Introduction
À la suite des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis ont déclaré la guerre au terrorisme. Dans les faits, celle-ci vise spécifiquement le djihadisme armé financé par des pétromonarchies.
La multiplication d’actes terroristes à travers le monde et la mise en valeur de ces faits divers par nos médias ont propagé en Occident une crainte instinctive à l’égard de l’ensemble des Musulmans. En dépit du fait que ces derniers sont les principales victimes de ces attentats terroristes.
Cette crainte s’est répandue à l’égard des minorités musulmanes au sein de nos sociétés, accusées injustement d’être responsables d’actes posés par leurs coreligionnaires. Des coreligionnaires avec lesquels ils n’ont habituellement rien en commun, sauf la religion.
De plus, dans ce climat de suspicion, toute manifestation publique de la religiosité musulmane est perçue comme une provocation à l’égard du modèle de société dont le Québec tente de se doter en opposition au multiculturalisme canadien.
Lorsque ces manifestations dépassent clairement le domaine de la raisonnabilité (comme dans les exemples que nous allons voir), le législateur est sollicité afin qu’il intervienne.
Les scandales de Bedford, de Vanier et de Concordia
• À l’école Bedfort
Protégés par la cellule de leur syndicat (dont ils avaient pris le contrôle) et par la lâcheté de la directrice du Centre de services scolaires, onze professeurs ont fait la pluie et le beau temps à l’école primaire et secondaire Bedford pendant des années.
Invoquant leur autonomie professionnelle, ceux-ci ont négligé l’enseignement de matières qu’ils jugeaient contraires à leurs croyances religieuses, notamment les sciences, l’éthique et la culture religieuse, de même que l’éducation à la sexualité.
Certains professeurs se lavaient les pieds dans les éviers des toilettes de l’école pour ensuite effectuer leurs prières en classe devant leurs élèves.
• Au Collège Vanier
Le Collège Vanier a aménagé un lieu de prière pour les élèves musulmans.
Ce local possède un lavabo pour les ablutions ainsi qu’un rideau séparateur pour éviter que les femmes et les hommes prient ensemble.
• À l’université Concordia
Alors que les projecteurs étaient braqués sur le cas de l’école Bedford, voilà qu’on apprenait que depuis des décennies, deux salles de prière existent à l’université Concordia; une pour les Musulmans de sexe masculin et l’autre, plus petite, pour les Musulmanes.
Elles sont fréquentées par plus de 500 étudiants par jour.
L’idée de réserver un local universitaire à une religion en particulier est une très mauvaise idée puisque cette exclusivité mène à des conflits interconfessionnels.
Pour pallier toute plainte invoquée au motif de discrimination religieuse, on devra aménager dans nos universités des lieux de prière pour chacune des religions qui y sont pratiquées.
Une rédaction brouillonne
Ces abus ont amené le gouvernement québécois à renforcer la laïcité dans les maisons d’enseignement et les garderies en présentant le projet de loi 9.
À sa lecture, ce qui est frappant, c’est à quel point il est bavard. On y lit des paragraphes interminables comme s’ils résultaient du travail brut d’un comité.
À titre d’exemple, l’article 3 fait partie des dispositions qui manquent de concision. On y lit : « La laïcité […] exige […] que tout membre […] doive agir…». Pourquoi ‘doive’?
Il aurait été plus simple (donc plus français) de souligner l’obligation d’agir et non le simple devoir d’agir. La différence ? Dans le premier cas, le défaut d’agir est une infraction à la loi alors que dans le second cas, c’est un manquement à ses devoirs. Ce qui en fait un délit moindre.
Par-dessus tout, ce projet de loi est une collection d’amendements à d’autres lois déjà en vigueur. Conséquemment, il est particulièrement ennuyeux à lire.
Faits saillants
• Interdiction du voile intégral
Le projet de loi caquiste prescrit que toute demande ou toute prestation de service gouvernemental se fasse à visage à découvert. Une exigence que la loi étendra aux maisons d’enseignements et aux garderies.
Toutefois, la loi n’interdira pas le voile intégral sur la voie publique pour deux raisons.
Premièrement, parce que de nombreuses personnes se couvrent le visage au Québec durant la saison froide.
Deuxièmement, au cours du ‘Printemps érable’, l’utilisation d’armes à mortalité réduite par les forces policières a occasionné des commotions cérébrales, des fractures de la mâchoire, des dents brisées et dans un cas, la perte d’un œil.
Conséquemment, les tribunaux ont déjà statué que le droit à la vie et à l’intégrité physique était un droit fondamental. Conséquemment, les gens ont le droit de porter un casque protecteur et donc, de refuser de déambuler à visage découvert (comme l’exigeait un règlement municipal adopté à l’époque).
