Le laisser-faire de l’administration Plante face aux chauffards

25 juin 2023

Les excès de vitesse, en général

En ordre décroissant d’importance, les quatre causes des accidents mortels impliquant de piétons à Montréal sont :
• l’excès des voitures dans nos rues,
• les angles morts des véhicules utilitaires et des camions,
• la vitesse des voitures et,
• l’absence presque totale de répression policière.

On estime que 70 % des conducteurs dépassent la limite de vitesse dans les zones de 30 km/h, soit près des parcs et des écoles.

Là où la limite est de 40 ou 50 km/h (dans les zones résidentielles), cette limite est dépassée dans 50 % des cas. Sur les autoroutes du Québec, la proportion des conducteurs qui excèdent la limite permise grimpe à 75 %.

En 2022, les policiers de Montréal ont donné 47 770 constats d’infraction reliés à des excès de vitesse. Cela représente moins d’un dixième de un pour cent des déplacements effectués à vitesse excessive cette année-là sur l’ile de Montréal.

En somme, l’immense majorité des chauffards peuvent y rouler en toute quiétude.

Les excès de vitesse près des écoles

À Montréal, depuis des années, les demandes de citoyens pour ajouter des passages piétons supervisés par des brigadiers scolaires sont presque systématiquement refusées.

Quant aux pétitions des citoyens, la ville a adopté à leur sujet des exigences telles qu’elles rendent impossible leur recevabilité.

Mais puisque les excès de vitesse sont, de l’avis même des policiers, une cause importante de la mortalité sur nos routes, comment les forces de l’ordre protègent-elles nos enfants sur leur chemin vers l’école ?

Depuis 2019, l’administration Plante a diminué le nombre d’agents affectés au respect des règles de circulation automobile.

En 2018, les agents de circulation donnaient douze-mille contraventions pour excès de vitesse dans les zones scolaires de la métropole. L’an dernier, ils en ont émis 5 299, soit moins de la moitié.

La répression policière à ce sujet se fait surtout à l’occasion d‘opérations de surveillance. Évidemment, deux patrouilleurs peuvent spontanément partir à la course pour arrêter une voiture qui leur file sous le nez à toute vitesse. Mais l’essentiel de la répression policière se fait lors d’opérations concertées.

À titre d’exemple, au cours des douze mois qui ont précédé l’homicide de Mariia Legenkovska, seuls trois constats pour vitesse excessive ont été délivrés par la police de Montréal à l’intersection où l’écolière devait être happée mortellement.

Et ces contraventions ont toutes trois été données entre 7h55 et 8h33 le 8 septembre 2022. En d’autres mots, à part cette opération policière d’une demi-heure, l’intersection a été livrée au bon vouloir et au laisser-faire pendant plus d’un an.

Plus grave encore, des sept écoles situées sur le territoire desservi par le poste de quartier No 22, seule celle de Mariia Legenkovska a été protégée pendant 38 longues minutes en 2022; les autres écoles ont été laissées totalement à la merci des chauffards.

Références :
Fillette happée à Montréal : « Ça fait des années qu’on dit que c’est dangereux »
Les Québécois roulent beaucoup trop vite, martèlent les directeurs de police
L’intersection où est morte la petite Mariia toujours aussi dangereuse
Normes et procédure pour l’implantation de ralentisseurs
Pourquoi si peu de dos-d’âne dans les rues résidentielles de Montréal ?
Rapport 2022 du Service de police de la ville de Montréal
Sécurité des piétons : réduire la vitesse ou implanter le péage ?
Seulement trois excès de vitesse ont été punis en un an près de l’école de la petite Mariia

Paru depuis : Les gros véhicules augmentent le risque de décès (2023-09-01)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Violence policière, port du masque et démocratie

9 novembre 2017

Introduction

Plus tôt cette semaine, le Service de police de la ville de Montréal a été condamné à verser la somme de 175 000$ (plus les intérêts), pour un incident survenu lors d’une des premières manifestations du Printemps érable.

À cette occasion, une grenade assourdissante a explosé beaucoup trop bas et a causé une perte d’acuité visuelle presque totale de l’œil droit de Francis Grenier, alors âgé de 22 ans.

