Consacrer le poids politique du Québec au Fédéral

Publié le 1 juin 2011 | Temps de lecture : 4 minutes

Selon le quotidien torontois Globe and Mail, le gouvernement fédéral s’apprêterait ce mois-ci à présenter au parlement canadien sa réforme du Sénat.

Fort de sa nouvelle majorité parlementaire, le parti Conservateur désire aller de l’avant avec sa promesse électorale de faire en sorte que les sénateurs soient dorénavant élus par la population et non nommés par le Parti au pouvoir.

Si cette réforme devait se concrétiser d’ici peu, il serait paradoxal de voir des ex députés du Bloc se recycler au Sénat, eux si hostiles jusqu’ici à cette réforme. Mais un tel changement ne se concrétisera pas de sitôt puisqu’il exige des changements constitutionnels.

Or le parlement québécois, unanimement, demande que soit préservée la proportion de députés et de sénateurs québécois au Parlement fédéral.

À mon avis, on mêle deux choses différentes.

Il est vrai que transformation du Sénat en chambre parlementaire élue ne peut se faire sans changements constitutionnels. Par opposition, le poids politique d’une province — au Sénat ou à la Chambre des communes — peut être modifié par simple loi fédérale.

C’est ainsi que depuis 1867, la proportion des sièges représentant le Québec à la Chambre des communes est passée de 36 % à 24 %, reflétant le déclin du poids démographique du Québec dans l’ensemble canadien.

Dans un premier temps, le gouvernement Harper peut modifier la répartition des sièges et, une fois cette mesure adoptée, présenter un projet de loi controversé imposant le scrutin sénatorial. Cet « étapisme » est celui qui est le plus susceptible de porter fruit.

Je ne serais pas surpris que ce soit la voie choisie par le gouvernement Harper.

Quant à la protection souhaitée par tous les partis politiques du Québec — soit de geler le poids politique du Québec au fédéral — cela est, à mon avis, rétrograde. Dans un pays démocratique comme le Canada, il serait inacceptable qu’un vote au Québec ait plus de poids qu’un votre ailleurs au pays.

À titre d’exemple, la constitution libanaise est basée sur le confessionnalisme : celui-ci garantit une représentation des Chrétiens libanais aux affaires politiques de ce pays. Toutefois, après des décennies de déclin démographique, ces garanties constitutionnelles accordées à la minorité chrétienne sont apparues injustes aux yeux de la majorité musulmane. Cette injustice fut une des causes de l’éclatement de la guerre civile dans ce pays.

À part neuf des dix dernières années du gouvernement péquiste de Lucien Bouchard et de Bernard Landry, la croissance économique du Québec a toujours été sous la moyenne canadienne. Cela signifie qu’il se crée moins d’emplois ici.

Conséquemment, l’immigration y est moins importante que dans les provinces les plus prospères du pays et un certain nombre de talents québécois choisissent d’aller travailler ailleurs, faute de débouchés.

Voilà pourquoi la population québécoise, pourtant en croissance, est proportionnellement en déclin depuis plus d’un siècle. Les institutions canadiennes se doivent de refléter cette réalité.

Si au cours de ce lent processus de minorisation, le Canada anglais adopte des mesures qui mettent en péril la survie des Francophones au Québec — l’adoption de la Constitution canadienne sur le dos du Québec en 1982 en est un exemple — les Québécois seront toujours libres de décider de former un nouveau pays si cela leur paraît préférable.

Mais dé-démocratiser le Canada n’est pas une option.

Références :
Le gouvernement Harper veut réformer le Sénat, mais trouvera Québec sur son chemin
Québec demande à Ottawa de maintenir son poids politique

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Écrit par Jean-Pierre Martel