L’origine du sida

Publié le 11 avril 2012 | Temps de lecture : 4 minutes

Le Dr Jacques Pépin est un infectiologue à l’emploi du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. Il y a deux semaines, soit le 29 mars dernier, il a reçu le Prix de la personnalité internationale de l’année. Ce prix lui a été décerné par le Centre d’études et de recherche internationales de l’université de Montréal pour son enquête minutieuse sur l’origine du sida.

Poursuivie pendant plusieurs années, cette recherche a fait l’objet d’un livre — « The Origin of AIDS » — publié l’automne dernier aux Presses de l’université Cambridge.

De tous les singes, le chimpanzé commun est le plus proche des êtres humains, tant physiquement que génétiquement. Près de 99% de notre ADN est identique à celui de ce singe.

Depuis des milliers d’années, un virus semblable à celui du sida infecte cet animal. Ce virus — appelé virus de l’immunodéficience simienne — se transmet de la même manière que le sida, c’est-à-dire par les relations sexuelles, la grossesse et, ce qui est rare chez les singes, l’échange de sang.

De nos jours, si la population du chimpanzé compte moins de 150 000 individus, principalement en Afrique centrale, elle comptait autrefois des millions de sujets.

Ceux-ci étaient capturés, chassés pour différentes raisons et même consommés. Il suffisait donc qu’un chasseur se blesse en dépeçant un chimpanzé atteint du virus, que le sang de ce dernier entre en contact avec celui du chasseur pour que le virus se propage à l’humain.

Cela est survenu probablement à de nombreuses occasions sans entrainer d’épidémie mondiale; le chasseur et son épouse décédaient, peut-être même tout leur village, et les choses en restaient là. Mais à force de tenter le diable…

La personne à l’origine de l’épidémie actuelle a vécu au cours des trois premières années du XXe siècle. La date la plus probable à partir de laquelle le premier être humain a transmis le virus de façon efficace est 1921.

De 1921 au début des années 1950, le virus se propage lentement à la faveur de l’urbanisation (propice au développement de la prostitution) et des programmes de lutte contre des maladies tropicales dont les traitements étaient administrés par voie intraveineuse à l’aide de seringues qui étaient réutilisées pour des raisons d’économie.

Contrairement à la multiplication cellulaire des animaux, il n’existe pas de mécanisme de contrôle de la qualité chez les virus. Les mutations génétiques sont fréquentes, ce qui contribue, par tâtonnements, à l’adaptation du virus aux différents milieux qu’il rencontre.

Au cours des années, par mutation, le virus du chimpanzé est devenu celui du sida humain.

Dans les années 1950, un programme de lutte intensive contre les maladies transmises sexuellement a été mis sur pied au Congo belge (devenu République démocratique du Congo). Des milliers de personnes y ont participé. Là encore, des seringues et des aiguilles souillées étaient réutilisées d’une personne à l’autre.

Après l’indépendance du Congo (en 1960), ce pays connait différents conflits armés qui feront 3,8 millions de morts et qui mineront l’économie du pays. La prostitution devient alors le premier vecteur de l’infection.

Les déplacements de population dus aux conflits propageront l’épidémie aux pays voisins, puis à tout le centre de l’Afrique et finalement à l’Afrique du Sud. Puisque ce dernier pays possède une importante communauté indoue, l’épidémie gagne l’Inde et se répand en Asie.

Parallèlement à cette diffusion, la guerre civile congolaise provoque l’exode des fonctionnaires et des élites du pays. Afin de combler les postes vacants, les Nations Unies et le gouvernement congolais font appel à des coopérants étrangers, principalement haïtiens. Près de 4 500 Haïtiens iront donc travailler au Congo.

Le VIH est introduit en Haïti vers 1967. Le virus s’y dissémine à la faveur d’une compagnie privée impliquée dans le commerce du sang.

D’Haïti, l’épidémie gagne les États-Unis par le biais du tourisme sexuel gai. Et comme la période d’incubation est d’environ dix ans, le virus se propage sournoisement en Occident avant que le sida ne fasse son apparition en Californie en 1981 où il est alors reconnu comme une nouvelle infection humaine.

À ce jour, 67 millions de personnes ont été infectées par le VIH, dont la moitié en sont mortes.

Références :
Chimpanzé
Il était une fois le sida

Paru depuis : Le sida, de Kinshasa au reste du monde (2014-10-02)

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4 commentaires à L’origine du sida

  1. Raphaelle dit :

    Bonjour,

    Pourriez-vous me communiquer une adresse mail ? Je voudrais vous inviter à participer à un débat en ligne sur le nouveau traitement préventif contre le sida.

