Autoroute 30 : démagogie et racisme

Publié le 28 juin 2013 | Temps de lecture : 5 minutes

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On apprenait hier que la municipalité régionale de comté de Rousillon, de même que les villes de Saint-Constant, Sainte-Catherine, Châteauguay et de Saint-Isidore s’adresseront prochainement à la Cour supérieure du Québec afin de s’opposer à l’agrandissement de la réserve autochtone de Kahnawake grâce au transfert des terres qui bordent la nouvelle autoroute 30.

D’où vient cette contestation juridique ?

Un vieux conflit

En 1680, le roi de France Louis XIV accorde aux Jésuites un terrain de 40 000 acres situé en face de Ville-Marie (c’est-à-dire Montréal), sur la rive sud du Saint-Laurent, avec le mandat d’y installer des Iroquois convertis au Christianisme.

Surnommée « Seigneurie du Sault-Saint-Louis » — Sault Saint-Louis étant le nom que Samuel de Champlain a donné aux rapides de Lachine — cette seigneurie n’en était pas une puisque Jésuites n’étaient pas les seigneurs du Sault et ne devaient pas concéder des terres à des Blancs.

Il ne s’agissait pas non plus d’une réserve au sens britannique du terme. Ces ghettos, qui servirent d’exemples à la création de l’Apartheid en Afrique du Sud, sont nées avec le Régime anglais. La création de la Seigneurie du Sault-Saint-Louis obéit plutôt à la volonté du roi de sédentariser les Iroquois (sous la protection royale) et de créer une zone tampon qui protège Montréal, au sud, en la peuplant d’Iroquois alliés aux Français.

Précisons que l’ensemble des Iroquois ne seront pacifiés qu’avec la signature du traité de la Grande paix de Montréal, survenue en 1701.

Mais peu à peu, les promesses et les serments s’oublient. De 1703 à 1762, sous l’influence de certains ecclésiastiques, les limites Sud et Est de la seigneurie sont octroyées illégalement à des colons européens. Si bien que seulement 11 000 acres des 40 000 acres promis demeurent dans les mains des Iroquois. Déjà à l’époque, ceux-ci s’en plaignaient.

Il s’agit donc d’un conflit qui remonte avant la Conquête anglaise et qui n’a jamais été résolu. Si bien qu’aujourd’hui, certaines municipalités sont situées entièrement en territoire revendiqué par les Indiens.

Le territoire visé englobe aujourd’hui six municipalités de la Montérégie: Delson, Sainte-Catherine, Saint-Constant, Candiac et une partie de St-Philippe et de St-Mathieu.

L’autoroute 30

Afin de faciliter la circulation sur la Rive-Sud, le gouvernement Charest a décidé en 2008 de la construction d’un boulevard périphérique qui contourne la réserve autochtone de Kahnawake.

Il s’agissait d’une nécessité, promise depuis longtemps par tous les partis politiques, mais qui échoppait du fait que tracé, situé hors de la réserve actuelle, traversait quand même l’ancienne Seigneurie du Sault-Saint-Louis revendiquée par les Autochtones.

Sans entente avec ces derniers, la construction de cette autoroute n’aurait qu’augmenté le montant des dédommagements que les tribunaux auraient pu leur accorder ultérieurement. Afin d’éviter cela, le gouvernement québécois s’est entendu avec les Iroquois (qu’on appelle aujourd’hui Mohawks). Ceux-ci ont permis la création de l’autoroute à la condition qu’on leur restitue, dès l’issue de sa construction, la bande de territoire qui longe cette voie rapide du côté de la réserve.

Tout terrain en bordure d’une autoroute possède une valeur marchande appréciable : on peut donc s’attendre que des motels, des restaurants et des stations-services, notamment, s’établissent le long de la 30. En associant les Autochtones au développement économique le long de cette voie rapide, on diminue d’autant les risques que ceux-ci la bloquent afin de protester ou de faire valoir leurs droits.

Mais c’est cette restitution qui est aujourd’hui contestée par certains maires.

Les dessous cachés de cette contestation

En vertu des lois racistes du Canada, seuls des Autochtones peuvent habiter une réserve indienne. Donc les Non-Autochtones qui opèrent des exploitations agricoles, de même que ceux qui habitent des maisons ou des chalets sur le territoire récemment concédé seront éventuellement expulsés.

Le gouvernement du Québec leur accordera des compensations, mais ils n’auront pas le choix d’y demeurer.

En se portant à leur défense, les maires se protègent du reproche de leur avoir caché qu’ils s’établissaient sur un territoire faisant l’objet d’un litige séculaire.

De plus, on doit comprendre que le Québec est entré dans un grand nettoyage des mœurs politiques qui prévalaient au niveau provincial et municipal. Beaucoup de maires ont des squelettes dans leur placard. Ceux-ci souhaitent un retour au pouvoir des Libéraux, dans l’espoir que ceux-ci, tout aussi compromis, soient plus indulgents dans la grande purge qui a déjà affecté les villes de Montréal et de Laval.

Donc même s’ils savent que cette entente — excellente à tous points de vue — a été conclue par les Libéraux, et même si leur contestation juridique n’a pas la moindre chance de succès, ces maires désirent faire obstacle et affaiblir le gouvernement de Mme Marois, et favoriser ainsi un changement de régime.

On suscite donc le ressentiment à l’égard du gouvernement actuel en soufflant sur les tisons du racisme et de l’incompréhension de certains de leurs concitoyens à l’égard des voisins autochtones.

Références :
Des municipalités de la Rive-Sud de Montréal contestent un transfert de terres à Kahnawake
Grande paix de Montréal
Kahnawake
Les Mohawks revendique (sic) la Seigneurie de Sault Saint-Louis
Rapides de Lachine
Seigneury of Salut St.Louis
Transfert de terres à Kahnawake, tollé de protestations

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Écrit par Jean-Pierre Martel