Le projet de loi 59 est une passoire

2 décembre 2015

Au début de cette année, on apprenait que des étudiants québécois avaient quitté le pays apparemment pour combattre au sein des milices de l’État islamique.

À la même époque, un arrondissement de Montréal avait dû modifier sa règlementation afin d’empêcher l’ouverture d’un centre communautaire par un imam. Précédemment, ce dernier avait été chassé d’une mosquée existante pour ses propos jugés radicaux par les fidèles : ce centre communautaire devait, dans les faits, servir de mosquée lui permettant d’exprimer ses idées.

Les maisons d’enseignements et les villes se sentent mal outillées lorsqu’on leur demande de servir de remparts contre la radicalisation. Ce n’est pas leur rôle.

En contrepartie, elles n’ont habituellement pas la force de s’opposer à l’islamophobie ambiante quand il s’agit de protéger les droits fondamentaux des Musulmans (environ 3% de la population québécoise).

Voilà pourquoi il est du rôle des gouvernements supérieurs d’agir dans ce domaine.

En réponse à cette inquiétude, le gouvernement du Québec avait promis de s’attaquer à la radicalisation islamiste.

Mais désireux d’éviter les ‘amalgames’ — le dernier mot à la mode — le gouvernement Couillard a préféré agir de manière plus vaste en s’attaquant au discours haineux.

En soi, cette intention est louable.

On a donc présenté un projet de loi intitulé : « Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes ».

Comme son nom bavard l’indique, ce projet de loi contient des dispositions qui n’ont pas de rapport avec la lutte à la haine et qui dépassent donc le cadre de ce texte.

Alors que dit ce projet de loi ?

Tout repose sur son premier article.

Celui-ci établit que cette loi s’applique aux discours haineux et aux discours incitant à la violence concernant les personnes protégées de la discrimination par la Charte québécoise des droits et libertés.

Voyons un exemple concret.

Si un imam québécois prêche qu’un texte est une insulte à l’Islam et que son auteur devrait être puni de la peine de mort, est-ce un discours haineux ou un discours incitant à la violence ? De toute évidence, oui. Mais est-ce contraire au projet de loi 59 ? Malheureusement non.

En effet, le projet de loi n’interdit pas tous les discours haineux, mais seulement ceux qui visent les personnes qui appartiennent à un groupe protégé de la discrimination en vertu de la Charte québécoise des droits et libertés.

Si l’imam précise qu’on devrait assassiner l’auteur peu importe sa race, son sexe, son orientation sexuelle, son état civil, son âge, ses convictions politiques, sa langue, sa religion, etc., il ne commet aucune discrimination. Conséquemment cela n’est pas contraire au projet de loi 59.

Ce qui ne veut pas dire que sa prédication ne serait pas contraire à une disposition actuelle du Code criminel. Mais la loi 59 n’ajouterait rien de plus.

Par peur des ‘amalgames’, cette loi prétend interdire une finalité (la radicalisation) sans rien faire contre chacune des étapes qui conduisent à cette finalité.

Interdirons-nous le financement de mosquées québécoises par l’Arabie saoudite ? Non.

Interdirons-nous la promotion au Québec des interprétations les plus radicales de l’Islam, les interprétations qui font honte à la grande majorité des Musulmans d’ici ? Non.

Interdirons-nous à un professeur de suggérer à ses élèves la lecture d’un texte anodin publié sur l’internet, mais sur lequel apparaissent également des hyperliens vers des discours d’Oussama ben Laden ou des textes de propagande de l’État islamique ? Non.

Et si un professeur impose à ses étudiants un devoir qui consiste à réaliser une affiche de propagande de l’État islamique, est-ce du discours haineux ou violent ? L’affiche réalisée par un élève pourrait l’être mais certainement pas le devoir du professeur.

Les dirigeants d’école, les maires et les officiers d’organismes publics qui espéraient des moyens d’agir sont abandonnés à leur sort par un gouvernement obsédé par son désir de se distinguer de son principal adversaire politique, présenté comme xénophobe et intolérant.

En somme, de la petite politique qui nous protège de rien.


Post scriptum : Dans l’édition de novembre 2015 de L’Action nationale, Marc Laroche — détenteur d’un diplôme d’études supérieures en sciences des religions — suggère l’encadrement législatif suivant :

Ne délivrer un permis de construction ou de location d’un lieu de rassemblement (temple, église, mosquée, synagogue, etc.) — et de tout lieu faisant office de lieu de culte (mon ajout) — que si les responsables de groupes religieux ou idéologiques s’engagent par écrit à ce qu’aucun passage incitant à la violence grave contenu dans leurs textes référentiels n’y soit professé.

S’il est démontré par la suite qu’un tel groupe contrevient à cette règle, il sera condamné pour terrorisme et dissous, et ses biens, meubles et immeubles seront confisqués par l’État.


