Traite humaine et cannabis anglais

30 juillet 2019


 
En Angleterre, des milliers d’usines désaffectées, d’entrepôts inutilisés, et de maisons unifamiliales ‘abandonnées’ servent d’usines à cannabis.

Dans certains cas, la pègre utilise des maisons louées, mais transformées à l’insu de leurs propriétaires.

Environ 92 % des sites britanniques de production sont en Angleterre.

Chaque site est opéré par un jeune immigré.

Annuellement, des centaines d’adolescents vietnamiens sont ‘importés’ clandestinement en Angleterre pour y servir de main-d’œuvre à l’industrie illégale du cannabis.

Cette situation résulte d’un partenariat entre la pègre anglaise et la pègre vietnamienne. Cette dernière est chargée de recruter les mineurs et d’assurer le suivi en sol britannique.

Les victimes ne sont pas des enfants ordinaires. Ce sont des orphelins qui vivent dans la rue. Pour échapper à la misère, on leur offre un voyage vers l’Europe moyennant un prix qu’ils n’ont évidemment pas le moyen de payer, mais qu’ils pourront acquitter par versements.

Dans les faits, jamais ces jeunes n’arriveront à payer leur dette. Et cette dette — croissante en raison des intérêts — justifiera les menaces et les sévices dont ils seront l’objet.

Au départ d’un voyage maritime qui durera deux ou trois mois, on les entasse dans des conteneurs avec de la nourriture de base, et une quantité d’eau embouteillée qui s’avèrera rapidement insuffisante pour la traversée. Ce qui les obligera à boire leur urine ou à mourir déshydratés.

On les fait entrer clandestinement au Royaume-Uni par les ports contrôlés par la pègre.

Pour les ‘casser’, ils feront plusieurs mois de prostitution dans des bordels pour pédophiles.

Puis finalement, ils sont amenés dans l’usine à cannabis dans laquelle ils vivront.

Leur travail se résume à arroser les plants deux fois par jour. Chaque tournée prend de deux à trois heures. Le reste, c’est du temps libre.

Aux deux ou trois semaines, un locuteur vietnamien les appellera ou passera sur les lieux pour les menacer, leur réitérer de bien suivre les instructions, et pour s’informer que tout va bien.

Leur traitement variera selon le propriétaire des lieux.

Au pire, ils sont séquestrés dans des usines où jamais la lumière du jour ne pénètre, et où tout ce qu’ils ont à manger, ce sont des conserves de nourriture pour chien.

D’autres vivront leur solitude dans des lieux où, par exemple, ils disposeront d’une petite cuisine, d’un réfrigérateur plein, d’une minuscule télévision près de laquelle se trouve une pile de DVDs vietnamiens ou une console de jeux vidéos, un matelas au sol, ici un calendrier vietnamien au mur, là un autel bouddhiste, etc.

Dans bien des cas, les portes ne sont même pas verrouillées.

Alors pourquoi ne s’enfuient-ils pas ? Pourquoi n’utilisent-ils pas le téléphone pour appeler la police ?

Pour plusieurs raisons.

Premièrement, ces adolescents ne parlent pas anglais. Deuxièmement, dans leur pays d’origine, ils ont passé toute leur enfance à subir la répression d’une police corrompue qui s’acharnait sur eux en raison de leur vagabondage et des petits méfaits qu’ils commettaient pour survivre.

Mais surtout, ces enfants n’ont jamais connu autre chose que la méchanceté humaine. Or maintenant, ils ont un toit. Ils sont nourris. Ils n’ont jamais froid parce qu’il fait toujours chaud dans une usine à cannabis, même en hiver. Ils se sont fait une petite vie monotone. Même ceux qui mangent de la nourriture pour chien n’ont jamais été mieux traités de leur vie.

Quand ils sont découverts par la police, une partie d’entre eux seront accusés de complicité dans le commerce de la drogue et sont expulsés vers leur pays d’origine après avoir été abusés en prison.

Les autres seront pris en charge par les services sociaux. Beaucoup s’enfuient, persuadés que leurs créanciers les trouveront et les tueront s’ils ne retournent pas travailler pour eux afin payer leur dette.

