Parenthèse canadienne : armement vs matériel militaire

12 octobre 2015

Préambule : Un des avantages de posséder son propre blogue, c’est qu’on est libre de publier ce qu’on veut.

Ce matin, j’ai pris quelques instants pour écrire un commentaire à la suite de la parution d’un article dans quotidien québécois Le Devoir (que je lis en vacances afin de demeurer informé ce ce qui se passe dans mon pays).

Cet article nous informait que le Parti libéral du Canada entend honorer le contrat de véhicules blindés qu’une compagnie canadienne fabriquera pour l’Arabie saoudite.

Selon le chef libéral, ces véhicules ne sont que des jeeps et ne constituent donc pas de l’armement.

Pour des raisons certainement très valables, mon commentaire a été refusé par Le Devoir. Le voici donc ci-dessous.


 
Que ce soit des véhicules blindés ou des hélicoptères, cela demeure du matériel militaire.

Or dans tous les pays du monde, on ne peut exporter du matériel militaire sans l’autorisation des dirigeants du pays puisque cela a une incidence directe sur la politique extérieure de ce pays.

Le contrat de la General Dynamics ne peut avoir été signé sans la permission explicite et secrète du gouvernement Harper.

En accordant cette permission, le gouvernement Harper a violé la loi canadienne. Mais une loi, ça se change. Surtout lorsqu’on est fermement décidé à militariser le pays, comme c’est le cas du gouvernement Harper.

Au-delà de son aspect moral, ce contrat est surtout un marché de dupes.

L’Arabie saoudite possède une longue tradition d’asservir à ses intérêts géostratégiques les armées des pays bénéficiaires de ses contrats lucratifs.

En d’autres mots, par ses contrats, l’Arabie saoudite transforme les soldats étrangers en mercenaires involontaires de ses intérêts.

Après avoir soutenu financièrement les milices de l’État islamique pendant des années, l’Arabie saoudite s’est retourné contre lui le jour où il s’est mis à vendre le pétrole extrait du territoire qu’il contrôle à 10$ le baril, devenant ainsi un concurrent déloyal.

La contrepartie secrète de ce contrat — qui vaut entre 760 millions et 1,5 milliard$ par année — l’Arabie saoudite exige que le Canada bombarde l’État islamique.

Donc pour un contrat au bénéfice d’une compagnie privée (dont les profits seront probablement exportés dans un paradis fiscal), les contribuables canadiens doivent financer des bombardements qui leur coutent plus de 500 millions par année.

Faites le calcul, c’est un marché de dupes.

Mais la question fondamentale est la suivante : dans quel pays voulons-nous vivre ?

Dès qu’on accepte que notre économie repose de manière importante sur la vente d’armements, nous devenons un pays dont les dirigeants ont le devoir de semer la guerre afin de soutenir notre économie.

Parus depuis :
Londres se retire d’un appel d’offres saoudien pour une question de principe (2015-09-14)
Les jeeps de Justin – Le «deal» avec Riyad fait éclater la vitrine morale d’Ottawa (2016-02-18)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’affaire Raïf Badawi : le toupet de l’Arabie saoudite

1 avril 2015
© 2010 — Google Maps

Introduction

Le 11 février 2015, l’Assemblée nationale du Québec adoptait une motion réclamant la libération du blogueur saoudien Raïf Badawi, dont l’épouse et les trois enfants sont réfugiés à Sherbrooke, au Québec.

On apprend aujourd’hui que l’ambassadeur d’Arabie saoudite a officiellement protesté, le 10 mars suivant, contre cette motion, la qualifiant d’ingérence dans les affaires intérieures de son pays.

L’ingérence mondiale de l’Arabie saoudite

L’Arabie saoudite s’est mêlée des affaires intérieures de l’Irak en commanditant la guerre qui a renversé Saddam Hussain.

En Syrie, elle finance des milices ayant pour objectif le renversement de Bachar el-Assad, président de ce pays.

Au Yémen, elle se mêle de la guerre civile qui s’y déroule en y bombardant les milices chiites.

L’Arabie saoudite se mêle de la politique énergétique de l’Iran en s’opposant vigoureusement à son programme nucléaire.

Mais il y a plus.

Selon les dépêches secrètes des ambassadeurs américains révélées par WikiLeaks, l’Arabie saoudite est la plaque tournante du financement du terrorisme international.

Financé entre autres par des princes saoudiens et leurs épouses, Al-Qaida possède des camps d’entrainement qui visent à former spécifiquement des combattants afin qu’ils commettent des actes terroristes partout à travers le monde.

Bref, l’Arabie saoudite est une menace pour tous les citoyens canadiens, où que nous soyons.

Et ce pays, qui a l’audace de semer la mort partout où il le juge approprié, qui répand sournoisement son fondamentalisme religieux arriéré par le biais d’imams voués à son idéologie rétrograde, a l’audace de nous sommer de nous mêler de nos affaires ?

La nature de la monarchie saoudienne

L’Arabie saoudite n’est pas une monarchie constitutionnelle comme l’est la Grande-Bretagne. C’est une monarchie absolue. En d’autres mots, c’est une dictature monarchique.

Ce pays n’a même pas de constitution. La Charia y fait office de code pénal.

L’ordre social qui y règne permet à des milliers de princes saoudiens de s’en mettre plein les poches. De fait, ceux-ci comptent parmi les hommes les plus riches au monde.

Dans les pays occidentaux, les juges sont nommés par le pouvoir politique selon un processus qui se veut impartial (mais qui ne l’est pas toujours, si on se rappelle des ‘Post-it Notes’ du gouvernement Charest).

L’Arabie saoudite étant une dictature, les juges sont évidemment les valets des tyrans du pays. La justice qui s’y pratique est une farce.

Dans ce pays, prêcher la laïcité et la Démocratie — comme le fait Raïf Badawi — remet en question cet ordre social profitable aux tyrans du pays. Pour ces derniers, Raïf Badawi doit se taire.

Mais pour continuer à tuer les opposants sous différents prétextes, l’Arabie saoudite a besoin de le faire à l’abri de l’attention publique. Il est donc important qu’on cesse de parler de cette affaire.

Pourquoi défendre Raïf Badawi plus qu’un autre ?

Premièrement, on possède une copie des écrits publiés sur son blogue. Elle est dans la cache des moteurs de recherche.

On sait donc que les accusations portées contre lui sont ridicules. Dans bien d’autres cas, on ne connait pas avec certitude la preuve présentée en cour : l’Arabie saoudite peut jouer sur le doute. Pas dans le cas de Badawi.

Deuxièmement, Badawi a réussi à placer sa femme et ses enfants en sécurité au Québec. Ils se sont réfugiés à Sherbrooke. Ils sont parmi nous. Ce sont des nôtres.

Troisièmement, on ne peut pas se tromper. Raïf Badawi n’est pas une boite à surprise. Ce que pense Raïf Badawi, on le sait déjà. Il a écrit. Ses idées sont progressistes et modernes. Il aurait pu y renoncer sous la torture des coups de fouet. Il a choisi de se tenir debout. Ce n’est pas seulement une victime; c’est un grand homme.

Quatrièmement, son cas est cautionné par des autorités internationales. Le parlement européen s’est prononcé pour sa libération inconditionnelle le lendemain de la motion québécoise. La Suède a mis fin à sa coopération militaire avec l’Arabie saoudite dans la foulée du cas Badawi.

Le combat en faveur de Badawi n’est rien d’autre qu’un combat contre un système juridique barbare qui est une façade à la tyrannie des dirigeants de ce pays.

Contrer l’influence obscurantiste de l’Arabie saoudite

L’Autriche a récemment adopté une loi qui interdit tout financement étranger de ses mosquées (tant pour la construction que pour leur fonctionnement).

Cela empêche l’Arabie saoudite d’y diffuser sa conception arriérée de l’Islam. C’est par le biais d’imams radicaux — qu’elle subventionne et qui lui sont fidèles — que l’Arabie saoudite répand sournoisement son influence.

En protestant contre le sort réservé à Raïf Badawi, on prépare l’opinion publique québécoise à l’adoption d’une législation comme celle de l’Autriche.

Ce n’est pas gagné d’avance. Rappelons que le gouvernement Couillard n’est opposé qu’au radicalisme violent. Pas de violence, pas de problème.

Les imams radicaux financés par l’Arabie saoudite ont donc de beaux jours devant eux au Québec. Mais ceci pourrait changer sous la pression de l’opinion publique. D’où l’importance de poursuivre cette lutte.

Références :
Affaire Badawi : l’Arabie saoudite demande à Québec de se mêler de ses affaires
Couillard combattra la radicalisation
Droits de l’Homme: Raif Badawi; fosses communes à Chypre; Bob Rugurika
L’Arabie saoudite lance des frappes aériennes au Yémen
La Suède met fin à la coopération militaire avec l’Arabie saoudite au nom des droits de l’homme
L’Autriche adopte une nouvelle loi pour encadrer l’islam
Raïf Badawi : une motion adoptée à l’Assemblée nationale
Syrie : une guerre par procuration entre l’Iran et l’Arabie saoudite

Parus depuis :
Oui, l’islamisme radical existe ici (2015-09-14)
Où sévit le terrorisme islamiste dans le monde? La réponse en carte (2016-03-24)
L’Arabie saoudite dévoilée (2016-11-15)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le contrat de l’Arabie saoudite au Canada : les soupçons…

18 février 2015

Mon texte d’hier fut écrit après avoir lu un article sur le site web de Radio-Canada relativement aux coûts de l’implication militaire du Canada contre les milices de l’État islamique.

À la suite de la publication de mon texte, je me suis rendu aussitôt sur le site de Radio-Canada pour en publier un résumé qui fut censuré sans que je sache exactement pourquoi.

Puis, quelques instants plus tard, j’ai résumé le tout encore plus brièvement, en réponse à une intervention d’un autre participant à la discussion (voir ci-dessous, la première des deux répliques).

Secret

Ce message a également été censuré. Ici « Contenu désactivé » est un euphémisme. L’auteur du message peut le voir à l’écran mais il est le seul.

Croyant que Radio-Canada, par crainte de poursuite, ne voulait pas qu’on nomme la compagnie General Dynamics, j’ai donc publié de nouveau ce message, cette fois en évitant de nommer cette compagnie. Nouvelle censure.

Conclusion : il est tabou de dire que le gouvernement Harper utilise l’armée canadienne à protéger l’Arabie saoudite en contrepartie de contrats d’armements.

À bien y penser, ce qu’il y a d’étrange, relativement à ce contrat, c’est la discrétion du gouvernement Harper à son sujet.

En deux mots, l’Arabie saoudite dépensera dix milliards$ sur quatorze ans pour acheter des véhicules blindés conçus et fabriqués dans une ville ontarienne.

Même pour un pays industrialisé, un contrat de dix milliards$, c’est important. Surtout quand ce pays possède la taille du Canada.

Normalement, le gouvernement Harper devrait se péter les bretelles — c’est une expression québécoise signifiant être fier de soi — et nous répéter à quel point il crée de l’emploi et fait prospérer l’économie canadienne. En somme, à quel point il mérite d’être reporté au pouvoir.

Étonnamment, après une annonce publique faite avec un minimum de décorum, le contrat est disparu de la propagande du gouvernement conservateur.

Lorsqu’on y pense comme il faut, 10 milliards$ sur quatorze ans, cela représente 714 millions$ par année. Et si, en contrepartie, il faut dépenser annuellement entre 242 et 351 millions$ pour protéger l’Arabie saoudite de l’État islamique, se peut-il que le gouvernement Harper se soit fait roulé ?

Par ailleurs, quand on pense que le contrat des F-35 représente une dépense de 45 milliards$ dont seulement 1% (un pour cent) sera dépensé au Canada, on doit conclure que le gouvernement Harper n’est vraiment pas très habile en concluant des contrats d’armements.

D’où peut-être sa discrétion au sujet de ce qui semble être, du moins pour l’instant, à un attrape-nigaud de la part de l’Arabie saoudite.

La bienveillance du gouvernement Harper à l’égard de cette dictature s’exprime également par le faible appui que le blogueur saoudien Raïf Badawi a reçu de notre pays.

Sans remettre en cause l’à-propos de sa condamnation pour délit d’opinion, notre gouvernement a néanmoins exprimé des réserves quant à la sévérité de la sanction (dix ans de prison et mille coups de fouet, principalement). On ignore combien de coups de fouet et combien d’années d’emprisonnement auraient satisfait le Canada.

Le gouvernement Harper ne peut pas en faire davantage, dit-on, parce que M. Badawi n’est pas citoyen de notre pays.

Le 12 février 2015, le Parlement européen a réclamé la libération inconditionnelle de M. Badawi. Ce dernier n’est citoyen d’aucun pays européen.

La crainte de la résiliation du contrat avec l’Arabie saoudite expliquerait-il la domesticité du gouvernement Harper à son égard ?

Post-scriptum : Quatre mois après la publication du texte-ci-dessus, l’Agence France Presse écrit : « Le gouvernement Harper est pris entre l’arbre et l’écorce face à cet allié encombrant, qui vient d’acheter du matériel militaire d’une valeur de 15 milliards de dollars au Canada. »

Selon Marie-Joëlle Zahar, professeure au département de science politique de l’Université de Montréal, le cas Badawi illustre que le gouvernement canadien a pris fait et cause pour certains pays qui ont des problèmes du point de vue des droits de la personne, dont l’Arabie saoudite.

Références
Droits de l’Homme: Raif Badawi; fosses communes à Chypre; Bob Rugurika
General Dynamics: contrat de 10 milliards avec l’Arabie saoudite
Le Canada, serviteur de l’Arabie saoudite
Les miettes dorées du F-35

Paru depuis : L’économie avant les droits de la personne (2015-06-09)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le Canada, serviteur de l’Arabie saoudite

17 février 2015
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On apprend aujourd’hui que le gouvernement Harper a dépensé entre 128 et 166 millions$ au cours des six premiers mois de la « mission canadienne » destinée à combattre les milices de l’État islamique en Irak.

Selon le rapport du Directeur parlementaire du budget, l’implication canadienne coutera entre 242 et 351 millions$ pour la première année.

En dépit de la répulsion que nous inspirent les pratiques barbares des milices de l’État islamique, le Canada n’est pas tenu en vertu d’un traité international à bombarder les installations des djihadistes.

De plus, le Canada n’a pas d’intérêts stratégiques à défendre; cette partie du monde ne produit pas de produits dont le manque paralyserait l’économie canadienne.

Tout au plus, est-il probable que le contrat de dix milliards$ que l’Arabie saoudite a accordé à la succursale canadienne de la compagnie américaine General Dynamics soit conditionnel à l’obligation secrète d’attaquer l’État islamique.

L’Arabie saoudite est dotée d’une armée très bien équipée (principalement par les Américains), mais qui ne possède aucune expérience de la guerre.

Par ses contrats militaires lucratifs de 285 milliards$ entre 2001 et 2008, l’Arabie saoudite asservit l’armée de différents pays à ses intérêts géostratégiques. Sans s’en douter, les soldats de ces pays deviennent donc, indirectement, des mercenaires de l’Arabie saoudite.

Les pays contractuels se chargent de convaincre leurs soldats qu’ils protègent la veuve et l’orphelin alors que leurs bombardements font souvent plus de victimes collatérales que parmi les rangs des d’insurgés. En effet, n’ayant que peu de soldats au sol, il est difficile de connaitre la nature exacte des cibles choisies.

L’État islamique est le résultat du gâchis abyssal de la politique américaine et britannique dans cette partie du monde.

Sous le principe naïf qu’il suffisait de renverser un tyran psychopathe (Saddam Hussein) en Irak pour semer la Démocratie parlementaire au coeur du monde arabe, les armées étrangères y ont provoqué la guerre civile.

Puis, désireuses d’abattre un allié de l’Iran (chiite), les pétromonarchies (sunnites), aidées de la Turquie et des États-Unis, ont provoqué la guerre civile dans le pays voisin, la Syrie.

Habilement, le régime de Bachar el-Assad s’en est pris aux insurgés syriens « modérés » afin de favoriser les insurgés radicaux et ainsi devenir la seule alternative raisonnable. Ces milices radicales se sont débarrassées de leurs rivaux affaiblis, leur ont pris leurs armes et sont devenus, tel que prévu, la seule vraie alternative à Bachar el-Assad.

L’État islamique a fédéré les rebelles radicaux en Syrie et est parti ensuite à la conquête d’une bonne partie du nord de l’Irak, s’emparant des armes laissées par l’armée irakienne apeurée.

Il y a quelques années, l’Arabie saoudite s’est fait prendre à verser 60 millions$ à Al-Qaida à partir des coffres de l’État. Lorsque cela a été découvert, les motifs invoqués étaient qu’Al-Qaida menaçait de commettre des attentats dans ce pays si celui-ci ne lui versait pas cette rançon.

En dépit de sa promesse de ne pas recommencer, ce pays est devenu officieusement la principale source mondiale du financement de groupes terroristes sunnites — tels qu’Al-Qaida et les talibans — selon les télégrammes diplomatiques révélés par WikiLeaks.

Il n’est donc pas exclu de penser que les princes saoudiens puissent verser secrètement des sommes à l’État islamique afin que celle-ci s’abstienne d’envahir le royaume.

En fait, les milices de l’État islamique mènent des attaques un peu partout en Irak — même dans les zones chiites — mais, jusqu’à maintenant, aucune dans la zone de 200km qui longe de territoire saoudien. Le tour de l’Arabie saoudite viendra ultérieurement, mais pas pour l’instant.

On pourrait donc découvrir un jour que l’État islamique tuait nos soldats grâce, entre autres, à du financement saoudien. Mais tout cela n’est qu’une hypothèse.

Compte tenu de la durée inconnue de la guerre contre les milices de l’État islamique, combien le Canada est prêt à dépenser afin de protéger l’Arabie saoudite ?

Plus précisément, quelles sont les retombées économiques canadiennes du contrat accordé à General Dynamics et quelle est la somme maximale que le Canada est prêt à dépenser en Irak ?

Malheureusement, le gouvernement Harper, toujours aussi cachotier, ne nous permet pas de connaître les réponses à ces questions.

