L’armement populaire en Haïti

Publié le 13 décembre 2010 | Temps de lecture : 3 minutes

Avant-propos : De tous les billets que j’ai publiés jusqu’ici, le texte suivant est le mois documenté.

Samedi dernier, ma mère et moi avons pris le taxi pour aller voir l’opéra Don Carlo, retransmis à partir du Met de New York. Puisque notre chauffeur était d’origine haïtienne, j’en ai profité pour lui demander son avis sur les moyens de réduire la violence dans son pays d’origine.

C’est alors qu’il nous a révélé faire partie d’une famille intimement liée aux milices armées de ce pays. Il a d’ailleurs fui au Canada après que la presque totalité de ses cousins eurent été assassinés.

À l’époque où le président Jean-Bertrand Aristide était au pouvoir, un de ces cousins s’est rendu à Atlanta (aux États-Unis) afin d’acheter pour 6 millions$ d’armes. Celles-ci furent expédiées par bateau à Haïti où elles arrivèrent huit jours plus tard.

Ces armes étaient destinées à « armer le peuple » ou plus exactement, les milices du président Aristide : celui-ci voulait se préparer à l’éventualité où l’armée tenterait un coup d’État afin de le renverser.

En 1995, Aristide dissout l’armée et la remplace par la Police nationale. En 2003, il donne l’ordre d’assassiner certains chefs de ses milices, déclenchant la rébellion de ceux qui ont échappé au complot (dont le cousin en question).

Une partie du pays tombe aux mains des rebelles. Le 22 février 2004, ceux-ci s’emparent de Cap-Haïtien (la deuxième ville du pays). Une semaine plus tard, la capitale est prise par les rebelles.

Selon mon chauffeur de taxi, ce serait son cousin qui aurait donné 24 heures à Aristide pour quitter le pays à défaut de quoi le palais présidentiel serait pris d’assaut par ses hommes. Le 29 février 2004, le président Aristide quitte Haïti à bord d’un avion américain, accompagné par le personnel de sécurité de l’armée américaine.

Depuis ce temps, on a tenté de racheter les armes en circulation parmi la population. Ces programmes de rachat ont échoué.

Selon une rumeur persistante au sein de la diaspora haïtienne, grâce à la fortune accumulée au cours des années où il a été au pouvoir, l’ex-président Aristide (en exil en Afrique du Sud) financerait toujours les milices qui lui sont demeurées fidèles, utilisées pour favoriser l’accession au pouvoir de ses protégés.

Personnellement, je ne suis pas tout à fait convaincu par cette rumeur puisque pour tirer ainsi les ficelles, Aristide devrait suivre de très près l’actualité d’Haïti. Or il effectue en Afrique du Sud des études universitaires et des recherches linguistiques qui doivent certainement accaparer beaucoup de son temps. De plus, n’oublions pas qu’une partie de ses anciennes milices se sont retournées contre lui.

Ne serait-il pas plus plausible que des 1,5 milliards$ que la diaspora haïtienne envoie annuellement dans ce pays, une partie serve à financer des milices opposées. Cette division reflèterait le profond clivage social de ce pays dont la population est partagée entre des pauvres (chez qui Aristide est demeuré immensément populaire) et une bourgeoise (au sein de laquelle Aristide est un personnage controversé).

Référence : Coup d’État de 2004 à Haïti

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Écrit par Jean-Pierre Martel