Dans un cas, par exemple, les ravisseurs avaient entaillé superficiellement les parties génitales d’un adolescent qui avait tenté de s’enfuir en lui faisant croire qu’ils y avaient inséré un émetteur de géolocalisation qui leur permettrait de le retracer, peu importe où il se trouvait.

Références :
Enslaved on a British cannabis farm: ‘The plants were more valuable than my life’
Trafficked and enslaved: the teenagers tending UK cannabis farms

Parus depuis :
Lorry deaths: police face trust problem over appeal to Vietnamese migrants (2019-10-31)
Essex lorry deaths: two found guilty over manslaughter of 39 Vietnamese people (2020-12-21)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le super héros et les salons de massage

28 janvier 2014


 
Introduction

En octobre dernier, la Gendarmerie royale du Canada procédait à l’arrestation de plusieurs ressortissants roumains accusés d’avoir forcé quatre jeunes femmes adultes à la prostitution. D’autre part, ils sont accusés également d’avoir fait entrer illégalement des familles roumaines (dont des enfants) au Canada.

Il n’en fallait pas plus pour que le nouveau maire de Montréal confonde les deux accusations et parle, quelques semaines plus tard, d’enfants et de juvéniles (sic) forcés de donner des massages érotiques à Montréal.

Les relations sexuelles impliquant un mineur sont illégales depuis toujours au Canada. Au cours des quarante dernières années, si les policiers avaient effectué une seule descente dans un salon de massage où des enfants sont réduits à l’esclavage sexuel, cette nouvelle aurait fait la manchette des quotidiens sensationnalistes du Québec. Or cela n’est pas arrivé.

Les policiers, évitent-ils d’effectuer des inspections ou des descentes dans les salons de massages depuis des décennies ? Attendaient-ils le feu vert du maire pour faire appliquer la loi ? Non. Les policiers n’ont pas réussi à faire la preuve de l’existence du travail d’enfants dans les salons de massage de Montréal parce que cet esclavage sexuel n’existe probablement pas.

Montréal, capitale du sexe en Amérique du Nord

Montréal est une ville de haute technologie où l’aéronautique, le multimédia et l’industrie biopharmaceutique occupent une place importante. Tout comme l’industrie touristique.

Depuis un siècle, Montréal est une ville de plaisir. Ce n’est pas la seule raison d’y venir, mais il est indéniable que c’est une facette importante de son attrait pour certains visiteurs.

En raison du puritanisme nord-américain, les retombées économiques de l’industrie du sexe constituent un tabou. On ne les évalue pas et on n’en parle pas parce que d’une part, cela manque totalement de rectitude politique et d’autre part, parce qu’il est difficile d’obtenir des données fiables à ce sujet.

À l’époque de la prohibition, l’alcool coulait à flots dans la métropole. Après la Deuxième Guerre mondiale, elle était devenue une ville de bordels. Puis, celle des danses à 5$. Aujourd’hui, on y vient pour nos festivals et parce que le sexe n’y est pas dispendieux.

Il serait préférable que les touristes visitent notre ville pour y voir des tulipes, comme à Ottawa, mais ce n’est pas le cas.

De nos jours, Montréal est notamment la capitale du sexe en Amérique du Nord. Comme Paris fut la capitale européenne du sexe à la Belle Époque. A posteriori, on peut idéaliser le French Cancan, le Moulin rouge et Toulouse-Lautrec. Mais autrefois, on considérait cette danse comme vulgaire. Ce cabaret était reconnu comme un repère de courtisanes. Et le peintre frayait avec des femmes peu recommandables.

Idéalisera-t-on un jour les salons de massage d’ici ? C’est déjà fait; rappelez-vous de cette jeune universitaire qui, dans le film Le Déclin de l’empire américain, paie ses études en massant (et dont un client est le personnage incarné par le comédien Pierre Curzi).

Le prix caché de l’intolérance

La priorité donnée à la chasse aux salons de massage pose ici la question de l’allocation des ressources policières.