Références :
De jeunes Québécois soupçonnés d’avoir rejoint des djihadistes en Syrie
L’imam Hamza Chaoui n’aura pas de permis de la Ville de Montréal
Projet de loi 59 (version originelle)
Un professeur demande à ses élèves de réaliser une affiche de propagande de l’EI


Deuxième post-scriptum (26 mai 2016) : La ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, a annoncé aujourd’hui l’abandon de la partie 1 du projet de loi 59. Inefficace, cette la partie de la loi visait à combattre l’intégrisme et la radicalisation.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Impopularité de l’État islamique auprès des Musulmans

1 décembre 2015

Le Pew Research Center (PRC) est un organisme américain sans but lucratif créé en 1948 par le fondateur de la Sun Oil Company, Joseph-N. Pew, et son épouse Mary Anderson-Pew.

En mars et avril 2015, le PRC a réalisé un sondage aléatoire (par téléphone ou face à face) dans quarante pays. Dans chacun de ceux-ci, au moins 947 adultes ont été interrogés.

Onze de ces pays sont peuplés majoritairement ou en grande partie de Musulmans. Les pays musulmans qui en ont été exclus l’ont été pour des raisons sécuritaires ou parce que le PRC n’est pas été autorisé à y effectuer des sondages.


Avez-vous une opinion favorable ou défavorable de l’organisation appelée État islamique ?
Impopularite_EI
 
Dans chacun d’eux, la proportion des citoyens qui ont une opinion péjorative (en rouge) de l’État islamique dépassait très largement le pourcentage de ceux qui en ont une opinion favorable (en vert).

Du lot, le Pakistan se distingue par la très forte proportion d’indécis (62%).

L’impopularité de l’État islamique auprès des Musulmans s’explique sans doute par le fait que ce sont eux les principales victimes de cette organisation terroriste.

Référence : In nations with significant Muslim populations, much disdain for ISIS

Complément de lecture : Impopularité d’Al-Qaida chez les Musulmans

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La stratégie militaire de la coalition en Syrie est inefficace

27 novembre 2015

Quatorze années de bombardements ne sont pas venues à bout d’Al-Qaida.

Les combats et les bombardement des villes sont responsables de la crise migratoire syrienne. Davantage de bombes sur ces villes entraineront davantage de réfugiés et davantage de pertes civiles (ce dont on ne parle jamais).

Si les pays hostiles à l’État islamique (ÉI) s’étaient attaqués à sa principale source de financement — la vente de pétrole à la Turquie — les coffres de l’ÉI seraient vides depuis longtemps.

Mais la stratégie militaire de la coalition consiste à bombarder, dans des villes densément peuplées, ce qu’on croit être des casernes, ce qu’on croit être des arsenaux, ce qu’on croit être des centres de commandement, etc.

Or les bombardements dits ‘chirurgicaux’ le sont seulement lorsqu’on sait ce qu’on fait, ce qui n’est pas le cas.

En effet, la coalition n’a pas de combattants au sol à l’intérieur du califat qui pourraient préciser les cibles à détruire.

On rémunère donc les conducteurs de camions-citernes qui font la navette entre la Turquie et l’ÉI afin qu’ils renseignent les services secrets occidentaux. Ces conducteurs sont les seuls à entrer et sortir librement du califat.

Et parce qu’on a besoin d’eux et de la complicité de la Turquie pour les interroger et les rémunérer, on se refuse à tarir les exportations de pétrole parce qu’on a besoin de ces ‘espions’.

Notre seul espoir de voir un pays réellement s’attaquer à l’ÉI, repose donc sur la Russie.

En effet, si elle bombarde les sites d’extraction pétrolière situés sur le territoire du califat, elle s’attaque à la fois à l’ÉI et à la Turquie. Elle ferait alors une pierre deux coups.

Toutefois, soyons clairs : en détruisant les sites d’extraction pétrolière du califat, la Russie ne détruirait pas l’ÉI; la Russie faciliterait seulement la conquête militaire du califat, ce qui forcerait l’ÉI décimée à la clandestinité.

Parus depuis :
Le groupe EI engrange 80 millions de dollars par mois (2015-12-08)
If the Castle Falls: Ideology and Objectives of the Syrian Rebellion (2015-12-21)
US-led airstrikes against Islamic State in Syria and Iraq – interactive (2016-01-08)
Terrorisme: le patron du SCRS prévoit «des décennies» de lutte (2016-03-08)

Compléments de lecture :
Isis Inc: how oil fuels the jihadi terrorists
L’État islamique : un trou noir


Compléments de lecture :
L’ABC de la guerre syrienne (1re partie)
L’ABC de la guerre syrienne (2e partie)
L’ABC de la guerre syrienne (3e partie)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Belgique : le syndrome de l’huitre

25 novembre 2015

Alertée de la probabilité d’un attentat terroriste, la Belgique a décidé de se refermer comme une huitre.

Depuis plusieurs jours, les écoles sont fermées, le métro ne fonctionne plus et l’activité économique du pays tourne au ralenti.

Peu à peu, ces mesures seront levées prochainement.

La question que tous les Belges se posent est la suivante : ces précautions, ont-elles prévenu la commission d’un attentat ou l’ont-elles reportée à plus tard ?

À défaut d’avoir identifié les personnes qui se proposent de commettre un attentat et d’avoir procédé à leur arrestation préventive, tout ce qu’on a fait, c’est de forcer les comploteurs à différer leur méfait.

Cela démontre deux choses.

Premièrement, en dépit de la masse colossale de données que les agences de renseignements accumulent à notre sujet, ils n’arrivent pas à les interpréter de manière à prévenir des attentats terroristes.

Ils sont convaincus — probablement à juste titre — qu’un attentat est imminent en Belgique. Mais où ? Comment ? Par qui ? Ils ne savent pas.

Après qu’un attentat ait été commis, les services de renseignements peuvent consulter ces données et remonter dans le temps à la recherche de complices et de lieux où les malfaiteurs se cacheraient encore. Après un attentat, ils sont très efficaces. Avant…

Deuxièmement, on réalise qu’il y a incompatibilité totale entre sécurité et liberté.

Si on désire la protection absolue contre le danger, on ne traverse plus les rues par peur d’un accident automobile, on ne sort plus de chez soi par crainte des malfaiteurs, on ne mange plus ceci ou cela à cause du contenu en cholestérol, des résidus de pesticides, des OGM, etc. Bref, on se laisse mourir de faim ou d’ennui.

Conséquemment, vivre c’est prendre des risques.

En entr’ouvrant sa coquille, la Belgique devient inévitablement vulnérable. Si effectivement un attentat se préparait et n’était qu’en attente d’être commis, beaucoup de personnes rendront les dirigeants du pays responsables de ce drame.

D’avance, ils ont tort.

Les coupables des attentats sont toujours ceux qui les commettent et ceux qui les financent.

S’il y a négligence, elle a été commise par ceux qui dirigeaient le pays dans le passé et qui ont tardé à s’attaquer à la racine du mal, soit la promotion de la haine.

Pour l’instant, craindre le pire est normal. Mais se laisser envahir par le syndrome de l’huitre, c’est céder la victoire aux terroristes.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Belgique : les mesures antiterroristes

24 novembre 2015

Pressé d’agir par les circonstances, le gouvernement belge a adopté dernièrement un plan en trois volets de lutte au terrorisme.

Le premier volet comprend des mesures contre les individus dangereux :
•  l’emprisonnement pour tous les djihadistes belges de retour au pays,
•  le port d’un bracelet électronique pour toutes les personnes fichées par les services d’analyse de la menace,
•  la création immédiate d’une liste de passagers dangereux dans les transports (avions et trains à grande vitesse), sans attendre celle que les autorités européennes doivent créer d’ici peu,
•  l’adoption d’un plan d’action spécial pour le quartier bruxellois de Molenbeek, qualifié à l’étranger de ‘Belgistan’ (voir note ci-dessous),
•  la déchéance de la nationalité belge en cas de condamnation pour terrorisme d’un citoyen possédant une double citoyenneté.

Suivent les mesures destinées à renforcer la sécurité :
•  les perquisitions pourront avoir lieu n’importe quand en matière de terrorisme,
•  avant que ne soit portée une accusation devant les tribunaux, la durée maximale des gardes à vue (appelées en Amérique du Nord « mise en état d’arrestation ») passera de 24h à 72h dans les cas de terrorisme,
•  l’interdiction de l’achat anonyme de cartes de téléphones pré-payées,
•  l’élargissement de l’éventail des méthodes de recherche antiterroriste (empreintes vocales et élargissement des écoutes téléphoniques, notamment concernant le trafic d’armes),
•  le renforcent des vérifications à l’embauche pour des emplois sensibles,
•  l’accroissement du réseau de caméras de surveillance et de reconnaissance des plaques minéralogiques.

Pour terminer, on a adopté des mesures contre la radicalisation :
•  les prêcheurs extrémistes étrangers seront expulsés,
•  tous les prédicateurs belges seront ‘screenés’ (selon le mot vague de la télévision belge) en vue de les assigner à résidence si cela est jugé approprié,
•  les lieux de culte non reconnus qui diffusent le djihadisme seront fermés,
•  les sites internet qui véhiculent la haine cesseront leurs activités.

Pour l’instant, 520 militaires vont être déployés pour renforcer la sécurité du royaume belge et les contrôles seront renforcés aux frontières.

Le cout des nouvelles mesures belges contre le terrorisme est estimé à 420 millions d’euros.

Note du 19 mars 2016 : Lors de l’arrestation à Molenbeek du dernier terroriste encore vivant ayant participé aux attentats de Paris, les policiers belges qui ont mené l’assaut ont dû se protéger des projectiles lancés par des habitants du quartier.

