Innocuité du maïs transgénique : les doutes

21 décembre 2016


 
Introduction

En 2010, ce blogue se faisait l’écho d’une nouvelle publiée par le Shanghai Daily rapportant des cas de toxicité animale (chez le rat, le porc, le mouton et le chien) causés par un maïs transgénique développé par Pioneer Hi-Bred International Inc.

Afin d’en avoir le cœur net, j’ai écrit à Monsanto en septembre 2013 pour leur demander les hyperliens ou une copie des études de toxicité (ou d’innocuité) de leurs maïs transgéniques chez les mammifères.

La réponse du fabricant fut la suivante :

Dear Jean-Peirre,

Thank you for contacting Monsanto regarding Genetically Modified Organisms (GMO’s).

I’d like to direct you to GMOAnswers.com, an excellent, comprehensive, web resource for consumers with questions about biotechnology in agriculture.

I’ve also included a link to a question and answer about Bt proteins, which I think may be what you are asking about when you say “toxicity of GMO corn”?
Ask Us Anything About GMOs!

The following document may be helpful as well:
Mammalian Toxicity Assessment Guidance for Protein Plant-Pesticides

The Center for Environmental Risk Assessment has a GM crop database that you can query.

Regards,

Nancy MacKinnon
Marketing Services Representative

Monsanto Canada Inc.
900-ONE Research Rd.
Winnipeg   MB   R3T 6E3

Les tests d’innocuité

En Europe comme dans beaucoup d’autres pays, on estime que si un organisme génétiquement modifié (OGM) ne se distingue que par la présence d’un gène, toute évaluation de la toxicité de l’OGM doit se limiter à l’évaluation de la toxicité du gène responsable de cette différence.

Il existe deux sortes de maïs transgénique; le maïs insecticide et le maïs résistant aux herbicides.

Le maïs insecticide ne se distingue du maïs ordinaire que par l’ajout d’un gène qui fabrique une série de protéines toxiques pour les insectes. Quant au maïs résistant aux herbicides, le mécanisme de cette résistance est plus complexe comme nous verrons plus loin.

Tests du maïs insecticide

L’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) exige des fabricants qu’ils soumettent les toxines de ces OGM à des tests de digestion en éprouvette. Si ces protéines sont bien dégradées, cela est considéré comme un indice rassurant par l’EPA.

Le mécanisme d’action de la toxine est également pris en considération. Toujours en éprouvette, si elle se fixe à un enzyme ou à un récepteur extrait de l’insecte sans se fixer sur l’enzyme ou le récepteur équivalent extrait de l’humain, cela est un autre indice rassurant.

L’étude de toxicité aigüe consiste à observer les effets d’une dose unique de 2 à 5 grammes de la toxine pure administrée à des rongeurs en observation pendant les quatorze jours qui suivent.

Si des effets secondaires sont observés, les animaux atteints sont soumis à une autopsie. Pas les autres. Si tout semble normal, on considère que la toxine est inoffensive.

La toxine utilisée dans ce test n’a pas besoin d’être extraite de l’OGM. On permet l’utilisation à la place de la toxine extraite de la bactérie dont le code génétique a été transposé dans la plante ou même, dans certains cas, extraite d’une autre bactérie complètement différente dans laquelle ce même code génétique a été implanté. Le fabricant doit alors simplement prouver l’équivalence de la toxine alternative employée.

Lorsque la toxine de l’OGM a bien passé le test de toxicité aigüe, on ne la soumet pas à des tests de toxicité chronique. Dans le cas contraire — si j’ai bien compris le texte règlementaire nébuleux que j’ai du relire trois fois — elle serait soumise à un test de toxicité qualifié de ‘subchronique’ s’étendant sur 30 jours.

Tests du maïs résistant aux herbicides

Dans le cas précis du maïs NK630, l’autorisation de la commercialisation a été obtenue après la réussite d’un test d’exposition chronique limité à 90 jours chez le rat.

Aucun gouvernement au monde n’exige des tests chroniques plus longs.

Quant à l’herbicide lui-même, les tests de toxicité aigüe s’effectuent sur le principe actif (le glyphosate) et non sur la solution commerciale de Roundup™.

Le maïs insecticide

Lorsque nous mangeons du maïs insecticide, nos sucs digestifs brisent ce gène et les protéines toxiques qu’il produit en leurs constituants plus petits, inoffensifs, communs à tous nos gènes et toutes nos protéines.

Conséquemment, il est impossible que ce maïs soit toxique pour nous, contrairement aux insectes dont la digestion n’est pas aussi complète que la nôtre et qui seront donc tués en mangeant l’insecticide contenu dans cette plante.

