Lors du débat télévisé sur les ondes de la télévision d’État, monsieur Charest a sorti des boules à mites le Rapport Moisan, dont j’ignorais l’existence et que j’ai lu ce matin.
À la Commission d’enquête Gomery (relative au scandale des commandites), les dirigeants d’une agence de publicité avaient affirmé avoir contribué non seulement à la caisse électorale du Parti libéral fédéral, mais également à la caisse électorale du Parti québécois (à l’époque où ce parti était au pouvoir).
Cette révélation a justifié la création, par le Parti libéral du Québec, d’une Commission d’enquête dirigée par Me Jean Moisan dont le rapport est un document de 23 pages rendu public en 2006.
La corruption du PQ
En gros, le Rapport Moisan nous apprend que de 1995 à 2000, l’agence Groupaction a contribué 96 000$ à la caisse du Parti québécois dans l’espoir d’obtenir des contrats de publicité du gouvernement du Québec.
Limitée par la Loi sur le financement des parti politiques (adoptée par le Parti québécois), cette agence incitait ses employés à faire un chèque au PQ pour le maximum permis par la loi et leur garantissait le remboursement de cette contribution. Les chèques étaient remis de main à main à des collecteurs de fonds du PQ. Dans tous les cas, les chèques ont dûment été inscrits dans les registres du PQ.
Le rapport écrit : « Depuis longtemps, les personnes morales contribuent au financement des partis. Incapables de le faire légalement, elles utilisent le moyen détourné de dons par leurs employés et de contributions à diverses activités payées par les employés et remboursées par l’employeur.»
À la lecture du rapport, il ne semble pas que cet investissement ait été très rentable puisque cette agence n’a reçu qu’un seul contrat du gouvernement provincial, pour une publicité de la Société des alcools du Québec en 1997 (dont le montant n’est pas précisé).
Si les contributions Groupaction au PQ après 1997 n’ont rien donné, c’est peut-être moins parce que le PQ était incorruptible, que le fait que Groupaction était connu pour ses liens avec le Parti libéral du Canada.
Si ma mémoire est bonne, l’autre cas de contribution illégale ou suspecte révélé par monsieur Charest, serait la somme de 2 500$ versée par la fille de madame Marois à sa mère.
La corruption du Parti libéral du Québec
Monsieur Charest attache beaucoup d’importance à préciser que le seul cas de corruption prouvée devant les tribunaux concerne le PQ. Si le Premier ministre n’avait pas refusé pendant deux ans de mettre sur pied la Commission d’enquête relative à la corruption dans l’industrie de la corruption, si Jacques Duchesneau n’avait pas eu à se battre pendant 18 mois pour finalement avoir un bureau à lui et les moyens concrets de mener ses enquêtes, et si les élections n’avaient pas été déclenchées avant la reprise des travaux de la Commission Charbonneau, il est absolument certain qu’on aurait aujourd’hui beaucoup plus de décisions judiciaires relatives à la corruption au Québec.
Seulement pour l’année 2008, 64 des employés de CIMA+ (une entreprise de génie-conseil) ont donné un total de 171 795$ au Parti libéral du Québec. CIMA+ a obtenu des dizaines de millions de dollars en contrats du gouvernement Charest, dont plusieurs millions sans appel d’offres du Ministère des transports du Québec.
En 2010, au cours d’une entrevue avec le journaliste Alain Gravel de Radio-Canada, Me Marc Bellemare, ex-ministre de la Justice du Québec, allègue qu’il a été témoin d’importantes sommes d’argent comptant versées par un influent collecteur de fonds du Parti libéral du Québec à un permanent de ce parti. Rappelons que la loi interdit toute contribution d’argent comptant à un parti politique.
Depuis l’accession au pouvoir du Parti libéral, le Ministère des transports a contourné la loi qui l’oblige à procéder à des appels d’offres pour tout projet dont le budget dépasse un certain seuil, en morcelant les projets en plus petits contrats, de manière à ce que ces derniers soient en deçà de ce seuil. C’est ainsi qu’on a triplé le nombre de contrats accordés sans appel d’offres.