Depuis des années, lorsqu’éclate une querelle de ménage dans mon bloc appartement, les policiers arrivent sur les lieux en moins de dix minutes. Parce qu’on sait qu’un conflit domestique dégénère rapidement. Et lorsqu’il y a une victime, c’est habituellement une femme.

Suis-je enchanté à l’idée que dorénavant, les policiers pourraient prendre plusieurs heures parce qu’ils sont occupés ailleurs, à faire la chasse aux salons érotiques ?

Le cliché de la victimisation

Il y a plus de 260 salons de massage érotiques à Montréal. Ils pullulent (ou polluent, selon le point de vue) parce qu’il y a présentement une explosion de la demande. C’est une mode, comme l’ont été les danses à 5$.

Le maire charrie lorsqu’il affirme (c’est textuel) « Jour après jour, des milliers de femmes sont exploitées derrière des portes closes à Montréal. Et on ne fait rien. Il est urgent d’agir.»

Ce qui se passe entre adultes consentants dans 99,9% des salons de massage, ne regarde pas le maire de Montréal.

Et dans le 0,1% restant, les femmes qui sont forcées à exercer ce métier devraient plutôt cogner à la porte d’un poste de police ou d’un centre d’aide pour femmes plutôt que d’attendre le secours du super héros qui viendra les délivrer.

L’immense majorité des femmes qui travaillent dans des salons de massage érotique aimeraient faire autre chose. Tout comme beaucoup de travailleurs préféreraient gagner leur vie autrement. Il est donc excessif de prétendre que toute personne qui choisit à contrecœur d’exercer un métier est une victime.

Ce n’est pas vrai que les travailleuses de salons érotiques sauteront de joie lorsque le maire enverra ses policiers les délivrer de l’enfer du péché…

À constamment suggérer que les femmes sont des êtres sans volonté, incapables de se prendre en main, exploités par nous — les méchants mâles — qui les forçons à se voiler ou à se prostituer, on a peine à croire qu’une femme dirige maintenant l’État québécois. À mon avis, les femmes méritent mieux que de toujours être représentées par certains comme des perdantes.

Prouver ses dires par des descentes policières

Le maire de Montréal aurait pu très bien déclarer que des milliers de Montréalais se droguent et invoquer un devoir moral de les délivrer de l’enfer de la dépendance. En effectuant des descentes chez tout le monde, les policiers auraient bien fini par trouver quelque chose.

Mais cela n’est pas comme cela qu’on fonctionne en démocratie. Les forces policières ont le devoir d’intervenir contre un citoyen ou une entreprise précise lorsqu’on leur présente des preuves d’infractions commises par ce citoyen ou cette entreprise.

Effectuer des descentes chez tout le monde à partir d’accusations qui ne concernent qu’une minorité d’une population, cela est abusif. La ville s’expose ainsi à être des recours judiciaires dont les contribuables auront à payer les frais.

Conclusion

Depuis la sortie fracassante du maire contre les salons de massage, les policiers cherchent depuis deux mois à faire la preuve qu’il avait raison. En vain. De toute évidence, les déclarations du maire Coderre relativement à l’exclavage sexuel d’enfants dans les salons de massage de Montréal sont dépourvues de fondement.

Quant à ses déclarations relatives au travail forcé de milliers de Montréalaises dans l’industrie du sexe, cela n’est vrai que dans une minorité des cas. Cela ne justifie pas les descentes policières au cas où.

Le nouveau maire de Montréal aime les médias; présentez-lui un micro sous le nez et il frétille de bonheur. Mais puisqu’on se lasse de tout, la surexposition médiatique dont il est l’objet depuis son élection risque de lui nuire à long terme, alors que les citoyens réclameront plus de contenu, et moins de contenant.

Dans ce cas-ci, la vacuité de ses propos au sujet des salons de massage est évidente. Il est à espérer que cela lui serve de leçon et qu’il choisisse dorénavant de manière plus judicieuse les combats pour lesquels il désire s’illustrer.