Essentiellement, voilà ce que dit Monsanto et l’EPA.

Pourtant…

Dans les faits, certaines études (contredites par d’autres) ont démontré la présence de protéines provenant du lait de vache dans le lait de femmes qui allaitent. En d’autres mots, lorsque ces femmes boivent du lait de vache, il arrive que les protéines bovines ne soient pas digérées et qu’elles passent intactes dans leur lait.

De nombreux témoignages de nourrices allaitant des enfants allergiques au lait de vache appuient anecdotiquement la thèse soutenue par ces études.

Est-ce que la même chose pour ce qui est des protéines insecticides de Monsanto ?

Tout en reconnaissant que les venins d’araignée et de serpent, de même que la toxine du botulisme, du tétanos, et de la diphtérie sont des protéines toxiques, l’EPA les considère comme des cas exceptionnels parmi la multitude de protéines étrangères inoffensives auxquelles les humains sont exposés. Conséquemment, elle ne voit pas de raison de se méfier à priori des toxines du maïs insecticide.

Le maïs tolérant au glyphosate (Roundup™)

Contrairement aux plantes, l’Homme ne peut pas produire certains acides aminés et doit donc les trouver dans son alimentation s’il veut fabriquer des protéines.

Les plantes créent elles-mêmes tous les acides aminés dont elles ont besoin.

À cette fin, elles ont notamment un enzyme — l’énolpyruvylshikimate-5 phosphate-3 synthase — responsable de la fabrication de trois acides aminés. Cet enzyme est absent chez l’être humain.

Le glyphosate est un herbicide qui agit en bloquant cet enzyme que nous n’avons pas et qui, normalement, devrait tuer le maïs comme n’importe quelle autre plante.

Pour créer une variété de maïs résistante à cet insecticide, Monsanto lui a implanté les gènes d’une bactérie qui possède une version différente de cet enzyme, une version très peu affectée par le glyphosate.

Une étude publiée le 19 décembre 2016 dans la revue Scientific Reports suggère que les tests d’innocuité exigés par les agences règlementaires seraient insuffisants.

Dans cette étude, on a vérifié la composition chimique du maïs NK603. On y a mesuré la teneur de 840 protéines et de 314 petites molécules chez trois groupes de grains de maïs :
• des grains de maïs NK603 cultivé sans glyphosate
• ceux provenant de maïs NK603 arrosé de glyphosate et
• des grains de maïs récoltés à partir d’une variété naturelle jugée ‘équivalente’ par Monsanto lors des études d’approbation règlementaire de son maïs NK603.

Les chercheurs ont découvert qu’entre la composition chimique du maïs NK603 et de celle du maïs naturel, les différences sont beaucoup plus grandes que prévu.

Le code génétique ajouté à la plante ne fait pas que provoquer l’apparition de l’enzyme bactérien mais affecterait l’ensemble du métabolisme de la plante, dont une augmentation de 28 fois de la teneur en cadavérine.

En comparaison avec le maïs naturel, l’inhibition du cycle de Krebs manque de peu la signification statistique chez le maïs transgénique arrosé de glyphosate (p = 0.0532). Il en est de même des taux d’acides aminés à chaine ramifiée (p = 0.0536).

Entre le maïs naturel et le maïs transgénique, les différences significatives concernent :
• les taux d’amines et de polyamines (p = 0,037)
• le métabolisme de l’acide nicotinique et de la nicotinamide (p = 0,037).

Entre le maïs naturel et le maïs transgénique arrosé de glyphosate, les différences significatives sont :
• les taux d’osamines et de nucléotides (p = 0,0007)
• le métabolisme de la sérine (p = 0,0062)
• les taux de dipeptides (p = 0,0096).

Entre le maïs transgénique arrosé ou non de glyphosate :
• le métabolisme des phénylpropanoïdes (p = 0,018)
• les taux d’osamines et de nucléotides (p = 0,0271).

À l’origine, cette étude visait à trouver la cause des perturbations métaboliques observées dans une étude antérieure des mêmes auteurs.

Cette étude antérieure, publiée en 2012, a fait l’objet d’une controverse. Rétractée à la demande de ses auteurs, l’étude a été publiée de nouveau en 2014 dans une version presque identique.

Réalisée chez l’animal, l’étude controversée avait trouvé que des rats nourris pendant deux ans avec une diète contenant 11%, 22% ou 33% de maïs NK603 présentaient des modifications biochimiques (sanguines et urinaires) indiquant des dommages rénaux et hépatiques.

Plus précisément, les chercheurs ont observé de 1,3 à 2,3 fois plus de néphropathies chez le mâle. Chez les femelles, le taux de mortalité a augmenté de deux à trois fois et les tumeurs mammaires étaient plus fréquentes.

