Céline Lafontaine est une sociologue chargée d’enseignement à Montréal et à la Sorbonne de Paris. À ce titre, celle-ci faisait paraitre vendredi dernier dans Le Devoir une critique virulente de la décision de l’État québécois de rembourser les frais relatifs à la procréation assistée, notamment par l’utilisation des mères porteuses. Entre autres, l’auteur s’interroge sur le bien-fondé de consacrer des ressources médicales à cette fin alors que tant d’autres besoins lui semblent plus pressants.
La question de l’allocation des ressources médicales est vaste et complexe. Elle se pose dans tous les cas où un traitement nécessite une mobilisation importante de ressources, que ce soit la transplantation rénale (que limite sévèrement l’Angleterre pour cette raison) ou, dans ce cas-ci, le traitement de l’infertilité.
En raison de cette complexité, je ne discuterai pas de cette question qui occupe d’ailleurs une place secondaire dans l’argumentation de Mme Lafontaine, en dépit du titre de son texte (« Le remboursement des mères porteuses ? Du délire »)
Plus discutables sont les arguments moraux invoqués par cette sociologue.
Celle-ci estime que la gestation pour autrui est contraire aux droits de la personne « puisqu’elle suppose l’objectivation complète de la femme en plus de faire de l’enfant à naître l’objet d’un contrat. »
Pour ce qui est de l’odieux de faire d’un être humain l’objet d’un contrat, je ne vois pas où est le problème puisque c’est également le cas de tous les contrats d’adoption, de mariage, et d’embauche.
Ne cherchez pas objectivation dans votre dictionnaire : c’est du patois de sociologue. L’objectivation de la femme désigne l’utilisation du corps féminin comme s’il s’agissait d’un objet, d’une chose. Évidemment, il s’agit ici d’une grossière exagération; ce n’est pas parce qu’une femme accepte de devenir mère porteuse qu’elle abaisse le corps de toutes les femmes au niveau d’une vulgaire marchandise.
Un contrat d’adoption n’est pas seulement une entente de service régissant une offre et une demande, mais c’est aussi un document qui précise les droits de l’enfant à naître. Et dans le cas précis qui a suscité l’indignation de Mme Lafontaine, ce contrat ne prévoyait pas de rémunération pour la mère porteuse, amie du couple stérile. Donc, contrairement à ce qu’écrivait la sociologue, il ne s’agit pas d’un contrat marchand.
Là où la sociologue se discrédite, c’est en portant un jugement moral sur cette mère porteuse, accusée de s’abaisser à servir de machine à produire des bébés — c’est son expression — et d’accepter d’abandonner (sic) son enfant à la naissance. Dans les faits, il s’agit d’une critique de toutes les mères qui donnent leur enfant en adoption, accusées implicitement d’être de mauvaises mères et de poser un geste contre nature. Dans sa surenchère verbale, l’auteure qualifie même l’enfant d’orphelin, alors qu’en réalité, ce dernier est le sujet d’une substitution parentale.
De nos jours, porter un tel jugement moralisateur peut sembler étonnant. Cela l’est moins lorsqu’on apprend que le cas qui a suscité l’indignation de Mme Lafontaine concerne l’adoption de l’enfant d’une amie par un couple homosexuel.
En dépit du fait que Mme Lafontaine se défend bien d’être homophobe, on doit mettre en perspective son indignation soudaine d’une part, et d’autre part le fait que le remboursement par l’État québécois de la procréation assistée (aussi discutable que soit cette décision) a été annoncée par l’ex Premier ministre Jean Charest en novembre 2008. On peut donc présumer que Mme Lafontaine était retenue en Europe depuis six ans et vient donc d’apprendre la nouvelle.
Dimanche dernier, un des deux conjoints du couple en question était l’invité de l’émission Tout le monde en parle, ce qui nous a permis d’apprendre les détails de cette affaire.
Les conjoints en question vivent ensemble depuis quatre ans. Ils ont déjà un petit garçon, obtenu par adoption internationale. Ils ont voulu une fillette (en réalité, il s’agira de jumelles). Puisque les critères régissant l’adoption internationale se sont resserrés et ont rendu l’adoption extrêmement difficile pour un couple homosexuel, ceux-ci ont cherché une solution alternative. C’est alors qu’une amie du couple leur a proposé de recevoir les ovules fécondés par le sperme d’un des deux partenaires.
Cette proposition s’est faite sans contrainte, ni rémunération.