Références :
Coderre doit s’attaquer à la prostitution
Le maire Coderre veut éradiquer les salons de massage érotique
Un réseau de traite de personnes démantelé par la GRC

Parus depuis :
Montréal songe à tolérer les salons de massage érotique (2014-02-20)
Salons de massage: rien n’a changé à Montréal (2015-03-01)
Comment Paris est passée de « capitale de la prostitution » à « ville de l’amour » (2019-02-14)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pour un modèle humaniste de la prostitution

26 décembre 2013

Historique

Il y a moins d’une semaine, la Cour suprême du Canada, par la voix de la juge en chef Beverley McLachlin, confirmait unanimement la décision rendue il y a trois ans par la juge Susan Himel, de la Cour Supérieure de l’Ontario. Cette dernière avait déclaré inconstitutionnels trois articles majeurs du Code criminel canadien entourant la prostitution.

Depuis longtemps, la prostitution est légale au Canada. Toutefois comme toute activité légale, elle peut être sujette à des limites dictées par l’intérêt public.

Ce que le gouvernement fédéral avait choisi de faire — et sur lequel les tribunaux se sont prononcés — dépassait très largement un cadre législatif visant à limiter une activité légale; le Code criminel du Canada prohibait la sollicitation dans un lieu public, la tenue d’une maison close et la possibilité de vivre des fruits de la prostitution. Bref, plus rien n’était possible. On essayait donc d’empêcher indirectement ce qu’on ne pouvait pas interdire directement.

Pour beaucoup de citoyens (hommes ou femmes), la prostitution est une activité tellement abominable qu’il leur semble impossible d’imaginer que des femmes puissent l’exercer librement. Effectivement, dans la très grande majorité des cas, les femmes sont recrutées par des souteneurs et, sous la menace ou les coups, forcées à exercer ce métier.

Apparemment, ce n’est pas vrai pour toutes les prostituées. Et c’est justement trois d’entre elles qui ont porté leur cause devant les tribunaux.

Essentiellement, ce que ces femmes disaient, c’est que l’acharnement des policiers contre les maisons closes, les agences d’escortes, et les salons de massages, jetaient les femmes à la rue. Or c’est précisément là où elles sont les plus vulnérables.

Effectivement, tous les tueurs en série qui se sont attaqués à des prostituées, ont choisi de s’en prendre à celles qui exercent dans des rues sombres. Parce que ce sont des proies faciles. Il faudrait être très imprudent pour s’adresser à la réception d’un bordel — même en se présentant sous une fausse identité — puisque cela laisse des traces, cela laisse des témoins qui peuvent ultérieurement fournir une description et des indices à des enquêteurs.

De 70% à 90% des prostituées ont subi des agressions physiques. Leur taux de mortalité est quarante fois supérieur à la moyenne nationale.

Donc les tribunaux ont cassé la législation canadienne parce qu’essentiellement, elle jette les prostituées à la rue et, conséquemment, viole l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés qui garantit le « droit à la vie, à la liberté et à la sécurité ».

Les leçons de l’Histoire

Lorsqu’une prostituée s’est approchée de Jésus de Nazareth, certains de ses disciples ont été scandalisés de voir que celui-ci ne la rejetait pas. « Qui se ressemble s’assemble » murmurait-on. Et pourtant, selon le récit sensuel du Nouveau Testament, Jésus s’est laissé répandre des parfums sur les pieds et a laissé cette prostituée essuyer le tout de ses cheveux.

Indépendamment de toute considération quant à la nature divine (ou non) de Jésus de Nazareth, je crois que nous devons, tout comme lui, faire la distinction entre le péché et la pécheresse.

La prostitution a pratiquement toujours existé et elle existera toujours. Autrefois, là où la prostitution n’existait pas, du moins officiellement, c’était qu’elle s’était généralisée dans la sphère domestique. En effet, les historiens parlent de sociétés primitives où il était coutumier d’offrir, en signe d’hospitalité, sa femme ou sa fille au visiteur pour la nuit. C’était le cas (et ce l’est peut-être encore) chez les Inuits du Groënland. Il faudrait être naïf pour imaginer que ces femmes aimaient servir de bonbon à n’importe quel passant.

