Interprétation des résultats du scrutin québécois de 2012

6 septembre 2012

Le pragmatisme de l’électeur

L’opinion favorable selon laquelle le gouvernement Charest a bien géré l’économie québécoise est tellement ancrée dans l’esprit des Québécois, que le Parti libéral aurait été très certainement reporté au pouvoir mardi dernier s’il n’avait pas subi la concurrence d’un autre parti fédéraliste (la Coalition avenir Québec).

Pourquoi un si grand nombre d’électeurs préfèrent-ils voter pour un parti corrompu à l’os ? Tout simplement parce qu’ils croient qu’ils y ont personnellement intérêt.

La corruption représente toujours une injustice envers l’entrepreneur honnête et un gaspillage des fonds publics parce qu’elle limite la concurrence au bénéfice des contributeurs à la caisse du parti au pouvoir. Toutefois, pour de nombreux électeurs, ce jugement moral défavorable ne fait pas le poids devant des considérations pragmatiques.

Lorsqu’un parti au pouvoir est en mesure de prouver aux contribuables qu’ils deviendront riches s’ils acceptent de fermer les yeux sur des petites pratiques moralement discutables, beaucoup d’entre eux préféreront ne pas s’en offenser.

En somme, contrairement au scandale des commandites, la corruption libérale a été commercialisée comme un mal bénéfique à chacun d’entre nous. Comme s’il s’agissait de payer des honoraires nous permettant de bénéficier de l’expertise de gestionnaires hors du commun. On doit donc reconnaître ici le génie des stratèges libéraux.

Le silence étonnant du Parti québécois

À aucun moment important de la campagne électorale, le Parti québécois n’a critiqué le bilan économique du gouvernement Charest. Comme si le PQ lui-même était d’accord pour reconnaître que le Parti libéral avait fait un bon travail. Or la perception qu’ont les électeurs du bilan économique des Libéraux était la clé du pouvoir pour le PQ.

Seule la CAQ a présenté l’envers de la médaille. Mais sa voix n’a pas été entendue parce qu’elle ne fut relayée par personne. De plus, j’ai été estomaqué d’entendre le président de cette formation politique faire tout un drame d’une paire de billets de spectacle donné par un entrepreneur véreux à une ministre libérale alors que par exemple, un contributeur à la caisse du parti libéral a obtenu sans appel d’offres une série de contrats totalisant 360 millions$ — vous avez bien lu : un tiers de milliards$ sans appel d’offres — pour obtenir 120 place pendant 25 ans dans un foyer pour personnes âgées situé dans la région de Québec.

Madame Marois a bien souligné qu’en tant que ministre des Finances d’un gouvernement péquiste, elle avait présenté en 1999 un budget qui dégageait un surplus de 500 millions$. Mais qu’en est-il du bilan global du gouvernement Charest ? Pas un mot de la part du PQ.

Si le PQ est incapable de dire fièrement que la croissance économique du Québec a dépassé la moyenne canadienne au cours de neuf des dix dernières années du gouvernement péquiste de Lucien Bouchard et de Bernard Landry, qui le dira ?

Par contre, si le PQ ne souligne pas que sous les Libéraux de Jean Charest, la croissance économique du Québec a été inférieure à la moyenne canadienne de 2003 à 2008, comment les Québécois l’apprendront-ils ? Et la belle performance de 2008 à 2011 dont se vante M. Charest (4,7% au Québec vs 3,5% pour l’ensemble du pays), qui dira que cet avantage d’un pour cent sur trois ans (0,3% annuellement) n’a pas été suffisant pour réparer les dommages subis de 2003 à 2008 ? Pas le PQ, apparemment.

Pourtant, c’est ce qui a fait chuter le Québec du quatrième rang canadien en 2003, à l’avant-dernier rang du pays actuellement (devant l’Île-du-Prince-Édouard) quant au revenu disponible par personne (comme le soulignait si justement la CAQ).

Au cours de la récente crise économique, la Caisse de dépôt et de placement a perdu 25% de la valeur de ses actifs, comparativement à 18,4% pour la moyenne des grandes caisses de retraite canadiennes. C’est une perte de 40 milliards$ de nos épargnes en vue de notre retraite. Cette perte colossale, apparemment, n’émeut pas le PQ.

