Le colloque destiNation

Le 21 septembre 2014

Hier et aujourd’hui, j’ai participé au colloque indépendantiste « destiNation : Nouvelles idées » organisé par le Conseil de la souveraineté du Québec.

Ouvert à tous, ce colloque réunissait un millier de participants invités à entendre des conférenciers le matin et, en après-midi, à discuter de sujets précis en ateliers. Je me suis inscrit à celui relatif à la langue et à la culture. Le lendemain, les propositions adoptées en atelier étaient soumises pour adoption finale lors d’une plénière.

Parmi les conférenciers, quelques-uns furent plutôt bien. Mais la majorité des exposés furent exceptionnellement bons, présentés par des conférenciers brillants que j’entendais pour la première fois.

En atelier, les participants étaient invités à discuter de deux projets de propositions (susceptibles d’être amendées) et, si approprié, à soumettre de nouvelles propositions.

En plénière, les seules propositions retenues en atelier qui furent soumises à l’assemblée étaient celles qui apparaissaient originellement dans le cahier de propositions (à quelques détails près).

Globalement, il s’agissait de vœux pieux et dans certains cas, de propositions tellement ambitieuses qu’elles dépassent les capacités organisationnelles du Conseil de la souveraineté du Québec.

En effet, cet organisme est financé par les cotisations de quelques centaines de membres et par les profits réalisés lors d’événements-bénéfices (exemple : des méchouis).

Bref, n’importe quel stratège hostile à l’idéologie de cet organisme aurait très bien pu voter en faveur de certaines de ses résolutions dans l’espoir machiavélique qu’il se disperse dans tous les sens et épuise ses bénévoles à des projets mobilisateurs trop ambitieux.

Toutes les propositions ont été adoptées sauf une. Personnellement, j’ai voté contre un petit nombre d’entre elles.

Les propositions de l’atelier sur la langue et la culture

Les projets de propositions soumises à notre attention visaient quatre objectifs. Premièrement, réaffirmer l’importance de la défense du français. Deuxièmement, se prononcer en faveur du soutien de l’État aux industries culturelles. Troisièmement, inviter ces industries à réfléchir sur la manière de mieux orienter l’action du mouvement indépendantiste sur les enjeux culturels. Et dernièrement, inviter les artistes à promouvoir le mouvement indépendantiste.

Bref, rien de concret. De belles propositions charmantes et inoffensives, délicates comme de la dentelle et aussi consistantes que du Jell-O.

En lisant et relisant les résolutions de mon comité, l’image qui me venait constamment à l’esprit, c’est celle d’une famille qui se réveille alors que leur maison est en feu. Au lieu d’appeler les pompiers ou de se précipiter à l’extérieur afin d’éviter d’être brulés vifs, les membres de cette famille décidaient plutôt de se réunir autour de la table de la cuisine afin de discuter d’une proposition visant à sensibiliser les pompiers à l’importance d’éteindre les feux.

Bref, dans 500 ans, si des anthropologues devaient creuser le sol de Montréal dans le but d’essayer de comprendre comment la société québécoise s’est éteinte, il leur suffira de découvrir les résolutions dont ses élites discutaient alors que leur maison était en feu, pour comprendre pourquoi cette société a disparu.

L’erreur du Budget de l’An 1

J’ai également voté contre la proposition voulant «… que les organisations de la société civile entreprennent une réflexion sur la nécessité pour le Québec de mettre en œuvre une démarche constituante permettant aux Québécois de définir leur propre constitution ».

Ce charabia signifie que le petit nombre d’organismes qui soutiennent le Conseil s’uniraient à lui pour former une Assemblée constituante — à l’image de celle de 1789, au début de la Révolution française — qui s’attellerait à la tâche de rédiger, au nom de la nation québécoise, la constitution hypothétique d’un Québec indépendant.

J’ai voté contre parce qu’il est extrêmement prétentieux pour le Conseil, représentatif d’un minuscule pourcentage de la nation, de se donner le mandat de diriger les travaux menant à la rédaction de la constitution d’un pays à venir.

Au cours des deux référendums précédents, personne n’a demandé de voir la future Constitution du Québec avant de voter.

Pour le mouvement indépendantiste, il est donc imprudent de risquer que la stratégie de la future campagne référendaire dérape au sujet d’un obscur article d’un texte constitutionnel hypothétique et répéter ainsi l’erreur du « Budget de l’an 1 » du Parti Québécois.