Références :
General Dynamics: contrat de 10 milliards avec l’Arabie saoudite
La Défense nationale « a retenu des informations » sur les coûts de la mission en Irak
L’Arabie saoudite et le financement d’Al-Qaida
Vente « record » d’armes à l’Arabie Saoudite
What ISIS Really Wants

Parus depuis :
La Suède met fin à sa coopération militaire avec l’Arabie saoudite au nom des droits de l’homme (2015-03-10)
Les jeeps de Justin – Le «deal» avec Riyad fait éclater la vitrine morale d’Ottawa (2016-02-18)
L’Arabie saoudite en retard dans ses paiements pour des véhicules blindés canadiens (2019-10-30)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’amateurisme de la décapitation en Arabie saoudite

4 février 2015

Avertissement : le texte suivant s’adresse exclusivement aux adultes

En Arabie saoudite, la décapitation par sabre constitue le mode d’exécution de la peine capitale. En 2013, 78 personnes l’ont subie. En 2014, ce nombre a grimpé à 87. Pour le seul mois de janvier 2015, onze personnes y ont perdu la vie de cette manière.

Dans les pays où les tribunaux condamnent à la peine de mort, les reproches adressés aux autorités ont incité celles-ci à l’appliquer le plus humainement possible. Puisqu’il s’agit souvent d’événements publics, les exécutions disgracieuses placent l’assistance dans l’inconfort et suscitent la critique.

C’est ainsi qu’au XIXe siècle, dans l’Empire britannique, les fiascos de certaines pendaisons ont amené la mise au point de la pendaison dite « par longue chute » dont l’efficacité est identique à celle de la guillotine. Toutefois, ce mode d’exécution, même amélioré, a été abandonné au XXe siècle dans de nombreux pays dont le Canada.

Ce souci d’appliquer une mort instantanée ne s’est développé que dans les pays où règne la liberté d’expression. Là où ce n’est pas le cas — en Arabie saoudite, notamment — une telle préoccupation est inexistante. De plus, en raison de la fréquence de cette tâche, celle-ci devient rapidement une routine dont les bourreaux s’acquittent négligemment.

Cette situation est illustrée par un cas récent.

Il s’agit de Laila Bint Abdul Muttalib Basim. Celle-ci est une étrangère accusée d’avoir violé (à l’aide d’un manche à balai) et d’avoir tué une fillette de six ans que son mari a eue d’un autre mariage. La condamnée n’a cessé de clamer son innocence.

Une rumeur veut que les abus sexuels dont a été victime la fillette aient été plutôt l’oeuvre de son père qui aurait rejeté le blâme sur une de ses épouses afin de s’en débarrasser.

En Arabie saoudite, comme dans tous les pays où la Charia a force de loi, le témoignage d’une femme vaut la moitié de celui d’un homme.

Réalisée à l’aide d’un téléphone multifonctionnel, la vidéo de son exécution, bannie de YouTube, est encore disponible ailleurs. On y voit ce qui suit.

Nous sommes dans un espace ouvert, totalement minéral, où se trouve déjà la condamnée. Celle-ci est agenouillée, menottée, et vêtue de noir. Près d’elle, un bourreau et son assistant sont habillés de blanc. Une trentaine de militaires vont et viennent nonchalamment.

Le sol est peint de bandes blanches parallèles comme celles qui marquent les intersections de la voie publique.

La condamnée crie à répétition son innocence. On lui découvre la tête. Un militaire dégage et tire ce qui semble être une longue queue de cheveux noirs. Tout en continuant de crier, celle-ci s’incline de côté. Le militaire tente de l’en empêcher en lui tirant les cheveux. Le bourreau lui indique de laisser faire et choisit de la laisser s’étendre au sol sur le côté.

Lorsqu’une personne est agenouillée, il est possible de la décapiter instantanément d’un violent coup de sabre. Cela ne fonctionne pas toujours, mais c’est souvent le cas. Par opposition, lorsque la personne est couchée, le bourreau risque d’abimer son sabre en raison de la proximité du sol. Voilà pourquoi l’exécution de cette femme fut une boucherie.

En s’inclinant vers elle, le bourreau lui administre deux coups successifs. L’amplitude du geste est celle du boucher qui débite la carcasse d’une volaille. À cause de cela, ces deux coups ne suffisent pas à la décapiter.

Au premier de ces deux coups de sabre, surprise par l’intensité de la douleur, la condamnée prend une profonde inspiration, aussi soudaine que sonore.

Pendant que la femme est probablement évanouie, le bourreau se déplace lentement dans la direction opposée et lui administre — douze secondes après le premier coup — un troisième coup qui finalement la décapite.

Des ambulanciers approchent une civière et amènent le corps pendant que le bourreau essuie son sabre ensanglanté sur son uniforme jusque là immaculé.

En Arabie saoudite, la publication de cette vidéo a suscité de nombreux reproches à son auteur. C’est ainsi que la Société nationale pour les droits de l’Homme de ce pays — une société financée par la famille royale et qui lui sert d’alibi — a réclamé la punition de l’auteur de ce document en raison, dit-elle, du choc émotif que son visionnement pouvait causer aux parents et amis de la condamnée. Mais cet organisme s’est bien gardé de critiquer la manière avec laquelle cette mise à mort fut exécutée.

Conclusion

Le cas du blogueur Raïf Badawi illustre comment l’Arabie saoudite est un pays totalement hostile à la remise en question de la mentalité arriérée qui y prévaut.

À l’abri de la moindre remise en question, les officiers de cette dictature obscurantiste appliquent la peine capitale d’une manière qui vaudrait à n’importe quel vétérinaire québécois d’être cité à comparaitre devant le Comité de discipline de sa corporation professionnelle.

Il y a deux ans, la justice saoudienne a eu à traiter d’un autre cas d’infanticide, cette fois commis par un homme. En raison de son divorce, le père n’a pu rejeter le blâme sur son épouse puisqu’il vivait séparé d’elle. C’est donc lui qui fut accusé. On accèdera à la description de cette affaire en cliquant sur ceci.

La différence de traitement illustre la discrimination dont sont victimes les femmes en Arabie saoudite.