    Merci !

    • Je vous remercie pour votre aimable invitation. Malheureusement, je vais décliner votre offre pour plusieurs raisons.

      Premièrement, j’écris bien mais je suis un mauvais orateur.

      Deuxièmement, je ne me considère pas comme un expert en sida.

      Troisièmement, le médicament en question est déjà utilisé depuis quelques années dans le traitement du sida : ce n’est donc pas un médicament nouvellement découvert. Son usage comme préventif est controversé : son taux maximal de protection (75%) n’est valable que si l’observance est de 100% (c’est-à-dire si on n’oublie jamais de le prendre). De plus, ce taux est moindre chez les femmes que chez les hommes, pour des raisons qu’on ignore.

      Encore de nos jours, trop de jeunes n’utilisent pas de condom. Même si cela n’est sans doute pas votre but, je suis inconfortable à l’idée que je pourrais contribuer à donner l’impression que cela n’est pas grave, qu’on peut prévenir cette maladie autrement.

  2. Raphaelle dit :

    Je vous invite justement à exprimer cette opinion sur le débat, ce qui pourrait faire avancer la discussion. Vous n’avez pas besoin d’être expert pour contribuer à nos débats, ils sont ouverts à tous les internautes.

  3. Lanimal dit :

    Réponse au Dr Pépin

    Je voudrais, moi également, féliciter Dr Pépin pour sa contribution colossale qui, enfin, a fait jaillir la lumière sur la nébuleuse origine du SIDA et sur son mécanisme de transmission jusqu’ici indéchiffrable. Finalement, l’humanité est face à la brebis galeuse qui a contaminé tout le troupeau. Le corps médical, ainsi que les chercheurs de tous les acabits qui se sont cassés le nez dans la recherche de la clef de voûte de ce mystère peuvent pousser un «ouf» de soulagement et prendre un répit bien mérité.

    D’après le Docteur Pépin, la première transmission du SIDA, de l’animal à l’homme, remonte dans les années 20 en Afrique centrale. Par après la maladie s’est propagée par le biais des injections pratiquées sur les africains par les bienfaiteurs occidentaux, les aiguilles n’étant pas stérilisées et étant réutilisées pour plusieurs patients. Puis dans les années 60 des intellectuels haïtiens, venus au Congo pour aider leurs frères et sœurs africains dans le cadre d’un programme de l’UNESCO, sont infectés. Ils ont donc établi un pont entre l’Afrique, bastion de la maladie et Haïti (Amérique). Ainsi, la maladie se propage très rapidement, les haïtiens venus d’Afrique contaminent des prostituées qui, à leur tour, contaminent des touristes américains et le sida s’étend par toute la terre. Si l’on se fie à ces explications simplistes Jusque-là ca a du sens. Non ?

    Cependant, ma conscience me tiraille. Face à cette supposée vérité scientifique et une foule d’interrogations surgissent dans mon esprit. D’après les documents de l’époque, nous savons tous que le personnel médical qui desservait l’Afrique n’était pas plus protégé que les patients qu’il soignait. Alors, par quel mécanisme miraculeux aucun d’entre eux n’a été contaminé pendant prés de 50 ans de service en Afrique? (que ce soit par piqûre accidentelle des fameuses aiguilles ou même par voie sexuelle).

    L’Afrique, de la première moitié du 20e siècle, était une destination de choix pour tous les types d’aventuriers. On y rencontre d’abord, des touristes venus nous voir, nous les sauvages parmi d’autres animaux majestueux de la faune africaine, ou simplement découvrir un nouveau monde, une nouvelle flore et j’en passe. On y rencontre ensuite des chasseurs avides de sang et de renom qui poussés par leur instinct primaire, parvinrent sur notre continent après de longs voyages au prix exorbitant, pour le plaisir de venir abattre un lion, un éléphant, etc. On y rencontre aussi des explorateurs, que dis-je? Des pilleurs, des vandales animés d’une avidité rapace. Ils arpentaient nos forets, suivaient nos rivières à la recherche de richesses. Pendant plus de cinq décennies, ces gens, non plus, n’ont pas été contamines?

    Enfin l’Afrique centrale était envahie par les puissances colonialistes belges, allemands, Néerlandais, etc. Elles y débarquèrent avec leurs armées, leurs fonctionnaires et leurs colons. Exception qui fait naître la règle, ces mercenaires, ces malfrats ont aussi été épargnés, car ils adaptaient une conduite exceptionnelle, ils n’ont jamais osé toucher aucune de nos filles. Quelle courage firent montre ces fieffés violeurs et homosexuels ! En Afrique seulement, les corrompus de l’Occident ont été de bonne mœurs. Leur conduite exemplaire les a sauvés face au Sida. Par quelle intuition ils avaient pu s’abstenir de la débauche et se sont échappés belle du fléau?

