religieuses de ses employées niqabées.

Références :
Le niqab est le produit d’une culture «anti-femmes», dit Harper
Le port du niqab est un droit pour Justin Trudeau
Le port du niqab incompatible avec certains métiers, selon Jason Kenney
NDP’s Mulcair says party isn’t split over niqab controversy
Port du voile en hausse parmi les musulmanes au Canada

Parus depuis :
La CEDH juge «nécessaire» l’interdiction du voile intégral dans l’espace public (2017-07-12)
L’Algérie interdit le port du niqab sur les lieux de travail (2018-10-19)
Switzerland to ban wearing of burqa and niqab in public places (2021-03-07)
Islamic authorities in Russia’s Dagestan ban women from wearing niqab after attacks (2024-07-03)

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectif M.Zuiko 12-40mm F/2,8 — 1/125 sec. — F/3,2 — ISO 200 — 23 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel