Génocide autochtone et indépendantisme québécois

10 juin 2019
Monument à sir John-A. Macdonald

Introduction

La commission canadienne créée pour faire enquête au sujet des femmes autochtones disparues et assassinées a remis son rapport la semaine dernière.

Ce document a fait scandale pour avoir soutenu que ces meurtres seraient la preuve d’un génocide dont le gouvernement canadien serait responsable.

Les opposants à ce rapport estiment que pour qu’on puisse parler de génocide, il faudrait que les morts aient été planifiées et orchestrées plutôt que d’être simplement une série de cas isolés.

D’autant plus que dans la majorité des cas, l’assassin est un autre autochtone (habituellement un conjoint). Ne devrait-on pas parler plutôt de violence conjugale ? Une violence conjugale qui ne serait qu’une conséquence des problèmes sociaux qui sévissent sur les réserves indiennes ?

Ces reproches sont justifiés mais ratent l’essentiel.

Un débat clos depuis 2013

Au Canada, les peuples autochtones sont régis par un apartheid juridique qui vise à leur extinction.

En 2013, le professeur James Daschuk de l’Université du Manitoba publiait la thèse universitaire intitulée ‘La destruction des Indiens des Plaines. Maladies, famines organisées, disparition du mode de vie autochtone’.

Cette publication de 366 pages est un accablant réquisitoire qui accuse John-A. Macdonald, le père de la confédération canadienne, d’avoir voulu exterminer par la famine les Amérindiens des Prairies.

Bref, il ne subsiste plus aucun doute que depuis la conquête anglaise, le Canada s’est édifié sur la dépossession territoriale violente des peuples autochtones.

C’est depuis la publication de ce livre que l’opinion publique canadienne-anglaise s’est retournée contre Macdonald et que ses statues sont vandalisées d’un bout à l’autre du pays.

Le caractère génocidaire des politiques canadiennes à l’égard des peuples autochtones étant reconnu implicitement par l’actuel premier ministre du Canada, le rapport au sujet des femmes autochtones ne fait que documenter les conséquences sociales de cette oppression.

Parmi la panoplie des moyens génocidaires longtemps utilisés, rappelons la stérilisation forcée des Amérindiennes, pratiquée couramment dans les provinces de l’Ouest jusque dans les années 1970. Par exemple, une Autochtone admise à l’hôpital pour une appendicite en sortait stérile sans savoir pourquoi.

Le colonialisme français au Canada

Ailleurs dans le monde, le colonialisme français ne se distingue pas des autres.

Mais en Nouvelle-France, ce colonialisme a adopté un ‘modèle d’affaires’ complètement différent en raison du fait que l’économie des peuples autochtones d’Amérique du Nord était essentiellement une économie de subsistance qui ne générait pas des trésors que des conquérants pouvaient piller.

Du point de vue économique, ce qui intéressait Paris, c’était essentiellement la traite des fourrures au Canada. Ce qui nécessitait des relations harmonieuses avec les peuples avec lesquels la France entretenait le commerce de la pelleterie.

Depuis les écrits de l’historien David Hackett-Fisher, on sait qu’à cela, il faut ajouter les motivations mystiques et utopistes des premiers responsables du peuplement de la colonie.

Pour ceux-ci, la richesse de la Nouvelle-France, ce n’est pas la présence de métaux précieux, mais son réservoir d’âmes à convertir. Non pas par la force, mais par un prosélytisme insistant, mais relativement bienveillant.

Il s’agit là d’une différence fondamentale entre le colonialisme français en Amérique du Nord et les colonialismes anglais, espagnol et portugais.

Doit-on défendre l’Honneur du Canada ?

Le Canada est un pays méprisable justement pour ses politiques racistes à l’égard des peuples autochtones.

Quelle aubaine pour ceux qui militent pour qu’on se libère de l’État pétrolier canadien afin de créer un pays infiniment mieux.

Les Indépendantistes ne doivent jamais rater une occasion d’être solidaires des peuples autochtones du Québec lorsque cela est justifié. Or c’est le cas ici.

Ce n’est pas parce que le rapport pointe un doigt accusateur contre les collabos québécois des politiques fédérales — corrompus par le pouvoir illimité de dépenser d’Ottawa — que nous devons nous sentir interpelés et défendre l’indéfendable.