• Les prières dans l’espace public
On verrait mal les corps policiers donner une contravention à une personne qui, attablée dans un parc, fait un signe de la croix et récite à voix basse un bénédicité avant de manger un sandwich.
De toutes les activités qui peuvent être menées sur la place publique, la prière est une des plus inoffensives. Voilà pourquoi la prière individuelle n’est pas ciblée par le projet de loi 9.
Toutefois, les pratiques religieuses collectives dans l’espace public seront interdites à moins d’être autorisées par résolution d’un conseil municipal. Comme le serait une marche de protestation.
Donc, lorsqu’elle ne perturbe pas la circulation et se fait sans portevoix, la prière de rue pourra donc être permise.
• Les lieux de prière
Ce qui est nouveau, c’est également l’interdiction des lieux de prière dans les écoles ou les établissements de santé. Ils seront toutefois permis dans les résidences pour personnes âgées.
Sera donc interdite toute pratique religieuse dans ces lieux à l’exception d’une activité facultative organisée par une institution scolaire confessionnelle en dehors des heures d’enseignement.
Autant je suis hostile à l’aménagement de lieux de prière dédiée à une religion en particulier, autant je suis favorable à l’aménagement de lieux de recueillement partout où cela est possible. Même si, dans les faits, ces lieux serviront, entre autres, à prier.
Ce qui menace la loi 9, ce n’est pas la Canadian Constitution de 1982, mais le droit coutumier. La clause dérogatoire permet de se soustraire à la première, mais pas au second.
Le droit de prier seul ou en groupe est un droit universel consacré par le droit coutumier. À moins d’un amendement, il est improbable que la loi 9 sorte indemne d’une contestation juridique.
D’autre part, il est sain qu’il y ait des lieux de quiétude — à l’école où à l’hôpital — où on peut se réfugier à l’abri de la clameur du monde.
Des lieux où le silence est obligatoire, où aucun symbole religieux n’est visible, où aucun texte ni message n’est affiché, et qui ne serait pas réservé à une confession religieuse en particulier.
• Les accommodements raisonnables
Tout accommodement demandé doit respecter le droit à l’égalité entre les sexes ainsi que le droit de toute personne d’être traitée sans discrimination.
Cette égalité des sexes n’est pas synonyme de mixité sexuelle. Par exemple, on pourra réserver une piscine à l’usage exclusif des femmes au cours de certaines plages horaires si on fait de même pour les hommes.
Étrangement, si j’ai bien compris (à la page 20), un mari pourrait s’opposer à ce que sa femme soit examinée par un médecin de sexe masculin.
Favoriser le consensus
Selon un sondage effectué récemment en France, 78 % de musulmans croient qu’on peut vivre des principes de sa foi dans la société française.
Par contre, ce qui irrite la majorité des Musulmans, c’est que toute visibilité de la pratique religieuse de l’islam soit perçue comme une manifestation de l’islamisme radical, voire dans des cas extrêmes, comme une menace pour la civilisation occidentale.
Les Musulmans ne représentent que pour trois pour cent de la population québécoise. S’imaginer qu’une si petite minorité puisse ‘prendre le contrôle’ de notre société relève de la paranoïa.
En réalité, les adversaires de la laïcité québécoise ne sont pas les Musulmans d’ici mais une poignée d’imams inféodés à l’idéologie misogyne de l’Arabie saoudite.
Dans leurs prêches, ceux-ci présentent la laïcité et la démocratie comme incompatibles avec la Volonté Divine. À leurs yeux, les contraintes de la laïcité sont des mesures discriminatoires dirigées contre leurs fidèles.
Évidemment, cette rhétorique victimaire sert à les rallier autour d’eux en plus d’être une menace à la cohésion sociale.
Voilà pourquoi l’État québécois ne doit pas seulement s’attaquer aux apparences, mais travailler à ce que la laïcité soit perçue par tous comme un moyen de pratiquer sa religion ‘incognito’, sans crainte de préjudice et de stigmatisation.
Tout comme l’uniforme aplanit virtuellement les distinctions sociales et assoit la cohésion de la nation.
Références :
Des prières de rue islamistes à Montréal
École Bedford: l’histoire d’une déresponsabilisation généralisée
Interdiction des salles de prière : des étudiants dénoncent le projet du gouvernement
Laïcité: une majorité de Québécois favorables à l’interdiction des prières de rue
La laïcité dans les cégeps est loin d’être une fausse question
Loi sur le renforcement de la laïcité au Québec
Rapport au sujet de l’école Bedford
Rapport Pelchat-Rousseau sur la laïcité: la fin des signes religieux dans les CPE?
Si l’école était importante (20)
Tirs de balles de plastique : attend-on de tuer quelqu’un ?
« Toute visibilité de la pratique religieuse de l’islam est vue comme une manifestation de l’islamisme »
Écrit par Jean-Pierre Martel




















