L’amateurisme de la décapitation en Arabie saoudite

4 février 2015

Avertissement : le texte suivant s’adresse exclusivement aux adultes

En Arabie saoudite, la décapitation par sabre constitue le mode d’exécution de la peine capitale. En 2013, 78 personnes l’ont subie. En 2014, ce nombre a grimpé à 87. Pour le seul mois de janvier 2015, onze personnes y ont perdu la vie de cette manière.

Dans les pays où les tribunaux condamnent à la peine de mort, les reproches adressés aux autorités ont incité celles-ci à l’appliquer le plus humainement possible. Puisqu’il s’agit souvent d’événements publics, les exécutions disgracieuses placent l’assistance dans l’inconfort et suscitent la critique.

C’est ainsi qu’au XIXe siècle, dans l’Empire britannique, les fiascos de certaines pendaisons ont amené la mise au point de la pendaison dite « par longue chute » dont l’efficacité est identique à celle de la guillotine. Toutefois, ce mode d’exécution, même amélioré, a été abandonné au XXe siècle dans de nombreux pays dont le Canada.

Ce souci d’appliquer une mort instantanée ne s’est développé que dans les pays où règne la liberté d’expression. Là où ce n’est pas le cas — en Arabie saoudite, notamment — une telle préoccupation est inexistante. De plus, en raison de la fréquence de cette tâche, celle-ci devient rapidement une routine dont les bourreaux s’acquittent négligemment.

Cette situation est illustrée par un cas récent.

Il s’agit de Laila Bint Abdul Muttalib Basim. Celle-ci est une étrangère accusée d’avoir violé (à l’aide d’un manche à balai) et d’avoir tué une fillette de six ans que son mari a eue d’un autre mariage. La condamnée n’a cessé de clamer son innocence.

Une rumeur veut que les abus sexuels dont a été victime la fillette aient été plutôt l’oeuvre de son père qui aurait rejeté le blâme sur une de ses épouses afin de s’en débarrasser.

En Arabie saoudite, comme dans tous les pays où la Charia a force de loi, le témoignage d’une femme vaut la moitié de celui d’un homme.

Réalisée à l’aide d’un téléphone multifonctionnel, la vidéo de son exécution, bannie de YouTube, est encore disponible ailleurs. On y voit ce qui suit.

Nous sommes dans un espace ouvert, totalement minéral, où se trouve déjà la condamnée. Celle-ci est agenouillée, menottée, et vêtue de noir. Près d’elle, un bourreau et son assistant sont habillés de blanc. Une trentaine de militaires vont et viennent nonchalamment.

Le sol est peint de bandes blanches parallèles comme celles qui marquent les intersections de la voie publique.

La condamnée crie à répétition son innocence. On lui découvre la tête. Un militaire dégage et tire ce qui semble être une longue queue de cheveux noirs. Tout en continuant de crier, celle-ci s’incline de côté. Le militaire tente de l’en empêcher en lui tirant les cheveux. Le bourreau lui indique de laisser faire et choisit de la laisser s’étendre au sol sur le côté.

Lorsqu’une personne est agenouillée, il est possible de la décapiter instantanément d’un violent coup de sabre. Cela ne fonctionne pas toujours, mais c’est souvent le cas. Par opposition, lorsque la personne est couchée, le bourreau risque d’abimer son sabre en raison de la proximité du sol. Voilà pourquoi l’exécution de cette femme fut une boucherie.

En s’inclinant vers elle, le bourreau lui administre deux coups successifs. L’amplitude du geste est celle du boucher qui débite la carcasse d’une volaille. À cause de cela, ces deux coups ne suffisent pas à la décapiter.

Au premier de ces deux coups de sabre, surprise par l’intensité de la douleur, la condamnée prend une profonde inspiration, aussi soudaine que sonore.

Pendant que la femme est probablement évanouie, le bourreau se déplace lentement dans la direction opposée et lui administre — douze secondes après le premier coup — un troisième coup qui finalement la décapite.

