La controverse des appels frauduleux survenus au cours de la dernière campagne électorale ne remet pas en question les résultats du scrutin; le gouvernement conservateur est majoritaire et il le demeurera peu importe l’issue de cette controverse.
Ce qui est en cause, c’est la Démocratie.
Tenter de décourager des électeurs d’aller voter en rendant cette tâche plus compliquée, c’est torpiller la Démocratie. Harceler des électeurs en leur faisant croire qu’un autre parti politique est responsable de cet harcèlement, c’est tenter de fausser leur choix.
La Démocratie est le pouvoir du peuple de choisir ses dirigeants. Idéalement, les gens devraient choisir leurs dirigeants d’après ce que les candidats se proposent de faire s’ils sont élus (ou réélus) et d’après leur compétence à gouverner. Dans l’exercice de ce choix, l’électeur doit tenir compte des antécédents des candidats, c’est-à-dire ce qu’ils ont accompli jusqu’ici.
Déjà, les stratèges politiques tentent d’orienter le vote d’après la personnalité des candidats, d’après l’image rassurante qu’ils projettent, d’après des slogans accrocheurs et d’après des campagnes de dénigrement ou des demi-vérités. Tout cela est regrettable, mais c’est parfaitement légal.
La ligne à ne pas dépasser est la légalité. Or cette ligne a été franchie.
Appeler, en se faisant passer pour Élections Canada, afin d’aviser des centaines électeurs qu’en raison d’un engorgement, ils devaient plutôt voter à un bureau de vote éloigné (et où ils n’étaient pas inscrits), c’est de la fausse représentation : or, qu’elle soit verbale ou écrite, la fausse représentation est illégale.
À l’heure actuelle, tous les indices portent à croire que certains stratèges du Parti conservateur ont été trop loin. Mais il n’est pas impossible que des zélés d’autres partis soient aussi fautifs. Aussi condamnables que soient leurs initiatives, on peut se rassurer à l’idée que nous vivons dans une société de droit et que les coupables devraient être démasqués et punis.
Par contre, ce qui est très inquiétant, c’est la stratégie utilisée jusqu’ici par le Premier ministre canadien pour se défendre. Ce que nous voyons, c’est son aveuglement politique et une agressivité — habituelle chez beaucoup de politiciens — qui consiste à accuser les autres des torts qu’on lui reproche.
Aujourd’hui, Radio-Canada nous apprend que le Premier ministre accuse l’opposition d’avoir aussi utilisé du télémarketing au cours de la campagne électorale. Ceci est une tactique de diversion : ce dont il est question, ce n’est pas le télémarketing politique — qui est légal et qui se fait depuis que le téléphone existe — mais d’un acte criminel, soit la fausse représentation.
Alors qu’il est trop tôt pour connaître l’ampleur de ce scandale, cette mauvaise foi évidente augure mal. En raison de la gravité des faits, on est en droit d’exiger du chef du gouvernement canadien qu’il se comporte en chef d’État et non en politicailleur.
De la même manière qu’on suspend un policier soupçonné d’agissements illégaux jusqu’à ce qu’il soit innocenté, M. Harper doit suspendre immédiatement les liens commerciaux qui unissent son parti à toute entreprise de télémarketing dont des employés ont déclaré avoir procédé à des appels illégaux.
De plus, au lieu de chercher des puces à ses adversaires, M. Harper doit se montrer intraitable dans sa détermination à restaurer la confiance de la population dans le processus électoral. En particulier, en défenseur auto-proclamé de la loi et de l’ordre, il a une occasion unique d’être cohérent et de faire adopter par le Parlement une loi prévoyant des peines minimales très sévères pour toute personne qui entreprendrait de nous priver du droit de choisir nos dirigeants.
Référence :
Appels frauduleux : Harper accuse les libéraux, l’opposition contre-attaque
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