Référence : Voici les 18 nouvelles mesures du gouvernement pour lutter contre le terrorisme

Paru depuis : Attentats de Paris – Abdeslam arrêté à Bruxelles (2016-03-19)

À lire également :
La police italienne saisit 781 fusils à pompe turcs destinés à la Belgique (2015-11-26)
Guerre en Syrie : “Il y a un gouffre béant entre la télévision arabe et la télévision occidentale” (2015-12-16)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Lutte contre l’État islamique : l’importance de la diplomatie française

20 novembre 2015

Introduction

Elle est finie l’époque où un pays déclarait la guerre à un autre en lui transmettant une déclaration par le biais d’un ambassadeur.

Le carnage du 13 novembre dernier à Paris a été une déclaration de guerre implicite de l’État islamique (ÉI) contre la France. Tout comme les attaques de Pearl Harbor en 1941 ont été une déclaration de guerre implicite du Japon envers les États-Unis.

Mais est-ce bien comparable ? L’ÉI est-il un État ?

Un pays officieux

Jusqu’ici, les gouvernements de nombreux pays (dont le Canada) préféraient qu’on parle des milices de l’État islamique plutôt que d’État islamique.

De nos jours, on parlera aussi de Daech, un acronyme basé sur la transcription phonétique de mots arabes Dawlat islamiya fi ’iraq wa sham qui signifient État islamique en Irak et au levant. Bref, du pareil au même.

Pendant un certain temps sur ce blogue, j’ai suivi cette directive non écrite; en septembre 2014, je parlais encore de l’organisation État islamique.

Mais il faut nous rendre à l’évidence; dans les faits, c’est un État. Ses frontières ont beau fluctuer au gré des combats, ce pays a beau ne jouir d’aucune reconnaissance officielle, ce qui ne change rien au fait qu’il a tous les attributs d’un État.

L’État islamique contrôle un territoire qu’il appelle califat. Il y assure l’ordre. Il y prélève des taxes et impôts. Il y distribue des services (dispensaires et enseignement coranique, notamment).

On pourra le conquérir et, une fois qu’il aura été défait, l’annexer à ce qu’on voudra : pour l’instant, c’est un pays.

L’efficacité de la diplomatie française

Lorsqu’on entre en guerre, toutes les forces de l’État n’ont qu’un seul but; vaincre l’ennemi. Or une des forces de la France, c’est la compétence et l’efficacité de son corps diplomatique.

Il faut s’enlever de l’esprit ce cliché voulant que le travail d’un ambassadeur consiste à courir les cocktails d’une ambassade à l’autre.

Les autorités françaises ont entrepris un important ballet diplomatique entre les grandes capitales et cette initiative commence déjà à porter fruit.

Jusqu’ici, la coalition militaire contre l’ÉI n’avait pas pour but d’anéantir le califat, mais de susciter le chaos et l’anarchie de manière à inciter les pays voisins de se protéger en achetant des armes auprès des dirigeants de cette coalition (qui sont des producteurs d’armements).

Si le but avait été d’anéantir l’ÉI, on l’aurait d’abord vulnérabilisé en sapant ses sources de financement, la principale étant la vente de pétrole extrait du territoire qu’il contrôle.

Grâce à la diplomatie française, les choses commencent à changer.

Cette semaine, le quotidien Le Monde nous apprend qu’après consultation avec les représentants français, le Pentagone avait décidé détruire les centres de distribution du pétrole tenus par l’ÉI, ainsi que leurs convois partant en direction de la Turquie. À noter : on parle ici de distribution et non de production.

Selon la revue Foreign Policy, les responsables militaires américains sont arrivés à la conclusion que la campagne aérienne contre les infrastructures pétrolières de Syrie — infrastructures qui ont rapporté des centaines millions de dollars à l’EI ces deux dernières années — avait été trop prudente (un euphémisme pour dire qu’ils n’ont rien fait).

On a donc mis sur pied d’une nouvelle opération baptisée Tidal Wave II, en référence à la campagne qui avait détruit les champs pétroliers de l’Allemagne nazie en Roumanie durant la Deuxième Guerre mondiale.

Le 15 novembre dernier, des frappes ont détruit 116 camions-citernes stationnés près de la frontière irakienne, à Abou Kamal.

En Syrie seulement, l’ÉI contrôle 253 puits de pétrole. À certains de ces puits, les camions-citernes en attente de ravitaillement forment des queues longues de six kilomètres.

On voit donc que la destruction de 116 camions-citernes n’est qu’un début. Ce qu’on cherche à faire pour l’instant, ce n’est pas de détruire les sites d’extraction, mais de faire en sorte que leur accès soit encombré par les carcasses des camions-citernes bombardés.

Dans le fond, on arrive au même résultat que le bombardement des puits de pétrole. L’opération Tidal Wave II possède l’avantage de pouvoir remettre en service ces sites pétroliers aussitôt l’ÉI vaincue, le cas échéant.

Le but de la guerre contre l’ÉI

Ira-t-on plus loin en détruisant les puits de pétrole eux-mêmes ? Du point de vue strictement militaire, cela n’est pas nécessaire; empêcher l’accès suffit. Toutefois la guerre est soumise à d’autres impératifs.

Le but de la guerre contre l’ÉI n’est pas d’anéantir le califat; en une décennie de guerre, les États-Unis ne sont pas venus à bout d’Al-Qaida.

