Lundi le 19 mars dernier, Apple annonçait sa décision de verser 45 milliards$ à ses actionnaires sous forme de dividendes et de rachat d’actions. Environ la moitié de toute la fortune accumulée par Steve Jobs depuis 1995 sera ainsi dilapidée au cours des trois prochaines années : c’est le premier dividende versé aux actionnaires depuis seize ans.
Pour n’importe quelle compagnie, il y a quatre moyens d’obtenir de l’argent. Elle peut emprunter auprès d’une banque. Elle peut émettre des actions. Elle peut obtenir des subventions gouvernementales ou des dons publics (dans le cas d’entreprises sans but lucratif). Ou elle peut réaliser des profits en vendant des biens ou des services.
Il est évident qu’Apple n’existerait pas si des financiers n’avaient pas investi à l’origine pour permettre à cette compagnie de démarrer ou investi à d’autres époques pour lui permettre de traverser des périodes difficiles. Mais voilà belle lurette qu’Apple n’a pas procédé à une nouvelle émission d’actions afin d’éviter de s’endetter. Depuis très longtemps, Apple se finance exclusivement à partir de ses profits mirobolants.
On doit savoir qu’une fois qu’une compagnie a émis des actions, toute augmentation ultérieure de la valeur de ces actions ne rapporte pas un sou de plus à la compagnie. Cette appréciation boursière, souvent spéculative, représente la rémunération des actionnaires pour avoir misé sur cette compagnie.
Or aujourd’hui, Apple est la compagnie qui jouit de la plus forte capitalisation boursière au monde. En effet, la valeur totale des actions en circulation représente une somme supérieure à celle de n’importe quelle autre compagnie.
Il y a un an, plus précisément le 25 mars 2011, l’action d’Apple valait 335.99$ à la bourse NASDAQ : au moment où ces lignes sont écrites, elle vaut 602.50$ soit une augmentation de 79% en douze mois.
D’où la question suivante : Pourquoi les actionnaires d’Apple doivent-ils recevoir des milliards$ en dividendes en plus de cela? Qu’ont-ils fait de si méritoire? Réponse : rien. Si Apple est prospère, ce n’est pas du tout à cause d’eux.
Si la trésorerie d’Apple est si riche, c’est grâce en premier lieu à tous ces gens comme vous et moi qui achetons ses produits. C’est surtout grâce à ses créateurs qui ont su matérialiser leurs idées originales tout en nous simplifiant la vie et qui sont su créer des objets tellement séduisants qu’on aimerait les acheter même lorsqu’on n’en a pas absolument besoin.
Apple doit aussi sa prospérité à ses travailleurs chinois qui produisent ses appareils en contrepartie de salaires dérisoires et sans jouir d’aucune protection sociale. Ceux-ci travaillent en moyenne 60 heures par semaine (la limite légale en Chine est de 49) pour un salaire hebdomadaire variant de 90$ à 114$.
Alors qu’Henry Ford augmenta unilatéralement le salaire des employés sur les chaines de montage de ses automobiles afin de leur permettre d’avoir les moyens de s’en payer une, aucun dirigeant de compagnie n’est passé à l’histoire pour avoir versé des dividendes à ses actionnaires. Verser des dizaines de milliards$ en dividendes, c’est le moyen le plus coûteux d’être oublié.
Apple serait mieux avisé de baisser les prix de ses produits afin de les rendre plus accessibles aux milliards de personnes qui n’en possèdent pas ou de récompenser ses employés méritoires, plutôt que de gratifier ses actionnaires, ces millions de petits menés suiveux qui ont acheté des actions d’Apple parce tout le monde le fait et qui les vendront le jour où tout le monde sera en train de faire pareil.
Références :
Apple récompense ses actionnaires
Apple verse son premier dividende depuis 1995
L’action d’Apple atteint 600$ US pour la première fois
Report Alleges Labor Violations at Apple Supplier in China
Valeur actuelle de l’action d’Apple