Tout cela se déroulait harmonieusement jusqu’au scandale provoqué par le texte de Mme Lafontaine. Pour celle-ci, cette décision privée « incarne de manière radicale l’individualisme triomphant de l’époque » représenté par celui des parents adoptifs. Aveuglés par leur égoïsme d’avoir une famille, ceux-ci procèdent à « l’instrumentation du corps des femmes en les transformant en machines à produire des bébés. » Condamnant la gestation d’un « enfant dans le but de l’abandonner à la naissance » et conséquemment, cette « production programmée d’orphelin », Mme Lafontaine fait de ce cas précis le symbole « de la dérive éthique de la société néolibérale québécoise. »
Selon elle, « l’industrie de la fécondation in vivo aura réussi à ouvrir toutes grandes les portes du Corps-marché en faisant de la chair humaine une matière première au service du désir des plus riches de notre société. »
Mme Lafontaine considère que ce n’est pas le rôle de l’État de vouloir pallier « aux limites biologiques des individus eux-mêmes ». De plus, les citoyens doivent « assumer la limite de toute existence humaine ».
Ce faisant, elle semble oublier que dans le cas des femmes qui font des fausses couches à répétition et celles nées sans utérus, le recours aux mères porteuses permet aux parents adoptifs de fonder une famille. De plus, de manière générale, le but de tout régime public d’assurance-maladie est précisément de permettre à chacun d’entre nous de mener une vie normale en dépit de nos limites biologiques.
De nos jours, on est très loin de la mentalité qui veut que toute tare soit une punition de Dieu qu’il nous faut assumer par le sacrifice et la pénitence.
En tant que citoyenne et de contribuable, Mme Lafontaine est libre de ses opinions. Mais l’utilisation de son titre professionnel pour donner de la crédibilité à ses préjugés arriérés et à son féminisme de pacotille m’apparait très discutable.
Le rôle de la sociologie est d’étudier et de comprendre les sociétés, et non de les juger.
Références :
Le remboursement des mères porteuses ? Du délire
Mères porteuses — En finir avec les leçons de morale
Le Québec, un havre pour la communauté gaie
Pour un débat raisonné sur la «gestation pour autrui»
Procréation assistée: Charest se rallie à l’opposition
Je vous relis encore et, cherche, désespérément, OBJECTIVATION dans mon dictionnaire !
UN CONTRAT POUR UN BEBE…
Sacré J.Pierre, !
S’il y en a Un ou Une qui commet un faux pas ou prononce une mauvaise parole, vous savez rappeler à l’Ordre ! Vous êtes incroyable avec vos textes qui font me poser des questions. C’est dur, toutefois, d’avoir une opinion !
Le but de tout régime public d’assurance-maladie est précisément de permettre à chacun d’entre nous de mener une Vie normale en dépit de nos limites biologiques : OUI, je suis d’accord ! (Même si je ne fais pas partie de chez Vous !)
Une Punition de Dieu : Expression démodée !
Imaginez-vous un peu le truc : quand on vous annonce que vous ne pourrez jamais avoir d’Enfant ! Pour une Femme, c’est à aller se flinguer, quand tu te dis « Je n’aurai, jamais, d’Enfants avec l’Homme que j’aime ! ». C’est surhumain de pouvoir accepter « Cette Punition de Dieu » !
Et, ensemble, des couples se retrouvent prêts à payer, pour combler cette incapacité à se reproduire. Alors, contrat oblige.
Les Mères-porteuses : je crois que je ne serai jamais pour ! (Parce qu’il n’y a pas que les Imbéciles qui ne changent pas d’avis !)
Imaginez une Femme qui porte un Enfant même si, à la base, ce ne sont pas tes cellules, l’enfant que tu portes, c’est un peu le Tien ! car, c’est Toi qui va le mettre au Monde !
Par contre, pour les Couples d’homosexuels, je pense que certains sont tout à fait à la hauteur, dans le but de former une Famille et d’élever des Enfants.
Féminisme de pacotille : Ouah ! Nous, PACOTILLE : on l’emploie plutôt pour un bijou, sans valeur, du TOC !
Quelle médecine pour une reproduction !
Donc, J.Pierre, oserais-je penser que vous n’appréciez pas tout à fait, les Sociologues ?
Mais, vous, je vous sens prêt à combler ce que la Nature ne donne pas à tout le Monde, n’est-ce-pas ? Parce que votre Travail, c’est justement d’effacer les limites biologiques !
Quel beau projet pour une VIE !