Références :
Man who filmed woman being publicly beheaded in Mecca reportedly arrested in Saudi Arabia
Pendaison de cinq Patriotes [Montréal, 15 février 1839]

Paru depuis : L’Arabie saoudite recrute huit bourreaux sur Internet (2015-05-19)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Décapitation et fouets en Arabie saoudite

20 janvier 2015

La décapitation de Laila Bint Abdul Muttalib Basim

Depuis le début de cette année, dix personnes ont été punies de la peine de mort en Arabie Saoudite. Le mode d’exécution dans ce pays est la décapitation par sabre.

Le 12 janvier dernier, le bourreau a dû s’y reprendre à trois fois avant de finalement réussir à décapiter Laila Bint Abdul Muttalib Basim. Celle-ci est une étrangère accusée d’avoir violé (à l’aide d’un manche à balai) et d’avoir tué une fillette de six ans que son mari a eue d’un autre mariage. La condamnée n’a cessé de crier son innocence.

Mais une rumeur veut que les abus sexuels dont a été victime la fillette aient été plutôt l’oeuvre de son père qui aurait rejeté le blâme sur une de ses épouses afin de s’en débarrasser.

En Arabie saoudite, comme dans tous les pays où la Charia a force de loi, le témoignage d’une femme vaut la moitié de celui d’un homme.

La flagellation de Raïf Badawi

Né en 1984, Raïf Badawi est un écrivain libéral d’Arabie saoudite.

En 2008, il crée un blogue voué à la promotion de la liberté d’expression et de la laïcité dans son pays.

Mais l’Arabie saoudite est une monarchie obscurantiste dans laquelle il est interdit de construire des églises d’autres confessions et où prôner l’égalité entre les croyances équivaut à une hérésie.

Accusé d’avoir créé un site Web qui insulte l’Islam, il fuit son pays, puis y revient alors qu’il croit la plainte abandonnée. En 2009, il se voit interdire de quitter le pays. Son compte de banque est bloqué. Il est pris au piège.

En 2012, un premier tribunal le condamne à la peine de mort s’il ne se repentait pas devant Dieu et ne renonçait pas à ses convictions libérales.

Ayant refusé de se soumettre, son cas est transféré à une autre cour.

En janvier 2013, ce second juge rejette l’accusation d’apostasie après avoir convaincu M. Badawi de réciter devant lui une profession de foi musulmane. Mais ce magistrat se déclare incompétent à juger les autres chefs d’accusation. Le tout est transféré à un troisième tribunal.

Deux mois plus tard, un ecclésiastique près de la famille royale saoudienne lance fatwa contre lui, le considérant comme un apostat qu’il invite les Musulmans à assassiner s’il ne se repentait pas.

On trouvera à cette page Web, un résumé en anglais des écrits de Raïf Badawi.

Le troisième juge le condamne en mai 2014 à dix ans de prison, 1 000 coups de fouet, une amende de 266 000 dollars, et une interdiction de voyage de dix ans à l’expiration de sa peine de prison.

Son avocat a été condamné à quinze ans de prison pour avoir sapé le régime et ses officiels, et pour avoir insulté l’appareil judiciaire en le ridiculisant.

Raïf Badawi est lauréat en 2014 du prix Netizen décerné par Reporters sans frontières. Son épouse et leurs trois filles ont trouvé refuge au Québec, à Sherbrooke.

La réaction officielle du Canada

En février 2013, le gouvernement Harper mettait sur pied le Bureau de la liberté religieuse, rattaché au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et dirigé par un officier qui a titre d’ambassadeur.

Son mandat est triple :
• protéger les minorités religieuses menacées et défendre leurs droits;
• lutter contre la diffusion de la haine et de l’intolérance fondées sur la religion;
• faire la promotion des valeurs canadiennes que sont le pluralisme et la tolérance.

Le 8 janvier dernier, l’ambassadeur canadien pour la liberté de religion a condamné la première séance de flagellation a laquelle a été soumis M. Badawi.

Le 14 janvier dernier, par voie de communiqué, le ministre des Affaires étrangères du Canada s’est mollement inquiété de la sévérité de la peine infligée au blogueur mais n’a pas remis en cause l’à-propos de sa condamnation pour délit d’opinion.

Ce sont les seules réactions officielles du gouvernement canadien jusqu’ici. Il semble que M. Harper hésite à se porter à la défense de M. Badawi parce que ce dernier n’est pas citoyen canadien.

Le premier ministre n’a pas ces scrupules lorsqu’il reproche à la Chine, à la Russie, et à Cuba, leurs violations des droits de l’Homme.

Pourquoi hésite-t-il aujourd’hui ? Tous deux producteurs de pétrole, le Canada et l’Arabie ne sont-ils pas des concurrents commerciaux ?

Le problème est que l’Arabie saoudite, assise sur une immense rente pétrolière, est immensément riche et se fout éperdument du Canada. Or le premier ministre, soucieux de son image, n’aime pas passer pour un perdant, surtout à un an des élections.

Il aimerait qu’il lui suffise de bomber le torse pour faire peur à l’Arabie. Puisqu’il semble manquer de moyens, donnons-lui une idée à laquelle il n’a peut-être pas pensé.

Si le Canada menaçait d’interdire la double citoyenneté saoudienne-canadienne au motif d’incompatibilité des valeurs démocratiques, cela forcerait les Saoudiens installés au pays à renoncer à leur citoyenneté saoudienne, ce que l’Arabie n’apprécierait probablement pas.

De plus, cela protègerait mieux toutes ces Canadiennes, tombées amoureuses de Saoudiens, et dont les enfants sont kidnappés par leur père dès que celui-ci réussit à les amener en Arabie, officiellement pour faire connaissance avec leurs grands-parents.

