Course à la chefferie : pourquoi tant d’argent ?

Publié le 22 octobre 2012 | Temps de lecture : 4 minutes


 
Les militants du Parti libéral ont récemment précisé les règles du financement de la course à la chefferie de ce parti : il faut effectuer un dépôt sécurisé de 50 000$ (38 500 €) et respecter une limite de dépenses de 600 000$ (462 000 €).

S’il s’agissait du Parti Québécois ou de la CAQ, ces montants seraient différents mais dans le même ordre de grandeur. D’où la question : pourquoi les partis politiques fixent-ils des critères hors de portée du commun des mortels ?

Le dépôt sert à s’assurer du sérieux de chaque candidat et diminuer le risque de discrédit que comporterait une course dans laquelle un candidat présenterait un programme électoral extravagant. Ce dépôt se veut donc dissuasif.

Quant à la limite des dépenses, il s’agit d’une somme maximale. Théoriquement, on pourrait devenir chef en ne dépensant rien. Dans les faits, toute course à la chefferie est d’abord une course à l’argent. Cela ne veut pas dire que celui qui en possède le plus sera nécessairement le gagnant, mais il est absolument certain que celui qui n’en a pas du tout sera parmi les perdants.

Pour réussir, il faut embaucher des gens qui motiveront des bénévoles à vendre des cartes de membres du parti, noyauter les assemblées régionales afin que les délégués soient acquis à votre candidature, payer l’hébergement, le transport et la belle vie aux délégués qui vous sont favorables, payer les macarons, banderoles, affiches tape-à-l’œil qui donneront l’impression que vos supporteurs sur le parquet du congrès sont beaucoup plus nombreux qu’ils ne le sont en réalité (afin d’attirer les opportunistes qui seraient tentés de se ranger du bord du gagnant), etc.

Toute cette machine coûte cher.

Ajoutez-y les conseils de faiseurs d’image, quelques slogans accrocheurs, une stratégie de marketing qui vous permet de faire les manchettes sans avoir à vous prononcer sur quoi que ce soit et voilà, vous avez la recette gagnante, surtout si vous êtes photogénique et de ce fait, avez gratuitement accès à la couverture des magazines « people ».

Finalement, contraindre les journalistes à analyser sociologiquement l’engouement pour votre candidature plutôt que de parler de votre programme électoral anémique, et voilà votre réussite assurée.

Mais qu’arriverait-il si toute dépense importante (ex.: le transport et l’hébergement des délégués, la tenue des débats contradictoires) étaient à la charge du parti ? Si la limite maximale était dérisoire (quelques milliers de dollars) et si tout financement illégal entrainait la disqualification du candidat, que perdrait-on ? Essentiellement, le « glamour » de la campagne à la chefferie et, dans une certaine mesure, l’intérêt pour l’événement.

En contrepartie, qu’y gagnerait-on ? On éviterait qu’avant même leur accession à la tête d’un parti, les candidats sont déjà redevables au pouvoir occulte de l’argent.

Si on regarde attentivement les travaux de la Commission Charbonneau, ce qui est étonnant, c’est que les sommes impliquées qui bénéficient aux politiciens eux-mêmes sont dérisoires : un bouquet de roses et quelques billets de concerts. Personne ne se laisse corrompre pour si peu.

En réalité, quand le candidat doit se soucier du financement de sa campagne, quand chaque ministre doit rapporter au parti 100 000$ par année au cours d’événements de levée de fonds organisés en son nom, cela l’oblige à servir de façade aux collecteurs de fonds.

Or ceux-ci sont d’autant plus efficaces qu’ils donneront l’impression aux donateurs que leur contribution s’accompagnera éventuellement de marques de reconnaissance de la part du bénéficiaire. Leur efficacité sera même maximale si ce parti possède la réputation d’être loyal et généreux à l’égard de ses financiers.

Bref, on touche à la cause de la corruption gouvernementale.

Références :
100 000 $ par ministre
Course à la direction du PLQ : les règles sont fixées

Paru depuis : Parti libéral du Québec – Où est le renouveau? (2012-10-16)

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Écrit par Jean-Pierre Martel