Les gaz de schiste : nous sommes nuls

Publié le 6 décembre 2010 | Temps de lecture : 3 minutes

Invité hier soir à l’émission « Tout le monde en parle » de Radio-Canada, le Premier ministre du Québec a écarté toute idée de nationaliser l’industrie du gaz de schiste.

« Les gaz de schiste, on n’est pas des experts nous autres dans le développement et l’exploitation du gaz […] Alors ce n’est pas notre mission à nous de se transformer en compagnie gazière ou pétrolière » a déclaré monsieur Charest.

Les québécois francophones ne connaissaient pas grand-chose à l’énergie hydro-électrique avant la nationalisation de cette industrie, survenue en 1944 et en 1963.

En 1944, au moment de son étatisation, la Montreal Light, Heat and Power pratique une politique discriminatoire d’embauche qui a pour résultat que la majorité de ses employés sont anglophones, plus précisément unilingues anglais. Parmi son personnel technique, on ne compte aucun ingénieur francophone.

Mais dès décembre 1944, Hydro-Québec — c’est le nouveau nom de l’entreprise montréalaise étatisée — embauche Robert A. Boyd, âgé de 26 ans, un premier ingénieur francophone. Celui-ci deviendra président-directeur général de la société d’État en 1977. Peu à peu, de 1944 à 1960, le personnel d’Hydro-Québec devient majoritairement francophone.

Mais à l’extérieur de Montréal, les diplômés francophones en génie électrique trouvent très peu de débouchés: les compagnies privées préfèrent alors embaucher des ingénieurs anglophones. Cette situation changera radicalement avec la seconde (et principale) phase de la nationalisation de l’hydro-électricité du Québec en 1963.

Aujourd’hui, nous sommes parmi les leaders mondiaux reconnus dans le domaine de l’hydro-électricité. Toutefois, autant nous excellons dans ce domaine, autant nous sommes nuls et incapables d’être autre chose que nuls dans le domaine des gaz de schiste. C’est du moins l’opinion de monsieur Charest.

Je suis donc surpris de voir que nos impôts servent à payer le salaire de quelqu’un qui a si peu confiance en nous. Je me serais attendu que le Premier ministre du Québec soit un promoteur du talent d’ici, que ce soit quelqu’un qui ait confiance dans le peuple qu’il dirige.

Conséquemment, doit-on s’étonner que l’opinion des Québécois envers monsieur Charest soit à la hauteur de celle qu’il porte sur nous ?

Post-scriptum : Grâce à la nationalisation de l’hydro-électricité, nous recevons la totalité des profits réalisés par l’exploitation de cette ressource naturelle. Par opposition, les plus voraces parmi les compagnies impliquées dans les gaz de schiste au Québec s’attendent à payer aussi peu que 2% de redevance au Québec et exporter leurs énormes profits à des actionnaires étrangers.

Références :
Jean Charest maintient le cap
Montreal Light, Heat and Power
Nationalisation de l’électricité au Québec
Shawinigan Water and Power Company

Paru depuis :
Carte interactive des forages d’hydrocarbures en sol québécois depuis 1860 (2013-04-21)

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2 commentaires à Les gaz de schiste : nous sommes nuls

  1. therese dit :

    Parfaitement d’accord avec cette position qui favorise davantage les retombées s’il s’avère que le développement de cette ressource peut se faire en toute sécurité pour l’environnement et dans le respect des citoyens. D’ailleurs vous ne trouvez pas étrange cette position, alors que Hydro-Québec a eu une filiere dans le gaz de 2002 à 2006 et revendu ses intérets en 2008…. Ils ont sûrement développés un peu d’expertise durant cette période. Aucun avis ne leur a pourtant été demandé lors des audiences du BAPE…

    • Jean-Pierre Martel dit :

      De toute manière, lorsque des compagnies sont nationalisées, leurs employés ne font que changer de patron : la veille, ils travaillaient pour une compagnie privée et le lendemain ils sont à l’emploi d’Hydrocarbures-Québec. En d’autre mots, on acquiert l’expertise de ces gens-là. C’est ce qui est arrivé lors de la nationalisation de l’hydro-électricité au Québec et c’est ce qui arrivera si on nationalise l’industrie des gaz de schiste.

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