Bref, des siècles et des siècles de répression se sont soldés par l’échec. Quelles que soient les approches, la prostitution persiste parce qu’elle répond à un besoin. Et pour répondre à ce besoin, des millions de femmes ont été majoritairement forcées à cet esclavage. Toutefois dans une minorité, elles ont exercé ce métier par choix.

Pour une approche différente

L’approche que je propose repose sur deux principes : la sécurité et la liberté.

La putain de rue doit exercer ailleurs

Jusqu’à tout récemment, la cuisine de rue était illégale à Montréal. De manière analogue, il serait justifié — pour les raisons de sécurité invoquées par la Cour suprême — d’interdire toute sollicitation de prostituées dans un lieu public. En contrepartie, cette activité serait permise dans des maisons closes.

Ces établissements devraient être régis comme tout autre commerce. Ils devront donc respecter le zonage et s’établir le long des rues où les commerces peuvent s’implanter.

De plus, des limites quant aux heures d’ouverture pourraient être imposées afin que garantir la quiétude du voisinage.

Permis d’exercice et permis d’exploitation

Les bordels, les agences d’escortes et les salons de massages devront disposer d’un permis d’exploitation.

Les établissements dans lesquels le client doit se déplacer afin de recevoir un service — les bordels et les salons de massage notamment — devront répondre à des exigences minimales en matière de sécurité.

Des caméras de surveillances devront enregistrer tous les déplacements dans les aires publiques de l’établissement. En plus des prestateurs de service, le personnel en service doit comprendre une personne dédiée à l’accueil qui enregistre le temps de chaque prestation, de même que celle qui le dispense et les frais qui auront été exigés.

L’identification formelle du client ne sera pas exigée puisque le but du modèle que je propose est ni d’encourager la prostitution, ni de le décourager.

Dans le but de favoriser l’autonomie financière de la prostituée et d’empêcher que les souteneurs ne se fassent passer pour de simples agents de sécurité, il devrait être interdit à ces établissements de verser à un administrateur ou à un employé se soutient, un salaire supérieure à la moyenne du revenu versé aux prostituées de l’établissement.

En plus du permis d’opération délivré à l’établissement, un permis d’exercice devrait être détenu par chaque praticienne.

Suivi sanitaire et sécuritaire

Chaque prostituée devrait subir un examen médical à intervalles fixes destiné à s’assurer qu’elle ne soit pas porteuse de maladies transmissibles et qu’elle ne porte pas de marques de coups.

Puisqu’il est impossible de distinguer la prostituée violentée par un client, de la prostituée violentée pour la forcer à exercer ce métier, toute violence physique devrait être jugée suspecte.

Tout établissement dont les praticiennes portent un taux jugé anormalement élevé de traces de violences physiques mineures devrait recevoir l’avertissement de prendre les mesures appropriées pour mieux protéger ses employées.

Toute marque de violence majeure (une fracture osseuse, par exemple) entraine automatiquement la suspension temporaire du permis de l’établissement à moins qu’on prouve, hors de tout doute raisonnable, que cet accident n’est pas relié au travail. Toute récidive pourrait entrainer la révocation définitive du permis d’exploitation.

Dans le but de l’obtention ou du renouvellement du permis d’exercice, la prostituée devrait être rencontrée hors de son milieu de travail, de préférence dans un bureau officiel.

Cette entrevue vise non pas à s’assurer qu’elle exerce ce métier de son plein gré puisqu’on n’aura jamais la certitude que la praticienne dit vrai. L’entrevue visera plutôt à offrir le support immédiat de l’État à toute prostituée qui exprime le souhait de se retirer du métier.

Conclusion

L’approche proposée ici repose sur une politique de réduction des méfaits. Tout comme on fournit la méthadone aux Narcomanes afin d’éviter qu’ils ne commettent des vols à main armée dans le but de se procurer l’argent pour s’acheter leur drogue, il s’agit ici de tout mettre en œuvre pour réduire la violence faite aux femmes qui se prostituent.

Il ne s’agit donc pas de combattre la prostitution puisque des siècles de répression ne font que la réduire à la clandestinité.