Des ambulanciers approchent une civière et amènent le corps pendant que le bourreau essuie son sabre ensanglanté sur son uniforme jusque là immaculé.

En Arabie saoudite, la publication de cette vidéo a suscité de nombreux reproches à son auteur. C’est ainsi que la Société nationale pour les droits de l’Homme de ce pays — une société financée par la famille royale et qui lui sert d’alibi — a réclamé la punition de l’auteur de ce document en raison, dit-elle, du choc émotif que son visionnement pouvait causer aux parents et amis de la condamnée. Mais cet organisme s’est bien gardé de critiquer la manière avec laquelle cette mise à mort fut exécutée.

Conclusion

Le cas du blogueur Raïf Badawi illustre comment l’Arabie saoudite est un pays totalement hostile à la remise en question de la mentalité arriérée qui y prévaut.

À l’abri de la moindre remise en question, les officiers de cette dictature obscurantiste appliquent la peine capitale d’une manière qui vaudrait à n’importe quel vétérinaire québécois d’être cité à comparaitre devant le Comité de discipline de sa corporation professionnelle.

Il y a deux ans, la justice saoudienne a eu à traiter d’un autre cas d’infanticide, cette fois commis par un homme. En raison de son divorce, le père n’a pu rejeter le blâme sur son épouse puisqu’il vivait séparé d’elle. C’est donc lui qui fut accusé. On accèdera à la description de cette affaire en cliquant sur ceci.

La différence de traitement illustre la discrimination dont sont victimes les femmes en Arabie saoudite.

Références :
Man who filmed woman being publicly beheaded in Mecca reportedly arrested in Saudi Arabia
Pendaison de cinq Patriotes [Montréal, 15 février 1839]

Paru depuis : L’Arabie saoudite recrute huit bourreaux sur Internet (2015-05-19)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Décapitation et fouets en Arabie saoudite

20 janvier 2015

La décapitation de Laila Bint Abdul Muttalib Basim

Depuis le début de cette année, dix personnes ont été punies de la peine de mort en Arabie Saoudite. Le mode d’exécution dans ce pays est la décapitation par sabre.

Le 12 janvier dernier, le bourreau a dû s’y reprendre à trois fois avant de finalement réussir à décapiter Laila Bint Abdul Muttalib Basim. Celle-ci est une étrangère accusée d’avoir violé (à l’aide d’un manche à balai) et d’avoir tué une fillette de six ans que son mari a eue d’un autre mariage. La condamnée n’a cessé de crier son innocence.

Mais une rumeur veut que les abus sexuels dont a été victime la fillette aient été plutôt l’oeuvre de son père qui aurait rejeté le blâme sur une de ses épouses afin de s’en débarrasser.

En Arabie saoudite, comme dans tous les pays où la Charia a force de loi, le témoignage d’une femme vaut la moitié de celui d’un homme.

La flagellation de Raïf Badawi

Né en 1984, Raïf Badawi est un écrivain libéral d’Arabie saoudite.

En 2008, il crée un blogue voué à la promotion de la liberté d’expression et de la laïcité dans son pays.

Mais l’Arabie saoudite est une monarchie obscurantiste dans laquelle il est interdit de construire des églises d’autres confessions et où prôner l’égalité entre les croyances équivaut à une hérésie.

Accusé d’avoir créé un site Web qui insulte l’Islam, il fuit son pays, puis y revient alors qu’il croit la plainte abandonnée. En 2009, il se voit interdire de quitter le pays. Son compte de banque est bloqué. Il est pris au piège.

En 2012, un premier tribunal le condamne à la peine de mort s’il ne se repentait pas devant Dieu et ne renonçait pas à ses convictions libérales.

Ayant refusé de se soumettre, son cas est transféré à une autre cour.

En janvier 2013, ce second juge rejette l’accusation d’apostasie après avoir convaincu M. Badawi de réciter devant lui une profession de foi musulmane. Mais ce magistrat se déclare incompétent à juger les autres chefs d’accusation. Le tout est transféré à un troisième tribunal.

