Toutes les grandes métropoles sont bien davantage que la somme de leurs quartiers touristiques : de manière analogue, La Havane est majoritairement constituée de quartiers dont aucun guide de voyage ne parle.
Ceux qui sont jugés dignes d’intérêt se sont développés vers l’ouest, à partir de la Baie de La Havane, le long de la mer (ou pour être plus juste, le long du détroit de Floride).
Ce sont successivement (et chronologiquement) : la Vieille ville, le Prado, le Centro, le Vedado et Miramar. Et le bord de mer a un nom : c’est le Malecón.
La Vieille ville
La partie la plus ancienne est donc la Vieille ville. Celle-ci s’est développée à partir de quelques places situées dans la partie orientale du quartier : la Vieille place, la Place de la Cathédrale St-Christophe, la Place St-François-d’Assise et la plus ancienne de toutes, la Place d’Armes. Parmi elles, seulement cette dernière a été végétalisée : toutes les autres sont purement minérales.
Tout comme les bâtisses de Montréal sont postérieures à 1850 — à l’exception de quelques rares immeubles sur la rue Notre-Dame — les immeubles de la capitale cubaine ont généralement été construits après cette date.
À la différence de Montréal, La Havane possède de très nombreux édifices en pierre qui font exception à cette règle et qui remontent, dans certains cas, jusqu’à la fondation de la ville, au début du XVIe siècle.
Autre différence fondamentale : durant la plus grande partie de son histoire, Montréal a été une ville dont le développement économique a été décidé par des Protestants, alors que pour la capitale cubaine, c’était des Catholiques.
Or, les pays catholiques ne redoutent pas l’ornementation — et, dans le cas des pays méditerranéens, l’ornementation ostentatoire — alors que les pays protestants (surtout calvinistes) la jugent futile.
La Havane est donc une ville où les détails architecturaux foisonnent. Et ce, d’autant plus facilement que, comme Prague (mais contrairement à Paris), il s’agit de moulures (facile à reproduire) et non de pierre de taille.
Le quartier le plus riche (du point de vue décoratif) est très certainement celui de la Vieille ville. Mais c’est le quartier le plus endommagé par le temps.
Ses rues en damier sont dans un état lamentable. Le pavé était en briques (comme dans le Vieux-Montréal). Mais au lieu de le réparer au fur et à mesure qu’il s’endommageait, on a préféré le recouvrir d’asphalte de mauvaise qualité qui s’est abîmé encore plus vite. Bref, c’est un mélange de trous plus ou moins comblés de débris de construction, de briques et d’asphalte sur différents niveaux.
Ses rues relativement étroites (5 mètres) sont bordées de maisons qui, restaurées, feront de La Havane la ville la plus extraordinaire et la plus riche d’Amérique latine.
Depuis que le tourisme est devenu une priorité nationale (et la source la plus importante de devises étrangères), les autorités du pays ont investi massivement pour accroitre l’offre touristique, surtout dans la Vieille ville.
C’est donc là qu’on trouve la très grande majorité des musées et des galeries d’Art. La majorité de ces musées sont un peu rudimentaires. Mais d’autres sont exceptionnels, à l’image des œuvres d’Art amassées par les gouverneurs espagnols et, plus tard, par les magnats du sucre et du tabac, notamment.
Si La Havane est très loin d’être une capitale gastronomique, ses restaurants sont le cœur de la vie culturelle de la capitale cubaine.
Le soir, partout on y joue de la musique. Souvent dans un minuscule bar ou dans un petit café, devant une assistance constituée parfois de seulement cinq ou six clients, un orchestre joue de la musique latino-américaine de haut niveau.
Les Cubains sont un peuple très créatif et cette créativité trouve toute son expression dans la pratique musicale.
Le meilleur guide de voyage qui traite de la Vieille ville est celui (en anglais) entièrement consacré à ce quartier : Bermüder L (éditrice). Old Havana in Your Hands – Tourist Guide. Escandon Ediciones. Seville. 2012.
Le Prado
Au moment de leur création au début du XIXe siècle, les Champs-Élysées étaient situés dans la périphérie occidentale de l’agglomération parisienne (presque en pleine campagne). Ce fut pareil pour le Prado, construit immédiatement à l’ouest de la Vieille ville.