Conclusion

Le catabolisme est la partie du métabolisme responsable des réactions de dégradations moléculaires de l’organisme. Ainsi, c’est le catabolisme qui brise les déchets cellulaires et les cellules mortes en petites molécules qui pourront être éliminés par le foie, les reins ou les poumons.

Lorsqu’on bloque un enzyme ou qu’on force la fabrication d’une substance étrangère au sein d’un être vivant, cette modification biochimique se répercute dans l’ensemble du métabolisme de cet être vivant.

S’agit-il d’une répercussion anodine ou importante ? Les exigences règlementaires actuelles ne nous permettent pas de répondre à cette question.

Dans le cas des médicaments, on les soumet à des tests de toxicité chroniques chez l’animal parce qu’il est impossible de prévoir en éprouvette les perturbations et les dommages qui pourraient être causés dans l’animal entier, alors que des millions de réactions chimiques différentes se produisent chaque seconde.

Actuellement, il n’existe pas de preuve irréfutable de la toxicité des OGM; il n’y a que des indices inquiétants. Malheureusement, à l’inverse, leur innocuité ne peut pas être garantie à partir des tests extrêmement primitifs exigés par les organismes règlementaires.

Les doutes à sujet sont tels que la prudence la plus élémentaire exige que les OGM soient soumis à de véritables tests de toxicité chronique, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Cela est d’autant plus inquiétant que nos gouvernements permettent à l’industrie de cacher la présence d’OGM dans nos aliments. Si jamais il s’avère que des OGM possèdent une toxicité chronique chez l’humain, les citoyens auront été dans l’impossibilité de s’en prémunir.

D’où l’importance d’appuyer les initiatives citoyennes en vue de l’affichage obligatoire des OGM, une mesure soutenue par 78% des Canadiens.

Références :
An integrated multi-omics analysis of the NK603 Roundup-tolerant GM maize reveals metabolism disturbances caused by the transformation process
Énolpyruvylshikimate-5-phosphate-3 synthase
Le maïs transgénique est-il inoffensif ?
Les Canadiens veulent l’étiquetage des aliments OGM
L’évaluation de la toxicité des OGM remise en cause
Long-term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerantgenetically modified maize
Maïs génétiquement modifié
Mammalian Toxicity Assessment Guidance for Protein Plant-Pesticides
Review of GMO safety assessment studies: glyphosate residues in Roundup Ready crops is an ignored issue

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pour un registre des semences de maïs transgénique

20 avril 2012

Pour la première fois cet été, on consommera du maïs frais produit au Québec sans savoir qu’il s’agit ou non d’une céréale génétiquement modifiée.

Après des essais concluants réalisés l’an dernier en Montérégie, Monsanto a décidé d’offrir cette année des semences de trois variétés de maïs transgénique : Tentation2, Obsession2 et Passion2. Il est à noter que le chiffre 2 permet de distinguer ces organismes génétiquement modifiés (OGM) de leur équivalent naturel.

La majorité du maïs québécois destiné à l’alimentation animale est déjà transgénique. Toutefois, des semences de maïs transgénique destiné aux humains sont commercialisées aux États-Unis depuis quatre ou cinq ans mais n’avaient pas été offertes jusqu’ici aux producteurs canadiens.

Selon une source généralement bien informée, citée par le quotidien Le Soleil le maïs frais transgénique américain est déjà vendu au Québec hors saison, de même qu’une bonne partie des courges américaines qui se retrouvent dans nos épiceries plusieurs mois par année.

Puisque l’immense majorité des Québécois attachent la plus haute importance à savoir ce qu’ils mangent, je suggère que toute personne qui vend ou achète des semences de maïs transgénique au Québec — que ce soit un fabricant, un grossiste, un distributeur ou un cultivateur — soit tenu d’inscrire toute transaction de semence de maïs transgénique (y compris toute utilisation) dans un registre qu’il devra mettre gratuitement à la disposition d’inspecteurs gouvernementaux et, moyennement des frais raisonnables, à la disposition de toute personne qui en fera la demande.

Chaque entrée dans ce registre devra préciser les coordonnées précises du fournisseur ou du client concerné par cet achat ou cette vente.

De plus, il devrait être interdit à quiconque d’acheminer du maïs frais transgénique à un distributeur de produits alimentaires en gros ou au détail (ce qui inclus toute épicerie ou marché public) sans que ce maïs soit préalablement conditionné de manière à ce que l’emballage porte en lettres rouges la mention « Maïs transgénique », représentant au moins 20% de la surface de l’emballage.