De la même manière, on a créé des Agences de santé — que se propose d’abolir la CAQ — pour soustraire l’État à cette obligation. On a donc pu accorder une série de contrats totalisant 360 millions$ — vous avez bien lu : un tiers de milliard$ — sans appel d’offres à un contributeur à la caisse du Parti libéral du Québec.
Le 11 octobre 2011, le directeur des poursuites pénales dépose trois chefs d’accusation contre Tony Tomassi relativement à des actes qu’il aurait commis à l’époque où il était ministre du gouvernement Charest. Le ministre disposait d’une carte de crédit payée par une agence de sécurité qui obtenait des contrats gouvernementaux.
En 2010, on apprenait que 1 600 places de garderie avaient été accordées à 32 garderies privées, dont les administrateurs ont versé 112 000$ au Parti libéral depuis 2003.
En 2007, la ministre de la Justice nommait quinze juges dont treize étaient des donateurs à la caisse du Parti libéral du Québec.
La Commission Bastarache nous a appris que seuls les avocats dont le dossier transmis au Conseil des ministres portait un auto-collant jaune (en fait, un Post-it note) pouvaient espérer être nommés juges. Or seuls les candidats qui ont fait du bénévolat pour le parti au pouvoir, qui ont contribué à la caisse électorale de ce parti ou qui sont parents avec des collecteurs de fonds du parti, bénéficiaient du précieux collant jaune apposé par Mme Chantal Landry (la Directrice-adjointe du cabinet du premier ministre). En somme, tous les candidats plus compétents étaient exclus — y compris ceux recommandés par le ministre de la Justice — s’ils ne faisaient pas partie de la bande libérale.
Conclusion
On ne peut comparer la « corruption » du Parti québécois avec celle du Parti libéral. On n’est tout simplement pas dans le même ordre de grandeur.
De 1976 à 1985 et de 1994 à 2003, soit pendant près de deux décennies, si les seuls cas de corruption péquiste sont ceux rapportés par monsieur Charest, nous sommes en présence d’un scandale raté.
Dans ses recommandations, le Rapport Moisan imputait le contournement de la Loi sur le financement des partis politiques à la trop grande rigueur de cette loi. Il préconisait une augmentation du plafond que peut verser une entreprise.
À mon avis, Me Marsan n’a pas compris que le but de la loi était de libérer nos politiciens du pouvoir de l’argent et de s’assurer de leur loyauté envers la nation québécoise.
Lors du débat des chefs, dimanche dernier, Mme Françoise David, co-présidente de Québec solidaire, émettait l’opinion qu’en plus de limiter les contributions à la caisse des partis politiques, on devait également plafonner les dépenses électorales.
Ces dépenses permettent aux partis politiques d’organiser des rassemblements et de sillonner le Québec à la rencontre de la population québécoise. Il serait malheureux d’empêcher cette expression de la Démocratie.
Toutefois, je suis d’avis qu’on devrait plutôt interdire toute publicité payée, qu’elle soit télévisée, radiophonique ou écrite. Seules les véritables entrevues seraient permises, de même que le compte-rendu des journalistes.
La tendance actuelle de la publicité électorale, c’est vers le dénigrement et la propagande stupide. Cette forme de manipulation et de lavage de cerveaux est superflue. Conséquemment, elle devrait être interdite.
À l’issue d’une élection, toutes les sommes au-delà de celles nécessaires au bon fonctionnement d’un parti durant les cinq années suivantes, devraient être remises à l’État.
Références :
Copinage et contributions politiques en série
Dur contre les étudiants, mou contre la corruption et le gaspillage
Garderies: la version du ministre Tomassi est contredite
L’argent comptant et la corruption du Parti libéral du Québec
L’argent de la corruption libérale
Le parti de l’exclusion
Le Parti libéral du Québec encore dans l’eau chaude
L’UPAC aux portes de la classe politique
Rapport Moisan
Tony Tomassi