La transplantation de flore intestinale contre l’infection grave à C. difficile

Publié le 18 mars 2013 | Temps de lecture : 5 minutes

Avant-propos : ce texte s’adresse à des adultes. Il décrit une technique médicale qui, malgré son caractère répugnant, est d’une efficacité remarquable.

 
Le New England Journal of Medicine (NEJM) est la plus influente revue médicale au monde. Dans son édition du 31 janvier 2013, celui-ci publie les résultats d’une étude scientifique réalisée aux Pays-Bas auprès de patients souffrant d’épisodes récurrents de diarrhées à C. difficile.

Récapitulons. Environ 4% de la population humaine possède du C. difficile parmi sa flore intestinale sans en éprouver de symptômes. Ce sont des porteurs qualifiés d’asymptomatiques. Cette proportion est multipliée par cinq après une hospitalisation.

De plus, c’est seulement lorsque des antibiotiques tuent ses ennemis naturels que le C. difficile peut prendre le contrôle de l’intestin et provoquer une diarrhée potentiellement mortelle. Par lui-même, il ne peut rien faire.

En fait, il est tellement mal adapté à se développer par ses propres moyens dans l’intestin qu’environ la moitié des porteurs asymptomatiques deviendront libres de cette bactérie six mois plus tard.

Chez les porteurs asymptomatiques qui cessent de l’être à la suite de la prise d’antibiotiques et qui développent des diarrhées à C. difficile, il existe deux médicaments antibactériens qui combattent cette bactérie et aident l’organisme à rétablir une flore bactérienne saine : le métronidazole (dans les cas légers à modérés) et la vancomycine (dans les cas graves).

Toutefois, malgré la vancomycine, malgré les pro-biotiques, certaines personnes ne réussissent pas à rétablir une flore bactérienne équilibrée. Ces personnes sont donc sujettes à des diarrhées répétées causées par le C. difficile. D’une rechute à l’autre, on note un appauvrissement de la bio-diversité de leur flore bactérienne intestinale.

Pour ces cas graves, il existe un traitement non-médicamenteux qui a fait l’objet de nombreuses publications scientifiques portant au total sur plus de 300 personnes.

Mais de quoi parle-t-on ?

La transplantation de flore intestinale consiste à installer chez le malade — appelé receveur — une sonde (c’est-à-dire un tube) qui part du nez et qui se termine au début de l’intestin. Cette sonde servira à acheminer une suspension de bactéries intestinales recueillies auprès d’un donneur sain. Au préalable, ce dernier aura subi toute une série de tests destinés à s’assurer que sa flore intestinale à lui ne contient que des microbes normalement présents dans l’intestin.

On recueille une selle du receveur, on ajoute 500ml de soluté salin stérile, on agite et on laisse déposer. Ce qui surnage — soit une suspension d’un nombre incalculable de différentes sortes de bactéries — est administré au receveur par le biais de la sonde qu’on lui a installée.

L’étude publiée dans le NEJM portait sur 41 patients. Ceux-ci ont été répartis en trois groupes : 16 patients reçurent une transplantation bactérienne et 25 patients furent traités aux antibiotiques selon deux protocoles différents.

Dans le groupe transplanté, treize patients (81%) furent guéris par une seule transplantation. Deux autres patients eurent besoin d’une deuxième, ce qui porte le taux de guérison totale à 94%. Il est à noter que dans le cadre de cette étude, la guérison se définit par l’absence de rechute au cours des dix semaines après le traitement.

Selon ce même critère, dans les deux autres groupes, le taux de guérison fut de 31% (vancomycine seule) et de 23% (vancomycine suivie, 4 ou 5 jours plus tard, d’une purgation). Une personne est décédée dans le groupe sous antibiothérapie.

À l’origine de cette étude, on devait enrôler 120 patients mais les résultats se sont avérés tellement spectaculaires qu’on a décidé de l’arrêter après seulement 43 patients.

Ce traitement hautement efficace mais répugnant a reçu la caution du NEJM qui lui a consacré un éditorial flatteur.

Les personnes aux prises avec ce problème ignorent généralement l’existence d’un tel traitement. En effet, parmi les média écrits ou télévisés qui vulgarisent la littérature scientifique, aucun n’a osé traiter de ce sujet par crainte de heurter la sensibilité de son auditoire.

J’ai choisi d’en parler parce qu’en présence des formes graves de cette maladie potentiellement mortelle, il est urgent d’agir. D’où l’importance de faire en sorte que les personnes atteintes ou leurs proches sachent qu’un traitement hautement efficace existe.

Références :
Duodenal Infusion of Donor Feces for Recurrent Clostridium difficile
Fecal Microbiota Transplantation — An Old Therapy Comes of Age

Paru depuis :
Des comprimés d’excréments contre le C. difficile (2013-10-03)

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Écrit par Jean-Pierre Martel