    N’ayant trouvé aucune chance que les occidentaux l’attrapent et le transportent avec eux, le sida a dû attendre près de 60 ans pour trouver l’agent propagateur dont il avait besoin pour entamer son périple planétaire: l’homme haïtien, le nègre déporté il ya 500 ans revenir chez les siens pour donner sa contribution dans l’apprentissage de la liberté à ces nations naissantes. C’est lui dans son éconduite qui est responsable de la propagation du mal. C’est lui, le nègre d’Haïti, lui le vecteur maléfique. Son sang de nègre fut compatible à la maladie, il l’a attrapé et l’a transporté en Amérique.

    Dr Pépin, avez vous des documents sur l’identité de cet Haïtien-vecteur-du-mal? Parce que pour être autant applaudi par ton peuple et ta race vous avez dû faire un travail de titan. Il n’y a donc pas de doute qu’après tant d’années de travail vous avez les moindres preuves passées à votre peigne fin de chercheur. Comment expliquez-vous que vos parents européens et américains fussent immunisés, eux qui vandalisaient nos filles, eux qui nous enseignaient la débauche et l’homosexualité. Comme Achilles, ont-ils été plongés dans les eaux du Styx pour sortir sain et sauf de l’Afrique?

    Dans les années 70, Haïti était l’une des destinations touristiques les plus prisées des Caraïbes, ses restaurants et plages ont été fréquentés par des français, des américains, des canadiens. Nous avons été le refuge de beaucoup de juifs (errants), le sanctuaire de commerçants arabes et syriens. Quelle exactitude vous faites preuve en précisant que c’est un touriste américain qui fut le premier contaminés par les prostituées haïtiennes ?

    Ma race, mon peuple et moi, nous aurons la patience et l’humilité de faire face à vos arguments si la neutralité scientifique et l’impartialité sont au rendez vous. Autrement, votre livre sera l’un des reliques sordidement racistes qui gisent dans les rayons des bibliothèques occidentales. Depuis les années 80, des scientifiques chevronnés, des apprentis sorciers ainsi qu’une certaine presse propagandiste ont toujours essayé sciemment d’associer sida, singe, africain et Haïtien au point qu’en Amérique l’on désignait le sida sous le vocable de 4H. Vous vous souvenez ? Homosexuels, hémophiles, héroïnomanes et haïtiens. L’Occident chrétien a été tellement saint et propre qu’une américaine avait même déclaré lors d’une interview : Cette maladie affecte des hommes homosexuels, des drogués, des Haïtiens et des hémophiles ; grâce à Dieu, elle ne s’est pas encore propagée parmi les êtres humains.

    S’il s’avère que nous avons commis des homicides involontaires dans le cas de la propagation du SIDA, nous présentons à l’humanité, dans la plus grande humilité les sincères excuses qui lui sont dues. Toutefois cette responsabilité présumée est loin d’être une culpabilité. D’ailleurs, les aiguilles qui ont propagé le mal par mégarde ou sciemment ne venaient pas de l’Afrique, ni les mains qui les ont manipulées. Nonobstant notre responsabilité malgré nous, l’humanité saura nous absoudre, car nous n’avons jamais été responsables d’aucun des fléaux qui l’ont ravagée et qui continue de la défigurer.

    Cette race qui est la mienne n’a jamais piétiné les droits des peuples dans l’esclavage, la déportation, l’invasion, la colonisation. Nous n’avons été à la base, ni du nazisme, ni du capitalisme, ni d’aucun des conflits mondiaux. Nous n’avons fait ni Hiroshima ni Nagasaki, nous n’étions parti d’aucun plan de terreur. Nous n’avons dressé aucun mur de honte et ironie du sort nous ne fabriquons pas d’armes. Cependant une bataille sans merci nous est livrée sur tous les fronts simplement parce que nous avons la couleur de la terre, parce que nous avons levé la tête pour poser unanimement à l’Occident très chrétien la question qui éclate ses tympans : Ne suis-je pas un homme et un frère ?

    Point n’est besoin de s’étonner si la rhétorique du début des années 80 refait surface. Nous sommes la race de tous les combats, depuis 1503, nous supportons les assauts de l’occident et le courroux de la nature, occupations, colonisation, esclavage, discrimination… n’ont pas pu nous anéantir. Ils ont passé et nous sommes encore là. Votre livre passera et nous serons encore là bien vivants.

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