Parce qu’ils se préparent au premier débat contradictoire télévisé, les candidats des principales formations politiques ont pris congé hier.
Seul monsieur Charest a fait une promesse en matinée, celle de créer 11 500 nouvelles places de stationnement incitatif dans la grande région de Montréal (dont 1 500 sur le territoire de Laval), afin de favoriser l’utilisation du transport en commun.
Je profite donc de ce répit pour parler de la confrontation de la semaine, celle qui a opposé le maire de la ville de Saguenay, Jean Tremblay, à la candidate du PQ dans le comté de Trois-Rivières, Djemila Benhabib, sur les ondes de Radio-Canada.
L’intégrisme qu’on ne voit pas
Il y a quelques années, agacés par ce qu’ils percevaient comme étant de la propagande chrétienne, des Américains d’autres confessions religieuses avaient convaincu des grands magasins de cesser d’utiliser le mot « Christmas » (qui veut dire « Noël » mais qui se traduit littéralement « Messe du Christ ») et de parler plutôt de la « Saison du temps des Fêtes » (« Holiday Season »).
Cette nouvelle souleva l’indignation des milieux fondamentalistes chrétiens du Sud des États-Unis qui menacèrent de boycotter tous les magasins qui, au contraire, cesseraient d’utiliser le mot controversé.
Coincées entre ces deux groupes, les magasins ont préféré opter pour le groupe majoritaire et continuer d’utiliser « Christmas », mais de manière plus discrète, le mot étant noyé dans les décorations tappe-à-l’oeil du temps des Fêtes.
Il y quelques jours, j’écoutais l’entrevue que donnait Monsieur Jean Tremblay à l’animateur radiophonique Paul Arcand. Le maire de la ville de Saguenay y qualifiait la candidate péquiste Djemila Benhabib d’intégriste.
Condamnée à mort par les Islamistes algériens, sa famille a quitté le port d’Oran en 1994 pour se réfugier en France en 1994. Au Québec depuis 1997, Mme Benhabib y a écrit deux livres dénonçant le fondamentalisme musulman (Ma vie à contre-Coran et Une femme témoigne sur les islamistes).
Mais voilà que Mme Benhabib est traîtée elle-même d’intégriste par le maire de Saguenay. Ce qui nous amène à nous demander c’est quoi, l’intégrisme.
Ce terme désigne une intransigeance extrême en vue d’imposer ses règles à la totalité de la société et régenter la vie de chacun selon celles-ci.
Le maire Jean Tremblay a été condamné à payer une amende et des frais totalisant la somme de 33 500$ pour avoir imposé une prière publiquement à l’ouverture des séances de son Conseil municipal.
Les tribunaux estiment que dans l’exercice de ses fonctions, un représentant de l’État ne peut imposer à quiconque l’obligation d’assister à un rituel de nature religieuse, quel qu’il soit. Par opposition, on peut imposer un moment de recueillement que chacun pourra utiliser à sa manière.
Malgré cette condamnation, le maire de Saguenay persiste à réciter sa prière, plaçant la Volonté présumée de Dieu au-dessus des lois humaines. Cette attitude a été qualifiée de courageuse par le ministre et candidat libéral de la région, Serge Simard.
Monsieur Tremblay serait sans doute insulté d’être qualifié d’intégriste mais la triste vérité c’est qu’il répond parfaitement à la définition du terme. Évidemment, il y a intégrisme et intégrisme. Le sien est une forme mineure, un peu folklorique, qui ne menace pas la vie de personne, et qu’on pourrait qualifier également de zèle religieux excessif et déplacé, tenté d’une xénophobie stupide.
Parce que tout cela est anodin, l’intégriste léger ne se perçoit pas comme intégriste. En fait, même l’intégriste pur et dur ne se perçoit pas comme tel parce que pour lui, il est impossible de trop aimer Dieu et qu’il n’y a rien de répréhensible à vouloir ardemment réaliser sa Volonté.
En somme, l’intégrisme, c’est comme l’accent. Les autres parlent avec un accent : jamais nous.
Si Mme Benhabib réclamait qu’on remplace le crucifix de l’Assemblée nationale par un croissant musulman, ce serait de l’intégrisme. À titre personnel, elle croit que ce crucifix devrait être retiré. C’est également mon avis. Mais à titre de candidate du PQ, elle épouse la politique de cette formation politique, qui est de ne pas toucher au crucifix.
Si, comme je présume, monsieur le maire de Saguenay est un homme d’honneur, lui doit donc des excuses publiques.
Références :
Djemila Benhabib
La prière publique aux assemblées municipales