Dès la destruction des remparts, les familles les plus fortunées de Cuba voulurent se construire un palais sur le Prado, une large promenade bordée de chaque coté par des voies de circulation à sens unique.
Et comme sur le Ring de Vienne, l’État voulu y construire ses immeubles d’apparat, plus précisément le Gran Teatro et le Capitolio (siège du gouvernement à l’époque).
Au sud, le Prado se termine par la fontaine de l’Indienne, entièrement en marbre blanc d’Italie.
C’est avec le Prado que les nouveaux riches de la capitale cubaine ont fait en sorte que la ville s’est entichée du marbre le plus beau et le plus cher au monde, celui de Carrare. C’est à qui en utiliserait le plus : planchers, escaliers, salles de bain, bref on en voit partout dans les palais situés hors de la Vieille ville.
Et lorsqu’un de ces palais s’écroule ou qu’il est ravagé par un incendie, ses magnifiques parquets de marbre sont recyclés. L’escalier qui menait à ma chambre, dans une maison typiquement prolétarienne de la Vieille ville, était en marbre de Carrare, récupéré d’un chantier de démolition.
Mais si les dirigeants du pays ont restauré de nombreux palais de la Vieille ville, le travail ne fait que commencer au Pardo.
Le Palacio de los Matrimonios (soit au Palais des mariages) a retrouvé son éclat d’origine. Lors de ma visite, on terminait le rafraichissement de la façade du Musée de la révolution (dont on s’affairait à nettoyer l’intérieur). Les deux pavillons du Musée des Beaux-Arts ont encore bonne prestance. L’étape suivante semble être le Capitolio (justement fermé pour réparation). L’immense salle de bal du Gran Teatro — dont le sol est en… (devinez quoi) — attend sa restauration.
Pour l’instant, les autres édifices du Prado sont en pauvre état. Toutefois, dès que l’embargo américain sera levé, il est probable que tous les couturiers, bijoutiers et parfumeurs internationaux se battront pour avoir une vitrine le long du Prado et celui-ci redeviendra le quartier luxueux qu’il fut déjà.
Il y plusieurs larges avenues à La Havane mais la voie la plus empruntée (après le Malecón) est le Prado. Parce que la capitale compte beaucoup de vieilles voitures et de vieux autobus (dont le catalyseur a rendu l’âme il y a longtemps), c’est, de loin, l’endroit le plus pollué de la ville. En particulier devant le Gran Teatro, le Prado pue.
Le Centro
Le quartier immédiatement à l’ouest du Prado, est le Centro. C’est un quartier populaire dont les rues commerciales sont grouillantes d’activité.
On y trouve peu de sites touristiques. C’est un quartier dont les maisons sont semblables à celles qu’on voit dans la Vieille ville (postérieures à 1850), mais espacées par des rues plus larges et surtout en bien meilleur état.
Et parce que les touristes y vont moins, on y trouve peu de boutiques et de galeries d’Art qui leur sont destinées.
Le Vedado
Le Vedado est un beau quartier de La Havane, avec ses rues encore plus larges qu’au Centro, bordées de maisons de style, principalement à un, deux ou trois étages.
En comparaison avec les quartiers dont on a parlé précédemment, ce qui distingue le Vedado, ce sont les arbres. On en trouve évidemment au Prado. Mais dans la Vieille ville, il y en a peu. Et dans le Centro, ils sont concentrés dans des parcs. Toutefois, au Vedado, ils sont tout naturellement le long des rues.
De plus, entre la rue et le trottoir, il y a une bande de terrain (plus ou moins large) recouverte de verdure. Et quand les trottoirs y sont abîmés, c’est à cause des racines des arbres.
On y trouve quelques sites touristiques et le quartier est traversé du nord au sud par deux beaux boulevards plaisants décorés de statues d’héros nationaux.
Miramar
Miramar est le quartier « américain » de La Havane; il s’est développé au XXe siècle sous les dictateurs cubains soutenus par Washington.
C’est le quartier des ambassades, principalement concentrées le long d’une même rue. Le reste du quartier est encore plus végétalisé que le Vedado et les rues y sont encore plus larges.
À l’exception des bâtisses officielles, les maisons des rues secondaires font très penser aux maisons des habitants de la Floride. Parce que c’est le quartier touristique le plus récent, c’est celui le moins abîmé par le temps.