En somme, le message que nous devons adresser aux peuples autochtones du Québec, c’est que nous sommes les descendants spirituels de Samuel de Champlain et non de John-A. Macdonald.

Dans l’esprit des Autochtones québécois comme dans le nôtre, il doit être évident que l’indépendance du Québec est autant notre libération que la leur.

À chercher des puces dans ce rapport, on sème le doute dans l’esprit de nos concitoyens autochtones suggérant qu’après l’indépendance, le gouvernement québécois ne serait qu’un nouvel Ottawa pour eux.

Conclusion

Dresser le peuple francoQuébécois contre les peuples autochtones du Québec, c’est faire le jeu des Fédéralistes.

Références :
Colonisation et esclavage en Nouvelle-France
La communauté médicale dénonce les stérilisations forcées
Le poids des mots
L’invention des races humaines
Nettoyer la statue de Macdonald, un gaspillage des fonds publics
Un lexique pour mieux comprendre le rapport de l’ENFFADA

Paru depuis :
Les Autochtones représentent 30 % des prisonniers fédéraux, un « sommet historique » (2020-01-22)

Complément de lecture :
Gabriel Sagard en Huronie

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 25mm F/1,2 — 1/400 sec. — F/1,2 — ISO 200 — 25 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’incohérence politique des Millénariaux

13 septembre 2018

Introduction

Le quotidien La Presse publie aujourd’hui les résultats d’un sondage politique effectué chez les Millénariaux, soit les jeunes de 18 à 25 ans.

Il est difficile d’interpréter ce sondage puisqu’on n’a accès ni aux questions ni aux données, mais seulement à l’interprétation des résultats qu’en font les journalistes François Cardinal et Philippe Teisceira-Lessard.

Les partis politiques sont tous pareils

Pour les trois quarts des Millénariaux, c’est l’incapacité des élus à tenir leurs promesses qui est la cause principale du manque de confiance envers les politiciens.

Si cela est vrai, de quoi parle-t-on ?

Les Millénariaux n’ont pas connu autre chose que des gouvernements du Parti libéral du Québec.

Entre les gouvernements libéraux de Jean Charest et celui de Philippe Couillard (composé en bonne partie des mêmes ministres), y a-t-il une grande différence ? La réponse est évidente.

Par contre, si on compare le Parti Québécois au Parti libéral, comment expliquer :
• l’adoption de la Loi 101,
• l’adoption de la loi au sujet du zonage agricole (visant à soustraire les meilleures terres agricoles du développement domiciliaire),
• l’adoption de la loi de protection des consommateurs,
• la mise sur pied des garderies publiques,
• l’assurance automobile,
• le rétablissement de la paix sociale sous Mme Marois.

Tout cela s’est fait en dépit de l’opposition féroce du Parti Libéral et, depuis qu’elle existe, de la CAQ.

En d’autres mots, aucune de ces mesures n’aurait vu le jour si les Québécois avaient voté libéral ou caquiste au lieu de voter pour le PQ.

Le Parti libéral a déjà été un grand parti. Mais quel est le legs de ses seize dernières années au pouvoir ? À peu près rien d’important :
• le retour à l’équilibre budgétaire qui existait avant qu’il prenne le pouvoir, et
• la construction de deux hôpitaux universitaires,
• des investissements récents dans l’électrification des transports après 40 ans d’immobilisme.

Les préoccupations environnementales

Selon le sondage de La Presse, 18% des Millénariaux sont très concernés par l’environnement. À juste titre.

Mais savent-ils que c’est le PQ qui décidé en 2012 de la fermeture de la seule centrale nucléaire en activité au Québec ?

Et savent-ils que le ‘sauvetage d’Anticosti’ par le gouvernement Couillard était un écran de fumée destiné à aider les pétrolières à se sortir du bourbier financier dans lequel elles se trouvaient ?

Bref, on ne peut pas reprocher aux Millénariaux d’effectuer des choix en fonction de ce qu’ils ignorent.

Toutefois, il est difficile de comprendre comment ils peuvent ignorer que François Legault songe à permettre de nouveau l’exploration pétrolière à Anticosti. Ou que Philippe Couillard sonde à autoriser la recherche de pétrole dans nos lacs et rivières.