Références :
Cour suprême et prostitution – Un vrai bordel!
La criminalisation de la prostitution est inconstitutionnelle
La légalisation de la prostitution au Canada

Parus depuis :
Prostitution: pense-t-on aux clientes? (2014-02-27)
Prostitution – Combattre le stigmate de la pute (2014-03-06)
Bilan sévère des effets de la loi de 2016 sur la prostitution (2018-04-12)
La prostitution, stratégie de survie dans le Montréal du XIXe siècle (2021-04-09)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le Conseil du statut de la femme se couvre de ridicule

3 novembre 2010
© — Bandeau du site du Conseil du statut de la femme, au 2010/11/03

Hier l’Institut Simone de Beauvoir de l’Université Concordia accusait le Conseil du statut de la femme (CSF) de manquer de rigueur scientifique dans son opposition à la légalisation de la prostitution. Effectivement, le 29 septembre dernier, en réaction à un jugement de la Cour supérieure de l’Ontario, le CSF déclarait que « la prostitution représente la forme ultime de la violence faite aux femmes.»

Personne ne doute que ce métier puisse comporter des dangers mais comment peut-on soutenir sérieusement qu’il vaut mieux se faire poignarder et mourir vidée de son sang, qu’il vaut mieux être lapidée, ou qu’il vaut mieux être battue à mort, que de choisir d’exercer le métier de prostituée. C’est pourtant ce que soutient le CSF dans sa rhétorique ridicule.

Si, comme le soutient l’Institut Simone de Beauvoir, la littérature scientifique prouve que la répression policière empêche les prostituées de travailler dans un environnement sécuritaire, le CSF rend-il service à ces femmes-là en s’opposant à la légalisation de la prostitution ? Aveuglé peut-être par de nobles principes moraux, le CSF n’est-il pas ainsi le complice involontaire de la violence faite aux travailleuses du sexe ?

Sauf l’avant-dernière phrase du communiqué du CSF, il n’y a rien dans ce document qui est de nature à susciter l’adhésion générale. C’est un fouillis de phrases sans queue ni tête. Par exemple, « la prostitution n’est pas un métier » (c’est quoi alors ?), « il serait dommageable pour toutes les femmes ainsi que pour l’ensemble de la société qu’elle soit légalisée » (je ne vois pas en quoi cela m’affecterait), « elle porte atteinte à l’égalité entre les femmes et les hommes » (dans la mesure où la légalisation concerne autant les hommes prostitués que les femmes prostituées, je ne vois pas de rapport).

En somme, on devrait s’attendre à ce que les avis d’un organisme aussi important que le CSF représente l’excellence en matière de réflexion des femmes au sujet des grands enjeux sociaux. Au lieu de cela, l’opinion du CSF au sujet de la prostitution est un ramassis de phrases creuses qui discréditent cet organisme. On croirait entendre l’écho du Tea Party américain.

Références :
Déclaration de l’Institut Simone de Beauvoir – Une prise de position féministe sur le travail du sexe
La légalisation de la prostitution au Canada
Le Conseil du statut de la femme tourne le dos à la sécurité des travailleuses du sexe
Réaction au jugement de la Cour supérieure de l’Ontario — La prostitution : une atteinte à la dignité des femmes

Paru depuis :
La prostitution, stratégie de survie dans le Montréal du XIXe siècle (2021-04-09)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La légalisation de la prostitution au Canada

11 octobre 2010
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Dans son jugement du 28 septembre dernier, la juge Susan Himel de la Cour Supérieure de l’Ontario a déclaré inconstitutionnels trois articles du Code criminel du Canada entourant la prostitution. Ce sont les articles prohibant la sollicitation dans un lieu public, la tenue d’une maison close et la possibilité de vivre des fruits de la prostitution. En d’autres mots, cette juge a, de facto, décriminalisé la prostitution au Canada. Ce jugement a semé la controverse ; certains ont bien accueilli cette décision (portée depuis en appel) alors que d’autres l’ont condamnée.

