À la suite de la cuisante défaite électorale de lundi dernier, le Parti Québécois aura à procéder à une analyse des causes de cet échec afin d’éviter sa répétition.
Cette défaite est la dernière d’une longue suite de résultats décevants que le PQ obtient à toutes les élections depuis plus d’une décennie.
Peu importe son bilan lorsqu’il est au pouvoir, peu importe la compétence des candidats qu’il recrute, peu importe ses promesses électorales, des millions d’électeurs préfèrent voter pour un parti qu’ils croient corrompu plutôt que de voter péquiste. Il y a plusieurs explications à cette préférence.
Le Parti Libéral, lui il connaît ça, l’économie
La force et la faiblesse du Parti Libéral du Québec, c’est que les électeurs sont persuadés que cette formation politique est la plus compétente pour assurer la croissance de l’économie québécoise. C’est sa force parce que tout le monde y croit. C’est également sa faiblesse parce que c’est faux.
Au cours de neuf des dix années qui ont précédé l’arrivée au pouvoir du premier ministre Jean Charest — en d’autres mots, sous les gouvernements péquistes de Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Bernard Landry — la croissance économique du Québec a été supérieure à la moyenne canadienne. Conséquemment, le gouvernement fédéral avait réduit le montant de la péréquation auquel le Québec avait droit.
Par la suite, durant les neuf années au cours desquelles le Parti libéral a été au pouvoir, la croissance économique du Québec est redescendue sous la moyenne canadienne, à l’exclusion des années de la crise économique de 2007-2010 au cours desquels la croissance du Québec a été annuellement de 0,3% au-dessus de la moyenne nationale. Mais pour l’ensemble des neuf années libérales, ce fut un désastre.
Si bien que notre province est passée du quatrième rang (à l’arrivée de Jean Charest au pouvoir) au neuvième rang canadien (à la chute de ce gouvernement) quant au revenu par personne.
De plus, le déficit commercial du Québec a explosé au cours de cette période au point de devenir le triple (toutes proportions gardées) du déficit commercial américain.
Déficit commercial du Québec, de 1981 à 2012, en milliards de dollars
À l’élection de 2012, le chef de la CAQ en a parlé. Mais étonnamment, le Parti Québécois n’a pas jugé bon abonder dans le même sens.
Comment voulez-vous mettre fin au préjugé favorable des Québécois à l’égard du Parti Libéral si le PQ hésite à leur dire la vérité ?
Le prix de l’appartenance au Canada
Les Québécois connaissent les avantages de l’appartenance au Canada. Dans l’esprit du Québécois moyen, ces avantages sont évidents : des milliards de péréquation déversées dans l’économie québécoise et un grand marché commun pan canadien qui profitent à nos industries. En contrepartie, il nous faut endurer le visage des descendants de nos conquérants sur nos timbres et nos pièces de monnaie. Dans ce contexte, qui peut soutenir l’indépendance du Québec ? Quelques artistes et une poignée rêveurs nonagénaires.
Mais quelqu’un au Parti Québécois a-t-il eu l’idée d’expliquer aux Québécois qu’il y a un prix très élevé à notre appartenance à la fédération canadienne; notre lente disparition comme peuple majoritaire au Québec.
La loi 101 prescrit que l’école publique est française pour tous sauf en ce qui concerne la minorité anglophone. En d’autres mots, les 50 000 immigrants que le Québec accueille chaque année doivent envoyer leurs enfants à l’école française. S’ils désirent que leurs enfants aillent à l’école anglaise, ce sera à leurs frais, c’est-à-dire à l’école privée.
La Constitution canadienne-anglaise de 1982 — adoptée après la loi 101 — prescrit plutôt que tout citoyen a le droit de s’assimiler au groupe linguistique de son choix. En d’autres mots, si les immigrants choisissent de devenir anglophones, les contribuables francophones du Québec (majoritaires à 80% dans cette province) doivent subventionner l’anglicisation de leur propre province.
Cette exigence occupe une place particulière dans la Constitution canadienne-anglaise : de toutes les dispositions constitutionnelles, c’est la seule au sujet de laquelle on ne peut se soustraire en invoquant la clause dérogatoire.
Le Québec a déjà fait l’expérience du libre choix de la langue. En effet, en 1969, le gouvernement québécois de l’Union nationale (un parti politique aujourd’hui disparu) adoptait une loi qui laissait aux parents le libre choix de la langue d’enseignement de leurs enfants.
Le résultat est connu : lorsque les immigrants ont le choix de la langue pour leurs enfants, ils jugent l’anglais plus susceptible de leur assurer un meilleur avenir. Se refusant à obéir à une constitution qui prescrit sa perte, le Québec adopte depuis quarante ans des lois linguistiques qui sont anticonstitutionnelles et qui, les unes après les autres, sont invalidées par la Cour suprême du pays.
Mais plutôt que de lutter contre cette constitution, ne vaudrait-il pas mieux dire la vérité aux Québécois : le Canada anglais a adopté en 1982 une constitution qui condamne le Québec à disparaitre. Voulez-vous vous y soumettre ou préférez-vous conserver la langue de vos ancêtres en proclamant votre indépendance ?
Confrontés à ce dilemme, les Québécois ne voudront pas admettre qu’ils sont condamnés à disparaitre. Leur première réaction sera le déni. « Les Péquistes disent ça parce qu’ils veulent qu’on vote pour l’indépendance » diront certains. Et les Québécois les croiront.
Et, peu à peu, au fur et à mesure du déclin démographique des Francophones sur l’île de Montréal, les Québécois commenceront à s’ouvrir les yeux.
Ce sera un travail long et épuisant. Un travail de fond. Le seul qui peut porter fruit.
Au lieu de présumer que les défaites du PQ se résument à des erreurs stratégiques et que la bonne stratégie, c’est celle qui amènent les poissons à mordre à l’hameçon, j’inviterais plutôt le PQ à un long travail qui consiste à miser sur l’intelligence du peuple et à lui faire réaliser que l’appartenance au Canada a un prix. Un prix extrêmement élevé.
D’ici là, comment s’étonner qu’il préfère se laisser séduire par le chant des sirènes libérales…