Références :
Abdul-Rahman al-Barrak
A look at the writings of Saudi blogger Raif Badawi – sentenced to 1,000 lashes
Arabie Saoudite : L’ONU pour la suspension de la flagellation de Raïf Badawi
Bureau de la liberté religieuse – Retour en arrière
L’Arabie saoudite et le financement d’Al-Qaida
Le blogueur saoudien Raif Badawi passible de la peine de mort
Le prédicateur assassin
Myanmar woman screams innocence before Saudi beheading: video
Quatre questions sur Raif Badawi, le blogueur condamné à 1 000 coups de fouet en Arabie saoudite
Torturers, oppressors and executioners: remember to buy British
Raif Badawi

Publiés depuis :
Un sursis pour Raif Badawi (2015-01-23)
M. Baird, faites libérer Raïf Badawi! (2015-01-28)
La Suède met fin à sa coopération militaire avec l’Arabie saoudite au nom des droits de l’homme (2015-03-10)
Saudi Teenager Faces Death Sentence for Act When He was 10 (2019-06-09)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’imam assassin

4 février 2013

Fayhan Ghamdi est un prédicateur musulman saoudien fréquemment invité sur les plateaux des chaines de télévision religieuses de son pays. Marié et divorcé d’une Égyptienne, il s’était vu confié la garde de sa fillette Lama, agée de cinq ans. Précisons que les tribunaux saoudiens ne sont jamais favorables à une mère étrangère en cas de divorce.

Le 25 décembre 2011, l’enfant a été admise à l’hôpital souffrant d’un certain nombre de blessures : multiples ecchymoses et brulures, ongle arraché, côtes brisées, de même que des fractures du crâne et du bras gauche. Selon Randa Kaleeb, employée de cet hôpital, l’enfant avait été violée par tous les orifices possibles; plus précisément, l’anus de l’enfant avait été déchiré et brulé dans une tentative maladroite de le refermer.

Après cette hospitalisation — qui a duré dix mois — la fillette est finalement décédée de ses lésions en octobre 2012. Le mois suivant, son père a été arrêté : il a avoué être responsable des sévices.

Après trois mois passés en prison, le père sera affranchi sur paiement du « prix du sang ». Selon la Charia (qui a force de loi dans ce pays), l’homicide est passible de la peine de mort. Toutefois, cela ne s’applique pas lorsqu’il s’agit d’un homme qui tue son propre enfant ou une de ses épouses.

Le tribunal a décidé que, dans ce cas-ci, le condamné aura purgé sa peine lorsqu’il versera la somme de 45 000 euros (à la mère, croit-on). S’il s’était agi d’un garçon, le « prix du sang » aurait été le double.

Les juges religieux ont estimé que la perte de son enfant constituait en soi une punition suffisante pour le père.

Post-scriptum (2015-02-01) :

Sur les réseaux sociaux, le scandale provoqué par cette affaire a incité la famille royale à intervenir.

Le 7 octobre 2013, le prince saoudien responsable du ministère de la Justice annonçait que l’imam passerait huit ans en prison et subirait 600 coups de fouet.

Toutefois, selon la version anglaise de Wikipédia, l’imam aurait été libéré quelques mois plus tard, une fois l’affaire oubliée.

Références :
Arabie saoudite : scandale après la libération d’un prêcheur assassin de sa fille
Celebrity Saudi preacher who ‘raped’ and tortured his five-year-old daughter to death escapes with light sentence
Un prédicateur Saoudien (Fayhan al ghamdi) viole et tue sa fillette, il est condamné à une légère peine de prison

Parus depuis :
Saudi Islamist preacher on trial in daughter’s slaying (2013-02-05)
L’Arabie saoudite libère le tueur – L’apartheid (2013-02-06)
Arabie saoudite: le prédicateur assassin de sa fille restera en prison (2013-02-13)
Fayhan al-Ghamdi (2014-03-10)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’Iran joue avec le feu

7 janvier 2012
© 2009 — Pethrus (pour Wikipedia)

Du point de vue de la navigation maritime, le golfe persique est un cul-de-sac dont il n’existe qu’une seule issue : le détroit d’Ormuz.

C’est par là que transite le tiers du pétrole transporté par voie maritime dans le monde (et le cinquième du trafic, tous modes confondus). L’essentiel du pétrole exporté d’Arabie saoudite, d’Iran, des Émirats arabes unis, du Koweït et de l’Irak transite par ce passage étroit de 6,4 km.

Pendant dix jours à partir du 22 décembre dernier, l’Iran y menait officiellement des exercices militaires, sans toutefois interrompre le trafic maritime.

Mais voilà que quelques jours après le début des exercices, ce pays donne une idée de ce qui pourrait être ses véritables intentions. En effet, le premier vice-président iranien déclare que son pays n’hésitera pas à fermer le détroit si l’ONU devait adopter de nouvelles sanctions économiques contre son pays. Comme si cet exercice n’était qu’une préparation en vue de cette fermeture.

L’amiral Mahmoud Moussavi, porte-parole des manoeuvres navales, précise : « À partir (du 31 décembre), une majorité de nos unités navales — de surface, sous-marine et aérienne — vont se positionner selon une nouvelle formation tactique destinée à rendre impossible le passage de tout navire par le détroit d’Ormuz si la République islamique en décide ainsi. »

Or la libre circulation par ce détroit est essentielle à l’économie mondiale. Tout blocus iranien représente un risque certain d’un conflit armé dans la région.

Il existe deux alternatives terrestres à Ormuz; par le pipeline qui court d’Arabie saoudite vers la mer Rouge et par celui qui relie les Émirats arabes unis à la mer d’Oman. Mais ces alternatives ne concernent pas la production pétrolière du Koweït et du Qatar.

Le blocus du détroit est une arme à double tranchant puisqu’il toucherait aussi la production du pétrole iranien. Toutefois l’économie de l’Iran est beaucoup plus diversifié que celle de son grand rival régional, l’Arabie saoudite. En effet, le pétrole ne représente que 8% du Produit intérieur brut (PIB) de l’Iran — mais 80% de ses exportations — alors que le pétrole représente 53% du PIB d’Arabie (et 90% de ses exportations).

On comprend donc que l’Arabie saoudite, dont l’économie est à la merci de l’Iran, souhaite ardemment une guerre éclair qui anéantirait la menace iranienne. Rien ne ferait plus plaisir à l’Arabie que les “Impies” américains tuent des hérétiques iraniens (car à 89% chiites) pendant que l’Arabie saoudite (officiellement à 100% sunnite) assiste au spectacle gratuit de l’autre côté de la rive en sirotant son thé à la menthe.

Or il est très improbable que les États-Unis déclarent une troisième guerre en une décennie contre autant de pays musulmans. Pour plusieurs raisons.