Lorsque la Parti libéral a pris le pouvoir en 2003, le portefeuille de la Caisse comprenait 20% d’actions québécoises (si ma mémoire est bonne). En 2007-2008, cette proportion avait chuté à 12%. Des milliards$ de nos épargnes servaient à créer des emplois ailleurs qu’au Québec. Pourquoi ? Parce que la caisse préférait spéculer sur les rendements extraordinaires du « papier commercial » plutôt que ceux plus faibles des entreprises d’ici. Au moment de la crise, la Caisse possédait à elle seule le tiers de tous les titres toxiques détenus au Canada (13 milliards$ sur 30 milliards$). Je ne peux pas croire que le PQ n’y voit pas matière à scandale et si oui, pourquoi elle n’a pas cru bon le rappeler aux électeurs.

Conclusion

Du strict point de vue économique, le gouvernement Charest est le plus incompétent que le Québec ait connu depuis quarante ans. Mais en l’absence de critiques à ce sujet, un nombre appréciable d’électeurs ont pensé qu’il était dans leur intérêt de voter pour le Parti libéral. Conséquemment, le PQ a été élu à la tête d’un gouvernement minoritaire.

Faut-il s’en étonner ?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le gouvernement à l’essai

5 septembre 2012


 
Tout comme le Parti libéral en 2008, le Parti Québécois a été porté hier au pouvoir par une minorité de l’électorat. Il y a quatre ans, Jean Charest avait recueilli 42,8% des voix : hier Pauline Marois a obtenu 31,9% des voix.

Lorsqu’on tient compte du taux de participation (57,4% en 2008 et 74,6% hier), le Parti libéral avait formé un gouvernement majoritaire avec l’appui de 24,6% des personnes aptes à voter, alors que le Parti québécois formera un gouvernement minoritaire grâce à 23,8% de la population adulte.

PQ PLQ CAQ QS etc.
2012 – Pourcentage des votes 31,9% 31,2% 27,1% 6,0% 3,8%
2012 – Pourcentage de l’électorat 23,8% 23,2% 20,2% 4,5% 2,8%
2008 – Pourcentage des votes 35,2% 42,8% 16.4% 3,8% 1,9%
2008 – Pourcentage de l’électorat 20,2% 24,6% 9,4% 2,2% 1,1%

Note : dans le tableau ci-dessus les données dans la colonne de la CAQ sont celles de la CAQ (en 2012) et de l’ADQ (en 2008).

 
Diriger un gouvernement minoritaire, ce n’est pas ce que souhaitait le PQ, mais c’est la meilleure chose qui pouvait lui arriver dans le contexte actuel.

Le PQ stagne aux alentours de 33% dans les intentions de vote dans toutes les élections générales depuis une décennie. Tout au long de la récente campagne électorale, le PQ a fait du surplace. On peut même dire que sans la CAQ, le Parti libéral aurait été réélu hier soir.

La raison est simple. La grande majorité des Québécois sont en faveur du maintien du Québec au sein de la fédération canadienne. Les mois qui viennent sont une occasion pour le PQ d’apprivoiser les Québécois, très majoritairement fédéralistes, donc méfiants à l’égard d’un parti indépendantiste.

Parce que le talon d’Achille du PQ, c’est l’empressement. Si le PQ s’était retrouvé à la tête d’un gouvernement majoritaire, ses militants les plus ardents l’auraient pressé à s’engager dans des réformes controversées qui auraient handicapé sa réélection au scrutin d’après.

Mais un gouvernement minoritaire est un gouvernement condamné à se faire aimer. S’il est vrai que ses adversaires politiques ont intérêt à ce qu’il se trompe, ils n’ont pas intérêt à voter en faveur de ses erreurs.

Il est donc prévisible que les projets de loi adoptés l’Assemblée nationale seront des mesures aimables, susceptible de rallier malgré eux les adversaires politiques du gouvernement.

Ce gouvernement n’imposera le bâillon que pour les raisons pour lesquelles cette mesure draconienne a été conçue, soit pour faire taire une minorité bruyante qui fait obstacle à l’intérêt national et à la volonté du peuple.

Un allié libéral de mauvais gré

Le sort de ce gouvernement minoritaire péquiste sera facilité par une opposition officielle décapitée. Tant que le Parti libéral n’aura pas trouvé un successeur à M. Charest (battu dans son propre comté), cette formation politique n’a pas intérêt à provoquer la chute du gouvernement et conséquemment, à déclencher des élections précipitées.

