« Muhammad porté par l’ange Gabriel » (partie d’une miniature musulmane de 1583, au Musée de l’Art turc et islamique d’Istanbul)
L’Islam ne possède pas de clergé hiérarchisé. Chez les Sunnites, l’imam est désigné par n’importe quelle assemblée de croyants afin de diriger la prière.
En général, dans chaque mosquée, il y a un imam permanent qui officie et qui donne les sermons du vendredi, faute de quoi un simple Musulman peut devenir imam le temps d’une prière.
On trouve donc sur l’Internet, une foule de prédicateurs qui interprètent le Coran sans compétence particulière. L’influence qu’exercent ces imams autoproclamés dépend de deux facteurs principaux.
En premier lieu, leur langue de prédication. La grande majorité des Musulmans parlent arabe. Un prédicateur turc ou iranien ne sera compris que des internautes qui comprennent le turc ou le persan. Au contraire, les prédicateurs arabes pourront être compris de centaines de millions de personnes.
En deuxième lieu, celui qui possède des talents de pédagogue attirera plus de lecteurs que celui dont les écrits sont difficiles à comprendre.
Puisque la poésie occupe une grande place dans la culture de certains pays musulmans (en Iran et en Afghanistan, notamment), je présume que la noblesse du style littéraire d’un prédicateur contribue à son prestige.
Pour un imam, une connaissance approfondie du Coran ne fait pas partie des critères essentiels pour réussir à se créer un lectorat important sur l’Internet.
Or la prédication religieuse comble le vide engendré par la disparition des idéologies.
Voilà pourquoi les jeunes occidentaux, particulièrement dans les pays où l’ouverture de nouvelles mosquées rencontre beaucoup de résistance, se tournent vers la prédication sur l’Internet. Où on trouve de tout, du meilleur comme du pire.
À titre d’exemple, il est probable que les prêches de l’imam parisien Farid Benyettou — responsable de la radicalisation des auteurs de la tuerie de Charlie Hebdo — s’appuyaient sur une argumentation et des justifications trouvées sur des sites Internet radicaux.
Une des conneries véhiculées par les prédicateurs fondamentalistes, c’est qu’il est interdit de représenter le prophète Mahomet.
Au contraire, pendant des siècles, celui-ci a été représenté dans des livres musulmans, les traits respectueusement cachés par un voile blanc, rarement sans celui-ci.
Il est évident que les caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo étaient irrespectueuses à l’égard de l’islam. Comme d’autres caricatures de ce journal l’étaient au sujet du catholicisme ou du judaïsme.
Même si je n’aime pas l’idée de ridiculiser les croyances religieuses des autres, je crois que quiconque a le droit de se moquer d’une religion, n’importe laquelle, si tel est son désir.
En publiant ses caricatures, Charlie Hebdo s’offrait en paratonnerre de l’Occident, cible facile du fanatisme religieux.
Les auteurs de l’attentat contre la rédaction de cet hebdomadaire, aveuglés par leurs convictions stupides probablement importées d’ailleurs, ne réalisent pas que lorsqu’on est minoritaire, on ne peut pas tuer pour punir la majorité au sein de laquelle on vit.
Les Musulmans qui vivent en Occident sont des pionniers en train d’inventer sans le vouloir un Islam moderne, compatible avec les valeurs occidentales et en opposition totale avec l’obscurantisme financé notamment par l’Arabie saoudite. Ce n’est donc pas contre eux qu’on doit tourner notre colère et notre indignation à la suite de cet attentat terroriste.
Pour que le slogan Nous sommes tous Charlie ne soit pas qu’un slogan bon chic bon genre, c’est le devoir de chacun d’entre nous d’oser braver la colère des ultras. À mon avis, un peuple qui n’est pas prêt à payer le prix de la Démocratie de son propre sang, ne la mérite pas.