Le débat des chefs à Radio-Canada

Publié le 20 août 2012 | Temps de lecture : 7 minutes

Au cours de la présente campagne électorale, les chefs des principaux partis politiques auront eu l’occasion de s’affronter lors de quatre rencontres télévisées : une à Radio-Canada et trois à Télé-Métropole.

La plus importante avait lieu hier soir. Après une brève présentation, les chefs devaient débattre de quatre thèmes, puis terminer par une courte conclusion.

Au départ, les chefs m’ont laissé les impressions suivantes :
• Françoise David m’est apparue calme et rassurante,
• Jean Charest avait les yeux roses comme s’il avait pleuré juste avant le débat,
• François Legault s’exprimait simplement et clairement,
• Pauline Marois utilisait une voix feutrée (qu’elle a conservée durant presque tout le débat) et avait l’air décidée.

Premier thème : Les enjeux économiques

Le premier échange qui m’a plu est celui relatif à la croissance économique du Québec.

Jean Charest : « Tous les Québécois ont un revenu disponible plus élevé aujourd’hui (que celui) qu’ils avaient depuis 2003, incluant la classe moyenne ».

Ceci est une demi-vérité. Depuis la crise des années 1930, les salaires ont toujours été plus élevés dix ans plus tard que dix ans plus tôt. La réplique suivante remet les pendules à l’heure.

François Legault : « Pendant que le Québec marche, les autres provinces courent. La réalité, c’est que quand monsieur Charest est arrivé au pouvoir en 2003, le Québec était la 4e province pour son revenu disponible (par personne). Aujourd’hui, c’est rendu le 9e. Il y a seulement l’Île-du-Prince-Édouard qui a un revenu disponible (par personne) bas que le nôtre. »

Monsieur Legault a raison. Sous la gouverne de monsieur Charest, la croissance économique du Québec a été, dans l’ensemble, inférieure à la moyenne canadienne, alors que c’était le contraire au cours de la décennie qui a précédé son accession au pouvoir.

Cette vérité est fondamentale. Pourtant, je lis partout les textes d’éditorialistes qui répètent comme des perroquets que le Québec a bien traversé la crise économique (ce qui est vrai) mais qui oublient de dire que dans l’ensemble des neuf années du gouvernement Charest, celui-ci a été une calamité du strict point de vue économique.

Une autre chose qui a attiré mon attention, c’est l’obstination à promettre que les redevances minières serviront au remboursement de la dette.

Quand j’entends un chef de parti promettre que la totalité de ces redevances y seront consacrées, ma réaction est de me dire : « Mais d’où viendra l’argent pour la restauration des sites abandonnés par les compagnies minières ? Les redevances actuelles sont à peines supérieures au coût des restaurations.»

Doit-on comprendre que si le prix des matières premières devait s’effondrer alors que les autres secteurs de l’économie seraient en plein essor, on cessera de rembourser la dette parce qu’on ne reçoit plus de redevances ?

En réalité, tous les items au budget de l’État sont des vases communicants. Les redevances devraient être versées au Trésor public et l’État allouera ses revenus de manière appropriée, incluant le remboursement de la dette. Ce qui compte, c’est l’engagement à rembourser la dette et non de préciser un pourcentage des redevances minières qu’on pourrait y consacrer.

Deuxième thème : La gouvernance

À mon avis, l’intervention la plus remarquable a été celle de la chef de Québec Solidaire.

Françoise David : « J’aimerais ça rappeler qu’il y a déjà deux ans, on a publié une première recherche qui a conduit en fait à la mise à l’amende de la compagnie Axor pour avoir utilisé des prête-noms pour envoyer de l’argent aux trois partis politiques qui étaient en poste depuis bien des années : le Parti libéral, le Parti québécois et l’Action démocratique du Québec.»

« On est revenu ce printemps avec un autre rapport très fouillé qui démontre sans l’ombre d’un doute qu’effectivement depuis 30 ans, il y a collusion et corruption dans les partis politiques. Nous proposons de réduire de façon importante les dépenses électorales pour qu’il y ait moins de tentation à l’avenir.»

En réponse à cette accusation (et à celles de ses autres adversaires), monsieur Charest a sorti des boules à mite le rapport Moisan, que je n’ai pas lu mais que je me propose de lire. D’ici là, j’ai comme l’impression qu’argumenter au sujet de ce rapport, c’est utiliser l’arbre pour cacher la forêt. Et la forêt, c’est que le gouvernement Charest est corrompu à l’os.

Troisième thème : Les politiques sociales

Dans l’ensemble, j’ai trouvé que les interventions de Françoise David démontraient chez elle une vision globale plus cohérente et moins anecdotique que celle de ses collègues.

La discussion a beaucoup portée sur la promesse de la CAQ de garantir un médecin de famille à chaque Québécois.

J’aimerais profiter de l’occasion pour réfuter un argument que monsieur Charest répète inlassablement depuis qu’il est au pouvoir.

Jean Charest : « Il en manque mille médecins de famille au Québec. (…) Pourquoi il en manque mille ? Parce que monsieur Legault avec madame Marois ont passé la scie à chaine dans le système de santé quand ils étaient là. Puis ils ont mis des médecins à la retraite. Et des infirmières. Et des techniciens. Et nous en payons encore le prix aujourd’hui.»

En 1996, lorsque le gouvernement fédéral a coupé de manière importante ses transferts aux provinces relativement aux dépenses de santé, celles-ci ont coupé en catastrophe dans leurs budgets respectifs. L’Ontario a fermé des hôpitaux et le Québec a mis à la retraite une partie de ses médecins. Était-ce la meilleure décision à prendre ? J’en doute. Toutefois, lorsque cette mesure a été prise, les médecins mis à la retraite étaient déjà âgés. Aujourd’hui une partie d’entre eux sont décédés et l’autre partie se déplace en marchette.

À moins que les médecins décédés soient morts de chagrin, insinuer que s’ils n’avaient pas été mis à la retraite, ces vieux médecins seraient là, 16 ans plus tard, à prêter main forte aux médecins d’aujourd’hui, cela est une insulte à l’intelligence de ceux qui veulent croire monsieur Charest

Troisième thème : Question nationale et identité

Il s’agit d’une question importante. Mais je n’ai pas trouvé intéressante la discussion s’y rapportant, trop axée sur de belles professions de foi.

Conclusion

Dans ce débat, Françoise David a été excellente. Je lui donnerais la première étoile.

Pauline Marois a axé sa conclusion sur l’aptitude de son équipe à gouverner. Je lui donnerais la deuxième étoile.

J’aurais aimé que la conclusion de monsieur Legault soit moins critique envers ses adversaires et qu’il en profite pour parler comme un chef d’État. Malgré cela, je lui donnerais la troisième étoile.

Jean Charest a bien présenté les sujets favoris de sa campagne, dont l’importance de réélire un gouvernement dédié à l’économie afin traverser le mieux possible un contexte mondial incertain. Je lui donnerais une mention d’honneur pour son habilité à défendre si vaillamment son gouvernement.

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