Le Parti libéral devra condamner les mesures gouvernementales… tout en votant pour elles à chaque fois que le gouvernement transformera le projet de loi en une motion de confiance. Rappelons qu’un projet de loi se transforme en motion de confiance lorsque le gouvernement menace à l’avance de démissionner si un projet de loi devait être rejeté par l’Assemblée nationale.

On peut imaginer la frustration des députés libéraux au cours des mois qui viennent à chaque fois que cela se produira.

S’il est habile, le gouvernement actuel s’empressera à accorder l’immunité aux personnes qui voudront témoigner à la Commission Charbonneau (sur la corruption dans l’industrie de la construction). Jusqu’ici, les témoins qui nomment des personnes ou des entreprises à cette Commission, s’exposent à être poursuivies pour diffamation. Avec un projet de loi qui garantit l’immunité des témoins, les langues se délieront.

Pour favoriser l’adoption d’un tel projet de loi, le gouvernement Marois pourra compter sur l’appui de la Coalition avenir Québec (deuxième parti d’opposition), heureuse de contribuer au déclin du Parti libéral et d’augmenter ainsi sa popularité à ses dépens.

D’ici à ce que Mme Marois se sente suffisamment confiante pour déclencher de nouvelles élections afin d’obtenir un mandat majoritaire, le gouvernement péquiste pourra donc compter sur une opposition officielle qui collaborera officieusement avec elle par dépit.

La CAQ, un trésor à piller

Aucun parti politique n’a le monopole des bonnes idées. Le PQ serait sage de regarder attentivement les promesses électorales de ses rivaux pour y voir des mesures à adopter.

Je l’ai dit et je le répète : la promesse de la CAQ de donner un médecin de famille à chaque québécois est une de ses bonnes idées.

Il est inconcevable que le quart de la population québécoise soit privé de l’accès à des soins de première ligne et, conséquemment, doive choisir entre endurer son mal ou attendre des heures pour être soigné à l’urgence d’un hôpital ou dans une clinique sans rendez-vous. La promesse de la CAQ respecte un droit fondamental : celui du droit à la santé.

L’idée de forcer chaque médecin à prendre en charge un nombre fixe de 1 000 patients était simpliste mais l’intention de fond était louable. En réalité, il faut que l’État s’entende avec la corporation professionnelle et les syndicats de médecins pour augmenter la charge de travail moyenne des omnipraticiens de manière à ce que tout le monde ait accès à un médecin de famille, prévoir un pourcentage minimal de rendez-vous consacrés aux urgences et adopter des mesures accessoires — plus précisément la délégation d’actes — qui permettent d’alléger la tâche des médecins et d’éviter d’allonger les délais pour obtenir un rendez-vous.

Bref, réaliser les meilleures promesses des partis rivaux est un moyen de les priver de munitions lors d’un prochain scrutin et de diminuer les raisons de voter pour eux.

Mme Marois pourrait aussi songer à la possibilité de répéter le coup d’éclat du Premier ministre Robert Bourassa qui, en 1970, avait nommé Jean Cournoyer, ministre du travail quelques mois plus tôt dans le gouvernement d’un parti rival, à ce même poste dans son propre cabinet nouvellement élu.

La Première ministre pourrait donc offrir un poste ministériel à certaines vedettes caquistes. Ceux-ci auront le choix entre réchauffer les bancs de la deuxième opposition officielle et souffrir de son manque de visibilité ou, dès maintenant, travailler au progrès du Québec dans un gouvernement d’union nationale.

S’ils sont en nombre suffisant, ces transfuges pourraient même donner au PQ ce qui lui manque pour former un gouvernement majoritaire.

Conclusion

Privés du mandant de s’aventurer dans des réformes importantes, les gouvernements minoritaires représentent des gouvernements faibles, condamnés à se faire aimer du peuple ou à disparaitre.

Pour diriger l’État en dépit des pièges qui leur tendent leurs ennemis, ces gouvernements doivent faire preuve d’habilité et de diplomatie afin d’unir la population derrière eux et ainsi faire hésiter ceux qui voudraient replonger le Québec dans une nouvelle élection.

De tous les partis politiques, le PQ est celui qui possède le plus de gens dont l’intelligence, l’habilité et la ruse sont capables de lui permettre de naviguer dans les eaux tortueuses d’un gouvernement minoritaire.

Les mois qui viennent s’annoncent donc très intéressantes pour ceux qui s’intéressent à l’actualité politique au Québec.