Deux mois plus tard, un ecclésiastique près de la famille royale saoudienne lance fatwa contre lui, le considérant comme un apostat qu’il invite les Musulmans à assassiner s’il ne se repentait pas.

On trouvera à cette page Web, un résumé en anglais des écrits de Raïf Badawi.

Le troisième juge le condamne en mai 2014 à dix ans de prison, 1 000 coups de fouet, une amende de 266 000 dollars, et une interdiction de voyage de dix ans à l’expiration de sa peine de prison.

Son avocat a été condamné à quinze ans de prison pour avoir sapé le régime et ses officiels, et pour avoir insulté l’appareil judiciaire en le ridiculisant.

Raïf Badawi est lauréat en 2014 du prix Netizen décerné par Reporters sans frontières. Son épouse et leurs trois filles ont trouvé refuge au Québec, à Sherbrooke.

La réaction officielle du Canada

En février 2013, le gouvernement Harper mettait sur pied le Bureau de la liberté religieuse, rattaché au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et dirigé par un officier qui a titre d’ambassadeur.

Son mandat est triple :
• protéger les minorités religieuses menacées et défendre leurs droits;
• lutter contre la diffusion de la haine et de l’intolérance fondées sur la religion;
• faire la promotion des valeurs canadiennes que sont le pluralisme et la tolérance.

Le 8 janvier dernier, l’ambassadeur canadien pour la liberté de religion a condamné la première séance de flagellation a laquelle a été soumis M. Badawi.

Le 14 janvier dernier, par voie de communiqué, le ministre des Affaires étrangères du Canada s’est mollement inquiété de la sévérité de la peine infligée au blogueur mais n’a pas remis en cause l’à-propos de sa condamnation pour délit d’opinion.

Ce sont les seules réactions officielles du gouvernement canadien jusqu’ici. Il semble que M. Harper hésite à se porter à la défense de M. Badawi parce que ce dernier n’est pas citoyen canadien.

Le premier ministre n’a pas ces scrupules lorsqu’il reproche à la Chine, à la Russie, et à Cuba, leurs violations des droits de l’Homme.

Pourquoi hésite-t-il aujourd’hui ? Tous deux producteurs de pétrole, le Canada et l’Arabie ne sont-ils pas des concurrents commerciaux ?

Le problème est que l’Arabie saoudite, assise sur une immense rente pétrolière, est immensément riche et se fout éperdument du Canada. Or le premier ministre, soucieux de son image, n’aime pas passer pour un perdant, surtout à un an des élections.

Il aimerait qu’il lui suffise de bomber le torse pour faire peur à l’Arabie. Puisqu’il semble manquer de moyens, donnons-lui une idée à laquelle il n’a peut-être pas pensé.

Si le Canada menaçait d’interdire la double citoyenneté saoudienne-canadienne au motif d’incompatibilité des valeurs démocratiques, cela forcerait les Saoudiens installés au pays à renoncer à leur citoyenneté saoudienne, ce que l’Arabie n’apprécierait probablement pas.

De plus, cela protègerait mieux toutes ces Canadiennes, tombées amoureuses de Saoudiens, et dont les enfants sont kidnappés par leur père dès que celui-ci réussit à les amener en Arabie, officiellement pour faire connaissance avec leurs grands-parents.

Références :
Abdul-Rahman al-Barrak
A look at the writings of Saudi blogger Raif Badawi – sentenced to 1,000 lashes
Arabie Saoudite : L’ONU pour la suspension de la flagellation de Raïf Badawi
Bureau de la liberté religieuse – Retour en arrière
L’Arabie saoudite et le financement d’Al-Qaida
Le blogueur saoudien Raif Badawi passible de la peine de mort
Le prédicateur assassin
Myanmar woman screams innocence before Saudi beheading: video
Quatre questions sur Raif Badawi, le blogueur condamné à 1 000 coups de fouet en Arabie saoudite
Torturers, oppressors and executioners: remember to buy British
Raif Badawi

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