Cette guerre a deux objectifs.

Le premier est de punir de manière spectaculaire l’ÉI en lui infligeant une vulnérabilité dont il ne se remettra jamais.

Le deuxième est de tracer aux yeux de tous les mouvements terroristes à travers le monde, une ligne rouge qui est la limite à ne pas dépasser.

Massacrez-vous entre milices hostiles : pas de problème. Massacrez des populations loin de nous et nous vous condamnerons du bout des lèvres sans qu’il ne vous arrive rien. Mais touchez à un cheveu de nos citoyens ici même sur le territoire national et notre colère sera terrible. Voilà le message.

Une leçon pour le Canada

Pendant les années du régime despotique de Steven Harper, le Canada a considérablement perdu de son influence internationale.

Obéissant à des politiques économiques à courte vue (basées exclusivement sur l’exploitation pétrolière), le Canada s’est présenté au monde comme un pays qui n’hésite pas à renier ses engagements, à tenter de saboter les conférences destinées à combattre le réchauffement climatique, et qui ferme les yeux sur toutes les violations des droits de l’Homme commises par des régimes d’extrême droite (dont l’Arabie saoudite).

En 2010, lorsqu’il s’est agi de combler une vacance à son Conseil de sécurité, l’ONU a infligé une gifle au Canada en préférant le Portugal à notre pays.

On ne sait jamais lorsqu’on aura besoin des autres. En devenant un pays en marge des préoccupations mondiales, le gouvernement Harper a placé le Canada dans une situation délicate.

Voilà pourquoi il est important de rétablir la réputation internationale de notre pays, ce à quoi s’emploie justement le nouveau gouvernement canadien.

Références :
Daesh gagnerait 50 millions de dollars chaque mois sur la vente du pétrole
Esclavage, rançons, pétrole, pillage… comment se finance l’Etat islamique
Hitting the Islamic State’s Oil Isn’t Enough
Le Canada reçoit une gifle à l’ONU
L’État islamique : un trou noir
Raids aériens pour « casser la machine » Etat islamique

Parus depuis :
Frappes d’une rare intensité en Syrie (2015-11-21)
La France exclut l’envoi de forces spéciales (2015-11-23)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La sélection des réfugiés syriens au Canada

18 novembre 2015

Introduction

Ces jours-ci, s’il est un sujet qui est l’objet d’intenses débats au Québec comme en Europe, c’est celui de la ‘dangerosité’ des immigrants syriens.

À proximité d’un des trois terroristes qui se sont fait exploser à l’extérieur du stade de France, la police a trouvé un passeport syrien.

En soi, cela ne prouve rien.

Le passeport syrien

Au moment où ces lignes sont écrites, il n’existe aucune preuve que ce passeport était celui d’un de ces trois terroristes.

Et pourquoi l’un d’entre eux aurait-il transporté un passeport falsifié ou un passeport appartenant à quelqu’un d’autre ?

Selon l’État islamique, tout Musulman a le devoir d’immigrer au califat. En effet, celui-ci est le seul endroit au monde où le Musulman peut, selon l’ÉI, vivre l’Islam authentique, celui imaginé par le Prophète et régi par les règles qui prévalaient en Arabie à son époque.

Comme pour n’importe quelle armée, les combattants qui quittent ses rangs sont coupables de trahison.

Les citoyens qui abandonnent le califat et qui révèlent les raisons qui les motivent à aller vivre ailleurs, ne peuvent que nuire à l’image que s’est créée l’État islamique sur les médias sociaux. Il est donc interdit à ses citoyens d’émigrer.

Le meilleur moyen d’arrêter l’exode de ses citoyens, c’est de faire craindre que des terroristes se cachent parmi eux. Donc il est possible que ce passeport soit une ruse de l’État islamique.

Pour l’instant, si personne ne peut garantir qu’il est vrai, personne ne peut non plus garantir qu’il est faux.

D’où l’importance des mesures employées pour pallier au risque sécuritaire que comporte cette crise migratoire.

Le tamisage des réfugiés syriens

Presque trois millions de Syriens ont trouvé refuge principalement en Turquie et au Liban. Sur les 2,2 millions d’entre eux en Turquie, seulement 260 000 vivent dans des camps de réfugiés installés le long de la frontière syrienne.

Les 1,9 million de réfugiés syriens qui vivent en Turquie hors des camps habitent dans les villes du pays, dont 350 000 à Istanbul.

Le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR) visite régulièrement ces camps.

Le HCR n’a pas les effectifs qu’il lui faudrait pour faire le suivi des réfugiés qui se dispersent au sein de la société d’accueil.

Par conséquent, seuls ceux qui vivent depuis des mois ou des années dans des camps sont officiellement sur sa liste des demandeurs d’asile.

Ces demandeurs doivent fournir une série d’informations personnelles et détailler les raisons pour lesquelles ils craignent pour leur vie. Les employés du HCR, qui ont trié des milliers de demandes au fil des ans, ne retiennent que les plus vulnérables.