Par dessus tout, ils ne réalisent pas qu’il est impossible d’être à la fois fédéraliste et écologiste. Être fédéraliste, c’est vouloir habiter un État pétrolier et assumer ce que cela implique.

L’étatisation du pipeline Trans Mountain fait de chaque citoyen canadien le co-propriétaire de ce pipeline. En d’autres mots, quand le fédéral achète les vieux pipelines de Trans Mountain au coût de 4,5 milliards$, chaque écologique est obligé d’en payer une partie en faisant son rapport d’impôts.

De plus, il paiera une partie des coûts importants de l’amélioration de ce réseau d’oléoducs traversant les Rocheuses. Qu’il le veuille ou non. C’est le prix du fédéralisme.

Peu importe leur idéologie, tous les partis politiques, une fois au pouvoir adoptent la raison d’État. Et la raison d’État, c’est d’appuyer à fond l’exploitation des troisièmes plus importantes réserves pétrolières exploitables au monde, celles qui se trouvent au Canada.

Bref, être citoyen canadien, c’est fondamentalement travailler involontairement à détruire la planète. Que ce soit par l’offre pétrolière, par les missions guerrières de l’armée canadienne, ou la vente d’armements à des dictatures moyenâgeuses.

Les partis bons pour l’économie

Les Millénariaux ignorent les bilans désastreux des gouvernements Charest et Couillard ? Très peu d’entre eux ont lu autre chose que des nouvelles qui présentent les résultats économiques du Québec au cours du dernier mois ou du dernier trimestre ?

Si les jeunes électeurs — en majorité des partisans du Parti libéral et de la CAQ — étaient cohérents, ils voteraient pour des partis politiques différents de ceux qu’ils jugent tous pareils.

En somme, si les Millénariaux essayaient autre chose, ils verraient la différence…

Références :
Anticosti : payer 200 millions$ pour une pétrolière qui vaut 16,5 millions$
Décrochage électoral des millénariaux: à qui la faute?
De la supposée dépolitisation des jeunes
Legault reste ouvert à l’exploration pétrolière sur Anticosti
Nous, les jeunes
Sauver Gentilly-2 : un combat perdu d’avance
Sondage IPSOS-La Presse: génération ni oui ni non
Sondage Ipsos-La Presse: les jeunes tournent le dos à la souveraineté

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’injustice et la peur

23 septembre 2014

Le moteur des révolutions est le sentiment d’injustice.

En Tunisie, un vendeur voit son étal de fruits confisqué arbitrairement par la police. Dans son esprit, la perte de son unique gagne-pain condamne ses enfants à mourir de faim. Il s’immole par le feu pour dénoncer cette injustice et son sacrifice déclenche le Printemps arabe.

Aux États-Unis en 1764, une taxe jugée injuste sur le thé déclenche une révolte — animée par le slogan « No taxation without representation » — qui mène à la Révolution américaine.

En 1789, la misère du peuple et le faste de la cour entrainent la France sur la voie de la Révolution française.

Après près de 1,7 million de morts au cours de la Première Guerre mondiale — causés par une aristocratie militaire incompétente — il faudra un hiver rude et des pénuries alimentaires pour déclencher des émeutes (sévèrement réprimées) menant à la Révolution russe.

Sans qu’il s’agisse d’une révolution, rappelons que l’accession au pouvoir du Parti Québécois en 1976 a été favorisée par un fait divers; la suspension, par la Canadian Air Traffic Control Association, de pilotes et contrôleurs canadiens-français pour avoir parlé entre eux en français.

À l’opposé, le meilleur moyen d’étouffer une révolte, c’est la peur. La peur de la mitraille ou la peur des conséquences d’un bouleversement politique ou économique. De manière absurde, il faut que même le pauvre se dise : « J’ai rien mais je ne veux pas tout perdre. »

Voilà pourquoi la peur a été utilisée contre les indépendantistes d’Écosse et ceux du Québec. Elle le sera contre les indépendantistes de Catalogne.

Certains s’en offusquent. Moi, je trouve cela normal. Le recours à la peur est légitime de la part de ceux qui s’opposent au changement parce qu’ultimement, c’est le seul moyen qui marche. Or, lorsqu’il s’agit de la raison d’État, la fin justifie toujours les moyens.

À méditer :
Woodstock et la liberté comme domination (2019-09-08)

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Écrit par Jean-Pierre Martel