Premièrement, le peuple américain a été très complaisant relativement à la guerre en Irak : il a supporté l’entrée en guerre comme il appuie généralement aveuglément son club de football local. Il regrette aujourd’hui cet engagement. C’est pourquoi une nouvelle guerre, aussi justifiée soit elle, est politiquement indéfendable auprès des Américains.

Deuxièmement, l’organisme National Priorities Project estime à plus de 800 milliards de dollars le coût de la guerre en Irak et à plus de 488 milliards de dollars le coût de la guerre en Afghanistan. Les guerres républicaines récentes représentent donc une dépense de plus de quatre mille dollars pour chaque Américain (homme, femme ou enfant). Or une guerre totale contre l’Iran sera définitivement plus coûteuse que la somme des deux guerres précédentes.

L’Iran a une population de 78 millions de personnes, soit d’avantage que l’Irak (31.2 millions) et l’Afghanistan (29.8 millions) réunis. Alors que le régime de Saddam Hussein ne pouvait pas compter sur la mobilisation enthousiaste des minorités qu’il avait faites massacrer — soit les Kurdes (dans le nord du pays) et les Irakiens chiites (au sud) — la population iranienne est beaucoup plus homogène du point de vue ethnique (perse à 70%, turcophone à 26%) et religieux (chiite à 89%). Des envahisseurs y rencontreraient une population beaucoup plus hostile et beaucoup plus unie derrière ses dirigeants.

Non seulement une telle guerre porterait le prix du pétrole à 150$ ou 200$ le baril, mais l’Iran pourrait être tenté d’envahir le sud de l’Irak afin de “délivrer” ses coreligionnaires chiites, victimes des attentats terroristes dans ce pays, et réunir des populations qui faisaient partie autrefois de la Perse antique (et qui se distinguent aujourd’hui par la langue; les Iraniens parlent surtout le perse alors que les Irakiens sont arabes).

Références :
Guerre d’Afghanistan (2001)
Guerre d’Irak
La guerre en Irak ou L’aveuglement collectif américain
L’Iran menace Ormuz pour éviter des sanctions
La guerre en Irak ou L’aveuglement collectif américain
L’Iran teste des missiles sur fond de nouvelles sanctions
Paix mondiale – L’Iran représente la plus grande menace, selon Harper
« Plus une goutte de pétrole ne passera par Ormuz » en cas de sanctions, avertit l’Iran

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’Arabie saoudite et le financement d’Al-Qaida

10 décembre 2010
© 2010 — Google Maps

Avant le régime taliban en Afghanistan

Oussama ben Laden est l’un des 54 enfants — nés des 22 épouses —de Mohammed Ben Laden, un entrepreneur saoudien. Ce dernier est propriétaire de la Bin Laden Construction group, une des plus riches entreprises de construction au monde et détentrice de nombreux contrats d’exclusivité avec le gouvernement saoudien. Les actifs globaux du Groupe Ben Laden sont évalués à cinq milliards de dollars.

En 1979, le prince Turki Al Fayçal — chef des services secrets de l’Arabie saoudite de 1977 à 2001 — offre 200 millions de dollars à Oussama ben Laden afin qu’il organise le départ des volontaires saoudiens désirant s’impliquer en Afghanistan contre l’invasion russe de ce pays.

Oussama ben Laden se rapproche alors de Gulbuddin Hekmatyar, un chef fondamentaliste local et principal bénéficiaire des 3,3 milliards de dollars d’aide officielle des États-Unis aux rebelles afghans contre les Russes (un montant à peu près équivalent étant, dit-on, fourni par l’Arabie saoudite).

Quelques années plus tard, en 1994, la montée des Talibans coïncidera avec leur saisie de l’importante réserve d’armes de Gulbuddin Hekmatyar (dont nous venons de parler) à Kandahar. Cette prise leur permettra de prendre le contrôle de la moitié du pays.

En février 1989 les Soviétiques annoncent leur retrait d’Afghanistan. Les États-Unis et l’Arabie saoudite ayant atteint leur objectif, arrêtent le financement et le soutien logistique massif aux rebelles en 1990.

À son retour en Arabie saoudite, Oussama ben Laden est accueilli en héros. Dans les mosquées, les écoles, et à l’université, il organise des conférences au sujet de son combat contre l’armée soviétique. Il recueille alors des fonds de sympathisants servant à financer sa milice.

Lors de la Première guerre du Golfe (1990-1991), Oussama ben Laden propose au roi d’Arabie d’utiliser cette milice pour défendre le pays contre une possible invasion des troupes irakiennes. Le roi refuse et préfère ouvrir son territoire à l’armée américaine.

Furieux, Ben Laden s’indigne que des soldats non-musulmans viennent souiller le sol sacré de l’Islam (l’Arabie saoudite étant la Terre sainte selon les Musulmans). Il va jusqu’à accuser de corruption la dynastie régnante dans ce pays.

En représailles, l’Arabie saoudite le prive de sa nationalité en 1994. Il reste discrètement en relation avec certains membres du régime saoudienc: en effet, avec ses 7,000 princes, la famille royale est peu unie.

Durant le régime des Talibans (1997-2001)

Le régime des Talibans ne sera reconnu officiellement que par trois pays : l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Pakistan.

En 1999, le prince saoudien Turki Al Fayçal (à titre de chef des services secrets de l’Arabie saoudite), verse 267 millions$ à un chef taliban en Afghanistan.

Tout au cours de ce régime, l’Arabie saoudite, principale puissance sunnite, inspire intellectuellement et finance les madrasas, ces écoles coraniques à la base du mouvement taliban. Par le radicalisme de leur enseignement, ces écoles s’avéreront des pépinières de terroristes.

Le 11 septembre 2001, les attentats-suicides d’Al-Qaida sont perpétrés aux États-Unis par 19 terroristes dont 15 étaient de nationalité saoudienne. Ces attaques provoquent la Guerre en Afghanistan (où sont basés les camps d’entrainement d’Al-Qaida). Entretemps, les États-Unis tentent par tous les moyens de tarir les sources de financement d’Al-Qaida (comme ils le font présentement avec WikiLeaks).