D’où vient cette manie de créer des vulnérabilités inutilement ? De toute évidence, certains indépendantistes ne tirent jamais de leçon des erreurs du passé.

Les référendums-suicides

De plus, j’ai voté contre la résolution voulant qu’on tienne, dès que possible, un référendum sur l’indépendance du Québec.

La veille, un conférencier est venu expliquer que l’appui populaire à l’indépendance est en lent déclin depuis des années.

Déclin de l’appui à l’indépendance du Québec depuis une décennie

Depuis les deux référendums sur l’indépendance, battus de justesse, le Québec accueille annuellement 50 000 personnes, ce qui fait un demi-million d’immigrants par décennie.

À 60%, ceux-ci choisissent de s’angliciser. Au contraire, le Québec est francophone à 80%. Cet apport humain de néoQuébécois entraine donc un bouleversement démographique.

Au sein d’une population déchirée à se sujet, la diminution du pourcentage des Francophones qui habitent Montréal et sa périphérie entre 2006 et 2011 s’opère dans un contexte où chaque fraction de pourcentage compte.

Le seul groupe linguistique majoritairement favorable à l’indépendance, ce sont les Québécois francophones (de souche ou non). Or leur ferveur indépendantiste diminue depuis une décennie.

Il est donc impossible que la nation québécoise vote majoritairement pour l’indépendance tant et aussi longtemps que le pourcentage de Francophones à Montréal continuera de péricliter et tant qu’on n’aura pas convaincu davantage de Francophones à l’option indépendantiste.

À vouloir imposer aux gens un référendum dont ils ne veulent pas, certains Québécois en sont rendus à faire de l’urticaire simplement à entendre prononcer le mot « référendum » alors qu’il n’y a rien de plus démocratique que de donner au peuple le pouvoir de décider des enjeux importants qui le concernent.

L’aveuglement idéologique du Conseil explique à la fois sa volonté de promouvoir la tenue de référendums-suicides, et l’insignifiance des propositions qui nous ont été soumises à l’atelier sur la langue et la culture.

Conclusion

À la suite de la défaite électorale cuisante des deux principaux partis politiques indépendantistes — le Bloc Québécois sur la scène fédérale et le Parti Québécois sur la scène provinciale — les partis et mouvements indépendantistes sont plus que jamais ouverts aux idées nouvelles.

Toutefois, elles ont encore conservé les mécanismes de défense qu’elles ont mis en place depuis des décennies afin de se protéger des hurluberlus et des fanatiques.

Mais en dépit de ces réflexes défensifs, ces organisations ont perdu la suffisance qu’elles affichaient du temps de leurs heures de gloire. Même si les idées que j’ai exprimées dans l’atelier auquel je me suis inscrit n’ont pas été retenues et n’ont donc pas été présentées à l’assemblée du lendemain, ces idées — qui sont celles que j’exprime depuis quatre ans sur ce blogue — ont trouvé un autre terreau fertile et je suis convaincu qu’elles feront leur chemin.

Pour terminer, voici quelques photos prises à ce colloque.

L’animatrice Martine Desjardins et les conférenciers Pierre-Alain Cotnoir et Jean-François Nadeau
Flavie Payette-Renouf, Robert Laplante et Monique Pauzé
Danic Parenteau
Jean-Pierre Charbonneau
Jocelyn Caron
L’ex premier ministre Bernard Landry
Animateurs de mon atelier : Jean-François Payette, Simon-Pierre Savard-Tremblay, Maxime Laporte, Flavie Payette-Renouf Pierre Curzi et (hors champ) Andrée Feretti
Jason Brochu-Valcourt (vice-président) Gilbert Paquette (président) annonçant le changement de nom de « Conseil de la souveraineté du Québec » à « Organisations unies pour l’indépendance du Québec »
Clôture animée par des jeunes

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectif M.Zuiko 40-150mm R
1re photo : 1/160 sec. — F/4,8 — ISO 1600 — 82 mm
2e  photo : 1/250 sec. — F/5,6 — ISO 1000 — 145 mm
3e  photo : 1/320 sec. — F/5,6 — ISO 2000 — 150 mm
4e  photo : 1/250 sec. — F/5,1 — ISO 2500 — 108 mm
5e  photo : 1/250 sec. — F/5,6 — ISO 2000 — 150 mm
6e  photo : 1/320 sec. — F/5,6 — ISO 1250 — 150 mm
7e  photo : 1/80 sec. — F/4,0 — ISO 1000 — 40 mm
8e  photo : 1/250 sec. — F/5,6 — ISO 1250 — 150 mm
9e  photo : 1/80 sec. — F/4,0 — ISO 320 — 40 mm

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5 commentaires à Le colloque destiNation

  1. sandy39 dit :

    MA LIBERTE DE PENSER…

    Vos idées ont trouvé un autre terreau fertile : j’espère bien que vous comptez ma Plante qui y pousse sous vos pieds et dont la Fleur s’élève devant vos Idées !