Quant au maïs frais et tous les aliments contenant de la farine de maïs importés de pays où du maïs transgénique est commercialisé sans déclaration obligatoire — par exemple, des croustilles américaines — ces aliments devront porter la mention « Peut contenir des OGM », en lettres rouges, représentant au moins 20% de la surface de l’emballage.

Toute tentative d’enlever cette mention, à quelque niveau que ce soit dans la chaine de distribution, devrait être passible de peines dissuasives.

Pour terminer, la vente en vrac (c’est-à-dire non emballé) de maïs frais transgénique devrait être interdite.

Ces mesures peuvent être implantée rapidement, sont peu coûteuses, et éviteraient aux consommateurs d’être incités à s’abstenir de consommer tout maïs frais en raison de l’impossibilité actuelle de distinguer le maïs naturel de celui qui ne l’est pas.

On doit avoir à l’esprit que toutes les études qui prouvent l’innocuité du maïs transgénique ont été effectuées par Monsanto et que cette compagnie n’a cessé de menacer de poursuite pour diffamation tous les chercheurs qui ont mis en doute la véracité de ces études.

Le 16 février 2012, on a déposé à l’Assemblée nationale une pétition ayant recueilli 14 454 signatures de citoyens préoccupés par la présence d’OGM dans les aliments. Les signataires ont essuyé une fin de non-recevoir de la part du ministre libéral de l’agriculture du Québec; ce dernier estime que l’étiquetage des OGM serait trop compliqué à instaurer. Signalons que cela est déjà obligatoire dans quarante pays.

Références :
Appel aux producteurs de maïs sucré «non OGM»
Du maïs sucré génétiquement modifié dans nos champs
On a le droit de savoir ce que l’on mange

Sur le même sujet :
La culture des OGM en Europe
Le maïs transgénique est-il inoffensif ?
Les OGM en Europe : ajustements législatifs
L’étiquetage obligatoire des OGM ou la quadrature du cercle
Un combat d’arrière-garde du gouvernement libéral

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La culture des OGM en Europe

23 février 2011

Seulement deux organismes génétiquement modifiés (OGM) sont cultivés en Europe : le maïs MON810 (de Monsanto) et la patate Amflora (de BASF).

Huit pays de l’Union européenne autorisent ces plantations : l’Allemagne, l’Espagne (80% de la culture d’OGM), la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, et la Suède. Dans le cas de l’Allemagne, elle n’autorise que l’Amflora (développé par BASF, une compagnie allemande).

Dans le cas du maïs, il est interdit dans sept pays : l’Allemagne, l’Autriche, Bulgarie, la France, la Grèce, la Hongrie et le Luxembourg.

Ces deux types de culture couvraient 106 739 hectares en 2008 mais seulement 82 254 hectares en 2010, une diminution de 23% en deux ans.

Selon Inf’OGM, une partie de l’abandon de la culture du maïs transgénique s’explique par le refus des Européens d’en consommer. De plus, plusieurs agriculteurs ont réalisé que les promesses de Monsanto de rendements accrus ne s’étaient pas réalisées dans leur cas.

Les consommateurs québécois réticents à consommer ces produits ne peuvent exercer de discernement puisqu’au Canada, rien n’oblige l’étiquetage des produits alimentaires contenant des OGM. Pourtant, 83 % des Québécois estiment que la présence d’OGM dans les aliments devrait être obligatoirement indiquée sur l’emballage.

Les cinq principaux pays producteurs d’OGM sont les suivants :
   • les États-Unis (66,8 millions d’hectares)
   • le Brésil (25,4 millions d’hectares)
   • l’Argentine (22,9 millions d’hectares)
   • l’Inde (9,4 millions d’hectares) et
   • le Canada (8,8 millions d’hectares)

Environ 90% du soya cultivé en Amérique du Nord est transgénique.

Quant au canola transgénique, il en existe quatorze variétés sur le marché canadien : elles représentent environ 80% du canola cultivé au pays.

Au Québec, des variétés de maïs génétiquement modifiées poussent dans la moitié des champs de maïs. Selon Statistique Canada, il s’agit d’un bond de 6% pour 2006 et de 24% depuis 3 ans.

Le maïs transgénique n’est pas destiné à la consommation humaine, mais plutôt à l’alimentation du bétail et à la fabrication de carburant. Toutefois, il serait réduit en poudre et utilisé dans l’alimentation humaine que personne ne le saurait.

Références :
Les OGM reculent-ils vraiment en Europe ?
Étude – Les OGM sont encore plus nombreux et variés en 2010
Who benefits from GM crops? An industry built on myths

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Écrit par Jean-Pierre Martel