Ce qui m’a incité à prendre position à ce sujet, c’est un éditorial du Devoir opposé la légalisation. J’ai été surpris de voir que certaines de celles qui prêchaient hier le droit des femmes de faire ce qu’elles veulent de leur corps — quand il s’agit de se débarrasser d’un fœtus — prêcher aujourd’hui qu’elles ne peuvent pas le louer. J’ai dû manquer une partie de la démonstration parce que cela ne me parait pas très logique. Oui ou non, les femmes ont-elles le droit de mener leur vie comme elles l’entendent ? Ultimement, ont-elles le droit de se tromper et de faire de mauvais choix ? Se sont-elles affranchies d’un pape romain pour devoir se soumettre aussitôt au dogme des papesses de la morale bourgeoise ?

Pour Marie-Andrée Chouinard du Devoir, cette forme d’exploitation sexuelle constitue une marchandisation du corps de la femme. À mon avis, cela est inexact. La femme qui se prostitue ne met pas en location le corps de toutes les femmes, mais seulement le sien. De manière analogue, si un homme se prostitue, cela n’appose pas un prix de location à mon corps à moi. S’il augmente son tarif, mon corps ne prend pas de la valeur. S’il se prostitue à rabais, cela n’a pas de répercussion ni sur moi, ni sur aucun autre homme. Donc madame Chouinard charrie.

Elle ajoute, au sujet des 33 femmes, majoritairement prostituées, assassinées en Colombie-Britannique par un tueur en série : « Ces victimes auraient-elles été épargnées dans une juridiction consacrant le règne des maisons closes légales avec réceptionniste, chauffeur, caméra vidéo et gardiens de sécurité? Il semble qu’on nage ici en pleine utopie. » Pas du tout. Si les prostituées qui exercent en maison close pouvaient choisir leur lieu de pratique comme les médecins le font, elles exerceraient leur métier de manière tout aussi sécuritaire que n’importe quel d’entre eux.

Lors de la sortie aux Pays-Bas du film The Postman, mettant en vedette Kevin Costner, on a loué le Yab Yum — le plus chic bordel d’Amsterdam (photo ci-dessus) — pour y inviter l’acteur américain et sa suite. Celui-ci était d’une humeur exécrable. S’est-il senti permis de passer sa contrariété sur les praticiennes qui s’y trouvaient ? En fait, oui. Mais pas au point de les battre ni de les blesser physiquement. Donc la prostitution sera toujours un métier difficile, légalisé ou non, mais sa légalisation permettra à certaines praticiennes de l’exercer dans des maisons closes de luxe, ce qui est impensable lorsque cette industrie est constamment menacée de perquisitions et de saisies.

D’un autre côté, pour celles qui sollicitent les clients potentiels sur la rue, la légalisation de la prostitution ne les protège pas d’un autre tueur en série. Toutefois, elle leur donne le pouvoir de s’opposer à une multitude d’abus dans l’exercice de leur métier.

Les hommes ont appris que lorsqu’une femme dit non, cela veut dire non. Mais beaucoup de clients de prostituées croient que parce qu’ils paient, ils ont tous les droits et ont droit à tout.

Avec la légalisation de la prostitution, quand une prostituée change d’avis au cours d’une prestation de service — parce qu’elle se rend compte que les exigences du client lui déplaisent ou pour toute autre raison — elle a le droit de refuser. Cela est impensable actuellement. Lorsqu’un client commence à battre une prostituée que peut faire celle-ci ? Aller se plaindre à la police ? Évidemment pas. C’est pourquoi beaucoup d’entre elles sentent le besoin de la protection d’un souteneur qui habituellement finit par abuser d’elles précisément parce qu’il sait qu’elles n’ont aucun recours. Avec la légalisation de la prostitution, les gardes du corps d’une prostituée deviennent ses employés et conséquemment, lui doivent le respect.

Et si une prostituée refuse de dispenser un service payé d’avance, que risque-t-elle ? La même chose qu’une commerçante de mauvaise foi. Quel client a le droit de battre une vendeuse parce qu’elle refuse de le rembourser ? Ce sera la même chose avec la légalisation de la prostitution. Dispensateurs et clients auront des moyens légaux de résoudre leurs conflits, d’où une diminution de la violence.