Peter Showler, ex-président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, confirme : « Les dossiers des catégories à haut risque — un homme célibataire qui serait arrivé dans le camp il y a six mois d’une région où il y a des combats — ne sont même pas transférés pour que les ambassades les étudient à leur tour. »

Au Liban, où se trouvent 1,4 million de réfugiés (dans les camps et hors de ceux-ci), le HCR n’a transmis que 10 000 noms aux ambassades internationales. Cela représente 0.7% des réfugiés de ce pays.

Si l’État islamique voulait cacher des hommes parmi les réfugiés, il lui faudrait se priver de 140 combattants au front pour en avoir un seul inscrit sur la liste de l’ONU et, ce sans savoir s’il sera finalement accepté par un pays hôte.

S’il est facile de cacher des combattants parmi le flot des réfugiés qui forcent les portes de l’Europe, il est totalement inefficace d’essayer de passer par la filière de l’ONU.

Une fois recommandés par le HCR, ces demandeurs seront ensuite interrogés par un agent d’immigration du Canada. Un entretien d’une heure au cours duquel le fonctionnaire s’assure que le récit fourni au HCR tient la route.

Suivent les vérifications de la Gendarmerie royale du Canada, du Service canadien du renseignement de sécurité, et de l’Agence des services frontaliers, qui consultent leurs bases de données et celles des pays alliés.

Finalement, ceux qui réussissent ces tests sont soumis aux contrôles de médicaux du Québec. Ces tests visent à déceler les maladies contagieuses (la tuberculose et le sida, par exemple), de même que les problèmes de santé mentale.

Précisons que la découverte de tuberculose n’est pas un critère d’exclusion puisque cette maladie est traitable.

Références :
Baptême du feu
Crise migratoire : pourquoi maintenant ?
Il faut résister à la tentation de la méfiance
L’État islamique : un trou noir
Réfugiés syriens au Canada – Plus qu’un simple pèlerinage

Parus depuis : Migrants – L’échec du groupe État islamique (2015-11-21)
Fewer than 0.1% of Syrians in Turkey in line for work permits (2016-04-11)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le terrorisme nouveau

17 novembre 2015

Jusqu’au carnage récent à Paris, l’État islamique (ÉI) et Al-Qaida se distinguaient par deux choses.

Al-Qaida n’a jamais cherché à conquérir un territoire. Disposer de quelques bases d’entrainement ici et là en Asie et en Afrique lui suffisait. Au contraire, la possession d’un territoire afin d’y assoir un califat est à la base des ambitions de l’État islamique.

De plus, Al-Qaida entrainait des combattants à commettre des attentats à l’étranger, ce qui n’était pas le cas de l’ÉI. Du moins jusqu’ici.

Sur ce dernier point, ce n’est plus vrai.

Ce qui est beaucoup plus grave, c’est que l’ÉI a ‘démocratisé’ le terrorisme.

Al-Qaida a mené un grand nombre d’attentats à travers le monde. Mais ce qui l’a fait naître aux yeux du grand public, ce qui a fait sa gloire auprès de ses financiers, ce sont les attentats du 11 septembre 2001. Ceux-ci se caractérisent par l’importance des ressources mises en œuvre.

Ce que l’ÉI a prouvé à Paris, c’est qu’on pouvait organiser un attentat terroriste qui frappe autant l’esprit, avec presque rien; il suffit de quelques kalachnikovs et d’une automobile pour commettre un carnage dont toute la planète parlera.

En fait, ce type d’attentats n’est pas nouveau. Il suffit de consulter l’histoire des guerres d’indépendance au Maghreb ou des guerres civiles au Proche-Orient pour trouver des antécédents de foules mitraillées soudainement sur la voie publique sans autre raison que celle d’être des cibles faciles.

Mais depuis longtemps, la trace de ces drames n’a été conservée que dans des livres d’histoire ensevelis sous la poussière de nos bibliothèques.

L’ÉI a donc remis au goût du jour ce terrorisme facile et l’a exporté en Occident. Comme le Beaujolais, on découvre donc ce terrorisme nouveau, léger et frais.

Il est donc certain que de pareils attentats se répéteront bientôt ailleurs parce qu’ils sont presque impossibles à prévenir et parce qu’ils sont indécelables sur le radar des services de renseignements (comme on l’a vu à Paris).

Et puisque nous en parlons, j’aimerais aborder deux questions que tout le monde se pose.

Pourquoi Paris ?

On peut trouver des indices de réponse dans le communiqué publié par l’État islamique, celui dans lequel le califat revendiquait la responsabilité du carnage du 13 novembre 2015.

« Dans une attaque bénie, (…) un groupe de croyants des soldats du Califat (…) a pris pour cible la capitale des abominations et de la perversion (…), Paris.