Le Malecón
Le bord de mer de La Havane, s’appelle Le Malecón. Mais ce n’est pas une plage. Ce rivage est exclusivement rocailleux, balayé par la mer. La baignade y est interdite.
Afin d’aménager cette rive de 12 km de long, on a élevé un mur sur lequel de puissantes vagues viennent frapper. Du côté de la ville, on a remblayé le terrain de manière à ce que le sol soit à la hauteur de ce mur.
Et sur ce remblai, on a créé une voie rapide et un large trottoir sur lequel les Havanais viennent flâner ou pêcher.
Pour lire les comptes-rendus du premier ou du deuxième voyage à La Havane, veuillez cliquer sur l’hyperlien approprié.
Petite précision :
-Malécón, en espagnol, signifie digue ou brise lame,
-Vedado : terrain de chasse.
J’ai bien aimé cette analyse des différentes parties des quartiers de La Havane, avec leurs particularités.
La Havane ne se limite pas à ces quartiers annoncés dans les guides. Plus loin, on trouve encore du monde et des centres d’intérêt (Lawton, Mantilla, Boyeros, Alamar, Guanabo, Casablanca, Regla etc). Comme toujours on va vous faire peur en vous alarmant sur certains risques imaginaires et notamment, les personnes qui n’y ont jamais mis les pieds.
Et encore des églises historiques en excellent état à visiter.
Pour les matériaux de construction il est assez facile d’analyser les provenances des pierres de construction. Celle de la cathédrale et des demeures de ce quartier ressemblent de beaucoup à la texture des roches du Malécon, elles ont dues être extraites sur place et taillées. On est émerveillé de la qualité du travail de taille quand on la ramène aux conditions de l’époque et au petit nombre de la population et de moyens.
Les villes coloniales d’autrefois privilégiaient le bois, plus rapide à mettre en œuvre avec les connaissances des charpentiers de marine (plus présents que les maçons).
Il n’y a pas, par exemple, de maisons à structure bois comme on trouve aux Antilles, en Guyane française ou en Haïti.
Les rares maisons de bois du début du siècle le sont en bois préfabriqué importé des forets étasuniennes ou alors le « bohio » de campagne à toiture végétale qui lui, conserve son charme.
Pour ce qui est du marbre, je me suis demandé sa provenance compte tenue de la quantité impressionnante de bâtiments pour certains entièrement de marbre (il faut gratter sous la couche de crasse et de mousse).
La réponse vient de la présence de carrières de marbre dans la ville de Nueva Gerona (ile de la jeunesse) qui a du en fournir la majeure partie, même si, parfois, certains nababs de l’époque ont du, par fol orgueil, en importer d’Italie.
Cela représente tout de même une industrie bien équipée et avec du savoir-faire sur place qui a existé. Et qui sans doute existe encore puisqu’on peut voir des offres de « marbre de Cuba » sur certains sites commerciaux professionnels.
Bien évidemment le chapitre « carrière de marbre » est absent des guides touristiques et aussi inconnu des personnes qui vous font visiter la ville. J’ai remarqué que, souvent en dehors du texte historique qu’ils débitent, ils sont incapables de répondre à des questions hors norme. Le cubain ne s’interroge pas beaucoup et préfère répondre : no hay! no tenemos!
Cordialement. Marcos
Les plus vieux édifices de La Havane sont en calcaire coquillier, c’est-à-dire en agglomérat de coquillages et d’organismes marins.
C’est le cas de la Catedral de San Cristóbal dont on voit ci-dessus une photo prise dans le clocher.
Pour ce qui est du marbre, il ne faut pas confondre celui de Carrare (blanc, légèrement nervuré de gris) et le marbre cubain (gris moyen). Ce sont deux pierres de qualités décoratives différentes.
Dans la Casa particular où j’habitais, si l’escalier qui menait à l’étage était en marbre de Carrare (récupéré d’un chantier de démolition), on trouvait à l’entrée une étroite plaque de marbre gris, ressemblant à du granit, que mes hôtes m’ont présenté comme étant du marbre cubain.
Ce marbre éclatant, si abondant dans le Prado et au Cementiero de Cristóbal Colón, est certainement du marbre italien. Si Cuba possédait des mines de marbre d’une telle qualité, de très nombreux pays contourneraient l’embargo américain pour en acheter plutôt que d’en importer d’Italie.