De plus, contrairement à une idée reçue, les prostituées n’entretiennent pas dans l’esprit de leurs clients l’idée que le corps de la femme est un objet de location. Le client a déjà la perception que certaines femmes sont à louer au moment où il entame la recherche d’une prostituée. Le consentement d’une d’entre elles ne fait que confirmer sa présomption de départ. Mais si toutes les femmes refusaient de se prostituer, ne serait-il pas forcé de changer d’avis ? Oui, très certainement. Mais quelles sont les probabilités que cela arrive ?

Pour Marie Charbonniaud de Châtelaine, des rapports sexuels impersonnels et répétés entraine une désensibilisation par rapport au corps et aux sentiments, ce qui peut mener à la dépression, voire au suicide (des prostituées). Hmmm… se peut-il que la toxicomanie, présente chez une bonne partie d’entre elles, soit la cause plus immédiate de ces suicides et que la dépréciation de l’estime de soi qu’entraine ce métier ne soit qu’un facteur contributif habituellement secondaire ?

Rose Dufour de la Maison Marthe écrit : « modifier les articles du Code criminel canadien dans ce sens donnerait aux proxénètes et aux acheteurs de sexe le droit constitutionnel et la légitimité de vendre nos femmes ». Je sens ici un peu d’exagération. Le jugement de la Cour suprême de l’Ontario ne permet pas de contraindre les femmes à faire quoi que ce soit contre leur gré. Il leur permet simplement de louer leur corps si elles le désirent.

Il est vrai que cela donne le feu vert à des entrepreneurs pour structurer cette industrie à leur profit. Lorsque j’ai visité Amsterdam en 2006, j’ai bien vu dans les vitrines des maisonnettes qui entourent l’église Oude Kerk, que les prostituées sont majoritairement slaves ou latino-américaines. Donc, on les a fait venir d’ailleurs pour répondre aux besoins d’une clientèle touristique, essentiellement.

La légalisation de la prostitution au Canada, risque-t-elle d’entrainer un phénomène similaire ? Sans aucun doute. Et après ? Que des touristes américains trouvent ici une liberté qui leur manque dans leur pays d’origine et qu’ils viennent ainsi contribuer à la prospérité de notre économie, est-ce si mal que cela ? Montréal a profité de la prohibition de l’alcool aux États-Unis au début du XXe siècle : pourquoi ne profiterions-nous pas de la manie actuelle de la Droite religieuse américaine de vouloir imposer ses valeurs morales puritaines à ceux qui ne les partagent pas ?

Ce qui compte, c’est la manière dont cette industrie sera encadrée. Voulons-nous voir des femmes aux seins nus dans des vitrines de magasin sur la rue Sainte-Catherine ? Voulons-nous être harcelés par des publicistes de l’industrie du sexe sur toutes les rues commerciales de la ville ? Au sortir de l’école, voulons-nous voir nos adolescentes se faire offrir des emplois bien rémunérés dans cette industrie ? Probablement pas. C’est ce qu’il faut prévoir maintenant. C’est pourquoi nous devons envisager cette légalisation d’un point de vue pragmatique et non idéologique.

Références :
La prostitution en Nouvelle-Zélande
Maisons closes: le débat est ouvert
Ontario – Un jugement ouvre la porte à la décriminalisation de la prostitution
Prostitution – Rien de banal!

Parus depuis :
Simone de Beauvoir souhaiterait une décriminalisation de la prostitution (2013-06-15)
Amnistie vote pour la décriminalisation de la prostitution et du proxénétisme (2015-08-11)
Le travail du sexe est souvent un choix, selon une recherche de l’Université de Victoria (2017-02-10)
Bilan sévère des effets de la loi de 2016 sur la prostitution (2018-04-12)
La prostitution, stratégie de survie dans le Montréal du XIXe siècle (2021-04-09)

Détails techniques de la photo : Canon Powershot G6 — 1/400 sec. — F/2,0 — ISO 50 — 7,2 mm

Post-scriptum : Trois ans après la rédaction de ce texte, la Cour suprême du Canada a confirmé — par un jugement unanime — que l’interdiction des bordels, du proxénétisme et la sollicitation était anticonstitutionnel au Canada.

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Écrit par Jean-Pierre Martel