Huit frères (…) ont pris pour cible des endroits choisis minutieusement à l’avance au cœur de la capitale française; le stade de France lors du match de deux pays (en croisade contre nous,) la France et l’Allemagne (…), le Bataclan où étaient rassemblés des centaines d’idolâtres dans une fête de perversité ainsi que d’autres cibles dans le dixième, le onzième et le dix-huitième arrondissement et ce, simultanément. »

À leurs yeux, Paris est la capitale des abominations et de la perversion. Paris est comme cette femme fière et libre dont la joie resplendissante est une offense aux yeux de la bigote qui s’enferme dans le malheur en se privant de tous les plaisirs du monde.

En somme, Paris est une ville symbolique. C’est d’ailleurs pourquoi un attentat dans cette ville a plus d’impact médiatique qu’un attentat survenu à Beyrouth ou ailleurs.

Mais je crois qu’il y a aussi une autre raison, plus pratique.

J’ai visité Paris en 2003, en 2004, en 2014 et le mois dernier. Ce qui m’a frappé, c’est à quel point Paris est peuplé. Non pas que la densité urbaine y atteigne des records, mais il y a foule souvent, partout.

En comparaison avec mes visites antérieures, il y a une décennie, j’ai l’impression qu’il y a deux fois plus de voitures dans ses rues. Le métro, bondé à Montparnasse il y a une décennie, est bondé sur plusieurs lignes principales de nos jours en dépit du fait que ses trains s’y succèdent aux deux minutes.

Le moindre obstacle à la sortie du métro (ici la mendiante, là une personne arrêtée à répondre à son téléphone portable sans se soucier des autres, plus loin ce vélo stationné au mauvais endroit) crée des goulots d’étranglement et fait en sorte que la journée à Paris ressemble souvent à une course à obstacles.

Et surtout, les terrasses de ses cafés et restaurants y sont noires de monde dès qu’il fait beau.

Conséquemment, n’importe quel terroriste y trouvera partout des cibles nombreuses contres lesquelles assouvir sa haine.

Et c’est une ville touristique qui accueille des millions de personnes par année. Aucun étranger — et à plus forte, raison aucun terroriste français — n’y attire l’attention.

À quoi devrait-on s’attendre ?

Tous ceux qui connaissent bien l’histoire de la France depuis la guerre d’Algérie savent que la réponse de l’État français aux milieux terroristes sera foudroyante, tant au Moyen-Orient, que sur le territoire national. En deux mots, la récréation est terminée. Du moins, pour quelques mois.

Mais tous ces moyens n’arrêteront pas le terrorisme. Pas plus qu’un mur n’arrête le vent.

Les gens sont fascinés par le succès. Quand un film est immensément populaire, on cherche à lui donner une suite.

C’est la même chose pour le terrorisme. L’ÉI a montré comment c’était facile de tuer une centaine de personnes. Attendons-nous à ce que les attentats de Paris fassent tache d’huile.

Ce qui m’amène à répéter : on ne peut prévenir le terrorisme par des moyens militaires ou par des services de renseignements. Il faut aller à la cause du terrorisme. Or le terrorisme n’est rien d’autre que la concrétisation de la haine.

Cette haine se nourrit du ressentiment des Musulmans à l’égard des pays occidentaux. Ce contentieux est la sève du djihadisme. Il s’articule autour de deux pôles : la guerre coloniale d’Israël en Palestine et la multiplication des guerres suscitées par les pays occidentaux dans des pays musulmans.

Tout près de l’Europe, on ne peut pas propager la guerre et le malheur sans que cela se répercute en Occident sous forme de vagues migratoires et d’attentats terroristes.

Au-delà des bombes françaises qui tomberont sur le califat parce que le carnage de Paris ne peut rester impuni, il faudra bien réaliser que ce sont d’autres bombes occidentales qui ont créé le fiasco duquel est né l’ÉI.

Puissions-nous un jour apprendre à agir autrement.

Références :
Communiqué de l’État islamique
L’État islamique : un trou noir
Nous payons les inconséquences de la politique française au Moyen-Orient

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Aux Disparus…

16 novembre 2015
Au cimetière de Passy, à Paris

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le carnage du 13 novembre 2015 à Paris

14 novembre 2015

En janvier dernier, ceux qui avaient tendance à trouver des justifications à la tuerie de Charlie Hebdo doivent se rendre à l’évidence; les victimes d’attentats terroristes ne méritent jamais leur sort.

Les personnes tuées hier soir à Paris étaient des gens comme vous et moi, attablés paisiblement à des terrasses de café ou écoutant un concert rock.

L’horreur de cette barbarie nous aide à comprendre pourquoi des millions de Syriens quittent à regret leur pays natal afin de tenter de trouver refuge ailleurs; cette barbarie, ils la quittent après l’avoir vécue quotidiennement depuis des semaines, des mois et parfois, des années.

En vue de l’attentat d’hier soir, les terroristes ont été capables de la planifier soigneusement et de la coordonner sans que les forces de l’ordre aient l’ombre d’un soupçon de ce qui allait arriver.

Et ce, en dépit du fait que la France possède un des meilleurs services de renseignements au monde.