Après le renversement du régime taliban

Peu après la fin officielle de cette guerre, des milliers de Talibans non-afghans (dont beaucoup de Saoudiens) décèdent au cours du massacre à la prison de Mazar-i-Sharif. Ceux qui ne s’y trouvaient pas retournent dans leur pays d’origine. Certains d’entre eux constituent depuis des cellules dormantes d’Al-Qaida en Arabie et des sympathisants donateurs.

En 2003, les experts s’accordaient pour dire qu’une grande partie des revenus d’Al-Qaida provenaient de donateurs saoudiens. Leurs dons sont versés soit directement, soit par le biais d’organismes de charité ou d’écoles coraniques servant de paravent au financement de cette organisation terroriste.

En décembre 2006, plus d’une trentaine d’ecclésiastiques saoudiens se prononcent contre l’invasion de l’Irak et invitent tous les Sunnites à s’y opposer. En 2007, près de la moitié des insurgés étrangers en Irak sont des Saoudiens qui combattent pour Al-Qaida.

« Les donateurs privés en Arabie saoudite demeurent la principale source mondiale de financement de groupes terroristes sunnites », tels qu’Al-Qaida et les talibans afghans et pakistanais, déplorait l’ambassade américaine en Arabie dans cette note datée de 2009 et révélée par WikiLeaks cette semaine.

L’ambassade estime également qu’une partie de cette somme est collectée auprès de sympathisants à l’occasion du pèlerinage annuel à La Mecque et du Ramadan.

De plus, les hauts responsables talibans, lorsqu’ils se rendent en Arabie saoudite pour participer à des discussions sur le thème de la réconciliation, se livrent également à la collecte d’argent.

Références :
Documents Back Saudi Link to Extremists
Dasht-i-Leili massacre
Oussama ben Laden
Saudi Arabia: In al-Qaeda’s Sights
Saudi Arabia’s Dubious Denials of Involvement in International Terrorism
Saudi Arabia’s Links to Terrorism
Saudis faulted for funding terror
Taliban
US embassy cables: Hillary Clinton says Saudi Arabia ‘a critical source of terrorist funding’
WikiLeaks cables portray Saudi Arabia as a cash machine for terrorists

Parus depuis :
Des princes saoudiens auraient financé al-Qaïda (2015-02-05)
« Swissleaks » : HSBC abritait aussi des « parrains du terrorisme » (2015-02-11)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Vente « record » d’armes à l’Arabie Saoudite

26 novembre 2010
© 2010 — Google Maps

De 2001 à 2008, on a livré pour 285 milliards de dollars de matériel militaire à travers le monde.

Les principaux fournisseurs d’armes ont été les États-Unis (35,2%), la Russie (14,9%), la Grande-Bretagne (12,6%), la France (7,3%), l’Allemagne (6,2%), la Chine (3,1%), l’Italie (1,6%), les autres pays européens (10,5%) et le reste du monde (8,4%).

Au cours de cette période, la clientèle des pays en voie de développement a gagné en importance puisque la proportion des armes qui leur sont destinées est passée de 33,1% (2001-2004) à 40,2% (2005-2008) des ventes mondiales.

Parmi les pays en voie de développement, les principaux acheteurs d’armement furent l’Arabie Saoudite (36,7 milliards$), l’Inde (30,8 milliards$), les Émirats arabes unis (15,3 milliards$), la Chine (12,9 milliards$), l’Égypte (12,3 milliards$), le Pakistan (11,8 milliards$), Israël (7,1 milliards$), la Syrie (6,5 milliards$), le Venezuela (5,8 milliards$), et l’Algérie (4,9 milliards$).

Puisqu’il s’agit de données concernant les pays en voie de développement, voilà pourquoi la Grèce — cinquième plus important acheteur d’armes au monde de 2005 à 2009 — ne figure pas dans cette liste. De plus, ces données proviennent du Service de recherche du Congrès américain : or ce dernier fait figurer Israël et les Émirats arabes unis parmi les pays en voie de développement alors que la richesse qui y est produite per capita en 2005 était de 30,464$ pour Israël et de 29,141$ pour les Émirats arabes unis, soit davantage que la moyenne des pays de l’Union européenne (28,165$).

Ces jours-ci, le Congrès américain se prépare à approuver une importante vente d’armement à l’Arabie Saoudite. Il s’agit d’un contrat de 60 milliards$ comportant au moins 35% de retombées économiques pour l’Arabie. Ce contrat a été présenté comme étant la plus importante vente d’armes de l’histoire des États-Unis. Compte tenu des délais de livraison — qui s’échelonneront sur quinze à vingt ans — il s’agit, au contraire, d’un contrat relativement modeste.

En effet, si on va au-delà de la période 2001-2008, on s’aperçoit que de 1987 à 1997, l’Arabie saoudite a dépensé 262 milliards (en dollars de 1997) de dépenses militaires, ce qui a représenté 18% de son produit intérieur brut (alors que les dépenses militaires des États-Unis représentaient 4,6% de son PIB). Se sentant menacée par son voisin envahissant de l’époque (l’Irak), l’Arabie a commandité la première du golfe (1990-1991) à hauteur de plusieurs dizaines de milliards$ ; en d’autres mots, elle a financé l’armement et le coût des opérations des belligérants afin d’assurer sa protection.

En dépit de son budget militaire, l’Arabie Saoudite est probablement incapable de se défendre contre les pays qui représentent une menace pour elle et ce, en raison de sa faible population et de son grand territoire. En effet, il s’agit du 14e plus vaste pays du monde avec une superficie de deux millions de km² dont moins de 2 % des terres y sont cultivables. Officiellement, la population du pays est estimée à 27 millions d’habitants dont 5,5 millions de travailleurs étrangers. Des 22 millions de véritables saoudiens, 38% ont moins de quinze ans et à peu près personne n’a d’expérience de la guerre. En comparaison, l’Iran — un voisin qu’elle juge menaçant aujourd’hui — a une population de 66 millions de personnes.

Références :
Conventional Arms Transfers to Developing Nations, 2001-2008
Liste des pays par PIB (PPA) par habitant
Saudi Arabia
Trends in international arms transfers, 2009
US Congress notified over $60bn arms sale to Saudi Arabia
US made money from previous wars

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Écrit par Jean-Pierre Martel