Contre une enquête sur le Printemps érable

Publié le 21 mars 2013 | Temps de lecture : 5 minutes

À la lecture du Devoir d’hier matin, j’apprends qu’une soixantaine d’organismes réclament la tenue d’une enquête publique sur les agissements des policiers lors du Printemps érable. À mon avis, ce serait un gaspillage des fonds publics.

D’une part, il ne s’agit pas ici d’une opération policière secrète, douteuse quant à sa légalité, et révélée par une fuite : la répression des manifestations étudiantes s’est faite à la vue de tous. Aucune photo, aucune vidéo n’a été confisquée par les autorités. Les média québécois en ont parlé librement et abondamment. Conséquemment, tout le monde connait la manière avec laquelle cette répression s’est exercée.

D’autre part, on fait un procès pour réparer un tort mais on crée une enquête publique pour comprendre ce qui s’est passé. Or ici, on ne se trouve pas en présence d’une suite d’incidents au cours desquels les forces de l’ordre ont échappé à tout contrôle. Si cela s’était produit, il faudrait savoir pourquoi : une enquête publique serait appropriée. Mais ce n’est pas le cas; en gros, les policiers ont fait ce qu’on leur demandait.

Lorsqu’une manifestation vire à l’émeute, les policiers ont à peu près tous les droits. Les manifestants ont l’obligation stricte de quitter les lieux lorsque la police juge, à tort ou à raison, qu’un attroupement vire à l’émeute. Que les policiers aient alors utilisé la force pour disperser ceux qui refusent d’obtempérer, cela est tout à fait normal; ils sont payés pour ça.

Quant aux manifestants qui décident de passer outre l’ordre de se disperser, ils doivent être prêts à assumer le prix douloureux de leur rébellion, dans la mesure du raisonnable.

Or quelques ecchymoses, quelques blessures superficielles, quelques muscles endoloris, cela est raisonnable.

Par opposition, un œil crevé, une mâchoire fracturée, une commotion cérébrale, cela ne l’est pas. Dans ce dernier cas, il ne s’agit pas de bavures policières, mais des conséquences d’une volonté politique d’anéantir la contestation étudiante, entre autres par la brutalité policière. Trouvez-moi une seule déclaration des dirigeants politiques de l’époque blâmant les policiers ou les appelant à plus de retenue. Vous n’en trouverez pas parce que les policiers ont fait exactement ce qu’on attendait d’eux.

Alors qu’il y a tant à faire de plus utile, ce n’est pas vrai qu’on va dépenser des millions pour transformer les policiers en boucs-émissaires de cette crise sociale. Les véritables responsables sont connus. Ce sont les membres du gouvernement libéral de Jean Charest. C’est ce gouvernement qui a haussé substantiellement les frais de scolarité, sachant très bien que cela provoquerait un affrontement avec les étudiants. Mais on a présumé que cette contestation s’essoufflerait avec le temps et qu’il suffisait de l’ignorer.

C’est l’ex-Premier ministre lui-même qui, réalisant l’ampleur de cette contestation, a tenté de la récupérer à des fins politiques et de miser sur le chaos social pour favoriser sa réélection.

C’est son ministre de la sécurité publique qui, confronté à la violence de la répression des manifestants devant le Palais des congrès de Montréal, a permis à la Sécurité du Québec d’affronter les manifestants à Victoriaville avec des armes à mortalité réduite encore plus dangereuses que celles utilisées à Montréal. Et c’est ce même ministre, insensiblement confronté au désastre, qui invitait ceux qui s’en scandalisaient à s’adresser au Commissaire à la déontologie policière.

L’aveuglement de ce gouvernement était tel que même après avoir perdu le pouvoir, un ex-ministre trouvait le moyen de blâmer le Parti Québécois pour l’attentat terroriste au Métropolis — attentat qui visait à tuer les sympathisants de ce parti réunis pacifiquement pour fêter leur victoire électorale — alors qu’il s’agissait plutôt de la conséquence ultime de la propagande haineuse de son gouvernement déchu.

Bref, le meilleur moyen d’éviter la répétition des incidents fâcheux qui ont jalonné cette crise sociale, c’est d’éviter le retour au pouvoir du Parti libéral tant et aussi longtemps que cette formation politique ne se sera pas renouvelée de fond en comble.

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Écrit par Jean-Pierre Martel