Dans son jugement de 86 pages, les reproches du juge Steve J. Reimnitz, adressés aux forces policières, sont les suivantes :
• le refus aveugle de tenir compte des mises en garde du fabricant au sujet de la létalité possible des grenades assourdissantes (paragraphes 405 à 428),
• la méconnaissance de leur puissance (par. 444-50),
• l’absence de mode d’emploi (par. 461-3) et conséquemment le fait que chaque policier avait sa propre méthode de les utiliser (par. 466-70),
• l’imprécision de la trajectoire suivie par ces grenades, de même que de la vitesse de leur descente sur une foule (par. 566-78, 619)
• l’utilisation superflue d’autres grenades assourdissantes après que les précédentes aient atteint leur objectif (par. 526-44).

L’interdiction du port du masque

À plusieurs reprises sur ce blogue, je me suis exprimé en faveur de l’interdiction du port du masque sur la voie publique… à moins que cela soit justifié par des raisons climatiques (le froid), médicales (des pansements chirurgicaux) ou sécuritaires (un casque de moto).

Il est rare que je change d’avis après avoir longuement réfléchi sur un sujet. C’est le cas cette fois-ci.

Au cours du Printemps érable, le gouvernement libéral de Jean Charest a autorisé les forces policières à recourir à des outils de répression d’une violence considérable.

Ces armes ont rendu borgnes Francis Grenier à Montréal et Maxence Valade à Victoriaville, en plus de fracturer la mâchoire, casser des dents et causer une commotion cérébrale chez d’autres manifestants.

Confronté au désastre de leur utilisation, le gouvernement Charest a refusé d’en interdire l’usage, se contentant de suggérer aux blessés de s’adresser aux organismes de déontologie policière.

Ce sont donc les tribunaux qui se voient aujourd’hui obligés de se dresser contre les dérives autoritaires de l’État. La cause de Francis Grenier est la première à connaitre son aboutissement. D’autres suivront.

À différence de la manifestation à Victoriaville (qui a tourné à l’émeute), celle au cours de laquelle Francis Grenier a été mutilé fut une manifestation essentiellement pacifique.

Comme le rappelle le juge Reimnitz, le droit de manifester est un droit constitutionnel. Ce n’est pas parce qu’une minorité de manifestants bloquaient illégalement l’accès d’un immeuble que les policiers étaient justifiés d’interdire l’ensemble de la protestation et surtout, de s’attaquer aux manifestants alors qu’ils étaient justement en train d’obéir à l’ordre de dispersion.

Par des agissements dignes d’un pays totalitaire, les forces répressives de l’État ont démontré qu’il est parfois indispensable de porter un casque de protection afin d’exercer un droit démocratique, soit celui de manifester.

Conséquemment, ils ont rendu impossible l’adoption d’une législation interdisant le port du masque sur la voie publique.

L’autoritarisme de l’État

La grande majorité des mutilations subies au cours du Printemps érable sont survenues au cours de la manifestation à Victoriaville. Celle-ci a tourné à l’émeute, justifiant l’usage de la force.

La question fondamentale à se poser est la suivante : dans quelle démocratie voulons-nous vivre ?

Oublions le cas particulier du Printemps érable.

Voulons-nous vivre dans un État où le gouvernement peut librement adopter des mesures très impopulaires et les imposer par la force, au prix d’une violence extrême ?

Regardons les moyens dont se dotent les municipalités américaines, qui vont jusqu’à l’achat de chars d’assaut. Cela est rendu nécessaire par la généralisation du port des armes par les citoyens, un système judiciaire dominé par des suprémacistes blancs et une société presque complètement dépourvue de justice sociale.

Après qu’il eut consenti à des réductions d’impôts ou offert des échappatoires fiscales aux gens fortunés, voulons-nous laisser l’État démanteler notre filet de protection sociale au nom de la nécessité d’équilibrer le budget tout en nous privant de tout moyen de nous y opposer ?

Ou, au contraire, voulons-nous, comme les Islandais, vivre dans un pays où la faiblesse des moyens répressifs de l’État est telle qu’elle oblige le gouvernement tenir compte de l’acceptabilité sociale de ses politiques et à servir humblement le peuple ?

Il ne s’agit pas ici de rendre l’État impotent mais de l’obliger, dans l’allocation de ses ressources, à privilégier la justice sociale et le développement économique plutôt que le respect de la loi et de l’ordre établi.

Références :
Décision du juge Steve J. Reimnitz
Manifestations étudiantes : un jeune blessé à l’œil obtient gain de cause

Paru depuis : Montréal paie 6 millions $ et s’excuse pour des arrestations de masse de manifestants (2023-02-28)

Sur le même sujet : Tirs de balles de plastique : attend-on de tuer quelqu’un ?

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