    Quand vous dites :”…celles que j’exprime depuis 4 ans…” ; 4 ans : c’est l’existence du Blogue ? Parce que je croyais qu’il datait de 1999 au départ, pour votre Boulot !

    Pour continuer sur cette Terre Brûlante (c’est le Titre d’une Chanson…) ou sur ce Chemin de Terre, n’oubliez pas de jeter, de temps en temps, quelques pincées d’engrais…

    On ne sait jamais, à l’avance, dans quels Jardins, germent Certains Esprits !

    • Le blogue est né à la fin de 1999 mais le premier texte relatif à l’anglicisation du Québec date du 12 juin 2010, à la suite de l’annonce de la légalisation des écoles passerelles par le gouvernement libéral de Jean Charest.

      Cette annonce m’a mis hors de moi. Je crois qu’il s’agit du premier texte à caractère politique sur ce blogue, il y a donc quatre ans.

      Rappelons que par le biais d’un bref séjour dans ces écoles privées anglophones, on obtient l’accès au réseau public des écoles publiques anglophones. D’où le nom d’écoles passerelles.

  2. sandy39 dit :

    HORS DE SOI, HORS LA LOI !

    C’est bien ce qu’il me semblait !

    Vous avez attendu 2010 pour être hors de vous, sur votre Blogue ! Pourquoi, avant, vous y étiez sage ?

    Mais, Moi, depuis le premier jour, je n’y ai jamais été… bien que j’aie découvert, avec le Temps -où l’on apprend- que les mots m’accompagnaient si bien et, qu’ils allaient rythmer un peu ma Vie, au fil des jours, en faisant, rayonner un peu plus mon Quotidien…

    Quelle Impasse Enchanteresse !

  3. Stéphanie Grimard dit :

    Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation: “le pré requis à tout référendum gagnant est la refrancisation de Montréal”, même si je suis d’accord avec la protection et la valorisation du français (bien entendu).

    Je crois que le mouvement indépendantiste, à l’instar par exemple des initiatives de Jean-Martin Aussant qui avait publié à l’époque sur youtube des vidéos en anglais et en espagnol, devrait s’ouvrir aux autres communautés, en commençant par leur parler dans leur langue. Et il devrait sauter sur toutes les occasions (comme les élections, ou la tenue d’un référendum, pourquoi pas).

    Il faudrait que chaque militant indépendantiste se donne comme mission de convaincre un citoyen d’une autre communauté que la sienne, pour en faire un porte-parole, dans une autre langue, de notre projet de pays. L’indépendance, on va la faire avec une majorité de Québécois, de toutes les origines, et de toutes les langues (incluant l’anglais). Pas sans eux.

    • Depuis plus d’une décennie, il y a un gouffre entre le pourcentage d’indépendantistes chez les Francophones (en bleu, ci-dessous) et les Anglophones du Québec (en rouge). Note : cliquez sur l’image pour l’agrandir.

      d9208248
       
      Les Néoquébécois qui choisissent de s’angliciser lisent des quotidiens anglophones et écoutent des chaines télévisées généralement hostiles à l’indépendance du Québec. Vous pouvez tenter de les convaincre et vous réussirez sans doute dans une toute petite partie d’entre eux. Mais en gros, votre voix se perdra dans une multitude de voix opposées.

      En dépit du fait que le nationalisme québécois ne se définit pas comme un nationalisme ethnique, il ne trouve un écho favorable qu’auprès des Québécois francophones.

      Le succès de la cause indépendantiste est lié à la démographie du Québec. Plus les Néoquébécois s’anglicisent, plus ils rejoignent le lot de ceux qui lui sont hostiles.

      Voilà pourquoi je dis qu’il est impossible que la population québécoise vote majoritairement pour l’indépendance tant et aussi longtemps que le pourcentage de Francophones à Montréal continuera de péricliter.

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