Dans une série d’articles intitulés La tuerie de Charlie Hebdo : les lacunes du renseignement, je disais en substance que les seuls attentats terroristes évités jusqu’ici l’ont été par des moyens conventionnels; à la suite d’une dénonciation, grâce à la perspicacité d’une douanière ou à cause de l’implication physique des passagers d’un train.

Dans les faits, l’utilité des forces de l’ordre est donc de forcer les terroristes à choisir des cibles plus faciles ou de faire cesser les attentats en cours.

Hier soir à Paris, les cibles n’étaient pas ces sites touristiques très bien protégés, mais plutôt les terrasses de restaurants et une salle de concert.

De tels attentats pourraient se répéter partout où on peut se procurer aisément quelques armes automatiques.

Je crois deviner qu’au Stade de France, les kamikazes se sont fait exploser à l’extérieur parce qu’il n’ont pas réussi à y pénétrer.

Tous les moyens militaires et technologiques mis en œuvre pour combattre le terrorisme (autres que l’inspection des bagages) n’ont jamais démontré leur efficacité.

Ils servent à donner l’impression que les autorités font tout pour nous protéger; dans les faits, ils n’ont pas prévenu les attentats de New York, de Madrid, de Londres, de Copenhague et maintenant de Paris.

Pour prévenir les attentats terroristes, il faut aller à la cause de ceux-ci. Or cette cause est idéologique. En d’autres mots, ce que nous devons craindre, ce ne sont pas les armes que possèdent les terroristes; c’est la haine qui les habite.

Mais de quoi se nourrit cette haine ?

Le contentieux entre Musulmans et pays occidentaux est connu depuis longtemps. Il s’articule autour de deux pôles : la guerre coloniale d’Israël en Palestine et la multiplication des guerres suscitées par les pays occidentaux dans des pays musulmans.

Il est fini le temps où les pays producteurs d’armements pouvaient semer la mort et la désolation à l’Étranger sans que cela ait des répercussions chez eux. La prévention du terrorisme passe donc par la revision de notre politique extérieure.

Plus précisément, les citoyens que nous sommes doivent réclamer la fin de la connivence de nos gouvernements avec ce qu’il est convenu d’appeler le complexe militaro-industriel. Répandre effrontément la mort à l’Étranger parce que cela crée des emplois, c’est inévitablement la voir surgir sournoisement chez nous.

Cette prévention passe également par la répression des idéologies qui diabolisent la modernité. Le combat contre le terrorisme est fondamentalement un combat idéologique.

Après l’effondrement du rideau de fer, l’Humanité a quitté un monde binaire où s’opposaient le communisme et le capitalisme, pour entrer dans un autre monde binaire où s’opposent le totalitarisme religieux et la liberté de conscience.

Ce totalitarisme religieux, ce n’est pas l’Islam. En Indonésie, au Liban, en Tunisie et en Turquie, l’Islam est compatible avec la Démocratie parlementaire. Et ce, il est vrai, avec les mêmes risques de dérive autoritaire (en Turquie, notamment) que ceux auxquels les Canadiens viennent d’échapper grâce à la répudiation du gouvernement despotique de Steven Harper.

Le totalitarisme religieux qu’il faut combattre, c’est celui de l’Arabie saoudite et des mouvements djihadistes qu’il finance au Moyen-Orient.

L’Arabie saoudite est littéralement la Mecque du terrorisme international. Grâce à Wikileaks, nous savons — de l’avis des ambassadeurs américains — que l’Arabie saoudite est la plaque tournante du financement du terrorisme.

Tout comme l’Autriche l’a déjà fait, il faut interdire le financement de la construction et du fonctionnement des mosquées par des intérêts étrangers (visant par là le financement par des pétromonarchies).

Quand un imam autoproclamé réussi à convaincre plusieurs de ses disciples d’aller combattre pour l’État islamique, c’est le signe que le dispositif sécuritaire mis en place a des lacunes.

Voilà pourquoi il faut rendre illégale la promotion de l’État islamique et de toute idéologie qui ressemble à la sienne, dont le wahhabisme (la religion d’État de l’Arabie saoudite).

De plus, il faut séculariser le Moyen-Orient. Ce que cette partie du monde a besoin, ce n’est pas d’abord la Démocratie parlementaire. Ce qui est prioritaire, c’est la séparation entre l’État et l’Église.

Au Moyen-Âge, les pays européens ont été le théâtre d’innombrables guerres civiles. Ils l’ont été aussi longtemps que l’appareil répressif de l’État a été au service du pouvoir religieux et, en contrepartie, tant que la foi a été utilisée pour justifier la rapacité des puissants.

Quand les pays occidentaux auront le courage de menacer d’interdire le retour chez eux de tous leurs citoyens qui effectuent le pèlerinage à la Mecque à moins que l’Arabie se sécularise, le Moyen-Orient sera le théâtre de guerres civiles financées par ses pétrodollars.

Et ces guerres incessantes propageront une misère qui se répercutera chez nous sous forme de vagues migratoires et d’attentats terroristes.

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Écrit par Jean-Pierre Martel