Le Parti libéral
Le Parti libéral du Canada a subi hier une des plus importantes défaites de son histoire. Il a récolté ce qu’il a semé. Pendant des années, ce parti a formé une coalition implicite avec le Parti conservateur, réclamant du bout des lèvres des amendements aux projets de loi conservateurs pour finalement voter en leur faveur même lorsque leur texte final contenait toujours les dispositions qu’il jugeait inacceptables la veille.
En raison de sa caisse électorale beaucoup moins garnie que celle du Parti conservateur, le Parti libéral a craint le déclenchement des élections pendant des années. Parce que pour les Libéraux, l’argent est le nerf de la guerre. Conséquemment, il a été le parti de la compromission et de la lâcheté.
Il a paniqué à la perspective de renverser le gouvernement et de former un gouvernement de coalition avec le NPD. Et parce qu’il n’a pas su canaliser les frustrations des Canadiens lésés par les politiques conservatrices, ceux-ci se sont tournés vers d’autres porte-parole.
Le Parti conservateur
La campagne conservatrice a été dominée par le charme : ceux qui, comme moi, ignorions que monsieur Harper pouvait sourire, l’ont vu charmant durant toute la durée de la campagne électorale, se démarquant de l’air naturellement taciturne de son rival M. Ignatieff.
Ce parti a beaucoup appris au cours de ses années au pouvoir. Il s’est assagi partiellement. Il a su faire la différence entre une rhétorique conservatrice payante lors des levées de fonds dans l’Ouest du pays et ses actions concrètes, généralement plus pragmatiques qu’on pense.
Disposant dorénavant d’un pouvoir sans partage, il a le choix entre se radicaliser et préparer sa défaite dans quatre ans, ou gouverner prudemment et être possiblement réélu.
Jusqu’ici, le Parti conservateur a imprimé sa marque dans la ré-allocation des ressources de l’État en coupant les subventions aux uns, en augmentant les subventions aux autres. Par contre, son bilan législatif est très mince puisque de nombreux projets de loi sont morts au feuilleton. Maintenant qu’il est majoritaire, le gouvernement Harper pourra façonner à sa guise le cadre législatif du pays.
Le Nouveau parti démocratique
La surprise de cette élection fut la vague NPD qui a raflée 58 sièges au Québec. Comment cela fut-il possible ?
Ordinairement, il est très difficile pour un tiers parti de se faire entendre. Les médias se concentrent sur ce qui est important : or les décisions d’un parti au pouvoir sont les seules qui comptent pour le pays. C’est pourquoi les journalistes scrutent à la loupe les propos et les gestes des membres du Cabinet fédéral puisqu’ils sont des indices ou des révélateurs de la direction que pourrait prendre l’État.
Lorsqu’un gouvernement est minoritaire, il doit tenir compte aussi de l’opposition officielle. Les médias reflètent donc cet intérêt. Mais lorsqu’on arrive à un parti aussi secondaire que l’était le NPD avant le déclenchement des élections, celui-ci faisait figure de moustique de la politique canadienne.
En temps électoral, Radio-Canada offre des temps d’antenne égaux pour tous les partis officiels. Et puisque le peuple est appelé à procéder à un choix entre divers partis, on assiste à un intérêt pour les candidats en lice et pour leur programme électoral. Les médias reflètent cet intérêt nouveau et font plus de place aux petits partis qui ont alors une occasion unique de se faire valoir.
Le chef du NDP a admirablement saisi l’occasion qui lui était offerte et a gagné la sympathie de nombreux électeurs (dont ma mère, une partisane libérale de longue date).
Mais le NPD répétera-t-il à Ottawa le feu de paille que fut l’Action démocratique au Québec : un petit parti propulsé au statut d’opposition officielle et qui s’y est discrédité aux yeux de nombreux électeurs ? C’est le défi nouveau du NPD : il devra faire taire ses députés néophytes (enclins à gaffer) et les faire travailler dans l’intérêt du pays tout en étant soumis aux railleries et à l’acharnement partisan d’un parlement majoritairement hostile à leur égard.
Le Bloc québécois
Emporté par la vague orange, le Bloc a été décimé, ne récoltant que quatre députés.
Avant le déclenchement des élections, les députés du Bloc étaient parmi les plus compétents de la Chambre des communes. Disciplinés et besogneux, ils ont profité de la vulnérabilité du gouvernement minoritaire pour promouvoir les intérêts du Québec. Rarement notre province n’a été aussi bien représentée dans l’opposition à Ottawa.
Mais les électeurs québécois leur ont préféré les candidats du NPD. Sous un gouvernement majoritaire conservateur, le Bloc québécois aurait prêché dans le désert. L’électorat québécois a fait en sorte que ces hommes et femmes talentueux deviennent disponibles à servir le Québec autrement.
D’ici deux ans, nous aurons une élection provinciale et de nombreuses élections municipales. Les ex-députés du Bloc sont comme des joueurs de hockey au repêchage : ils sont disponibles à remplacer avantageusement les élus municipaux et provinciaux pourris qui nous gouvernent.
Les électeurs québécois — involontairement, peut-être — ont tout mis en place pour que le prochain gouvernement du Québec soit l’un des plus compétents et les plus dynamiques que le Québec puisse avoir. C’est à suivre…