Détails techniques de la photo : Olympus OM-D e-m5, objectif M.Zuiko 40-150mm R — 1/250 sec. — F/5,6 — ISO 2000 — 150 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les résultats imprévisibles de l’élection québécoise du mardi 4 septembre 2012

1 septembre 2012

Lorsque le Parti québécois a été élu pour la première fois en 1976, les Québécois francophones étaient sous le choc d’un fait divers qui avait passionné l’opinion publique.

Dans les mois qui avaient précédé cette élection, on avait appris que la Canadian Air Transport Security Authority (c’est-à-dire la régie fédérale des transports aériens) avait émis une directive interdisant à un pilote et à un contrôleur aérien, tous deux francophones, de se parler en français entre eux. Les contrevenants s’exposaient à des pénalités et, ultimement, au congédiement. Je crois comprendre que, de nos jours, cette pratique est universelle : les communications dans le transport aérien international se font toujours en anglais, même en France. Je compte sur les lecteurs européens de ce blogue pour me corriger si je me trompe.

Mais à l’époque, ce sujet déchaînait l’opinion publique. Si bien que le PQ était alors porté au pouvoir sur la vague du mécontentement que cette « discrimination » provoquait.

Depuis quarante ans, la proportion de citoyens favorables à l’indépendance du Québec oscille entre le tiers et le quart de la population. Si le PQ a gagné plusieurs élections depuis ce temps, c’est que cette formation politique garantissait à chaque fois que le scrutin portait exclusivement sur sa compétence à gouverner et qu’elle promettait que tout projet d’indépendance serait soumis spécifiquement à l’approbation ou au rejet populaire.

En 1995, 49,5% des Québécois finissaient par voter « oui » à une question référendaire alambiquée, à la suite d’une période intense de propagande et de propos rassurants à l’effet qu’un « oui » ne donne le feu vert qu’à un processus de négociation qui, en cas d’échec donnerait suite à un deuxième référendum, décisionnel cette fois-là.

Depuis une décennie, le PQ stagne aux alentours de 33% dans les intentions de vote de toutes les élections générales.

Cette fois-ci, les sondages indiquent que le PQ est en tête tout simplement parce que le vote fédéraliste, très majoritaire, est divisé entre la CAQ et le Parti libéral en décomposition. Si les électeurs n’avaient le choix qu’entre le PQ et le Parti libéral, une majorité de Québécois voteraient probablement libéral en se bouchant le nez.

À l’heure actuelle, le PQ a fait le plein de tous les indépendantistes qui, par choix ou par dépit, votreront pour cette formation politique. À quelques jours du vote, le quart des électeurs sont indécis. Mais qui sont-ils ?

Ils sont fédéralistes, n’ont pas suivi les débats télévisés, sont peu instruits et craignent le changement.

Une minorité d’entre eux sont indécis parce que cela est dans leur nature. Dès leur réveil, on les imagine hésitants entre se lever ou rester couchés. Alors on peut imaginer le choix déchirant que sera pour eux d’aller voter.

Quant au reste, ils ont le profil du fidèle électeur libéral qui ne s’est pas encore résigné à changer de parti et qui se déclare indécis parce qu’il a honte d’avouer sa préférence. Si tel est le cas, on peut deviner que dans l’isoloir, ils auront tendance à voter pour le parti le plus près idéologiquement du Parti libéral, soit la CAQ. En effet, la CAQ, c’est le Parti libéral javellisé.

D’ici au scrutin, le Parti Québécois n’a pas grand chose à gagner à poursuivre ses appels à l’unité des indépendantistes : depuis quarante ans, il est impossible de prendre le pouvoir en ne s’appuyant que sur le vote indépendantiste.

Si Mme Marois veut devenir la première Première ministre, il lui faudra élargir sa base électorale aux fédéralistes et souligner ce que tout le monde devrait savoir — mais sur lequel Mme Marois n’a pas beaucoup insisté — soit qu’un vote péquiste est simplement un vote en faveur d’un gouvernement compétent et responsable. Si elle échoue, cette élection pourrait lui réserver des désagréables surprises.

En effet, il faut se méfier des sondages qui répartissent le vote des indécis comme s’ils allaient voter comme le reste de la population. Après les appels au vote caquiste d’à peu près tous les quotidiens du Québec (sauf Le Devoir), les indécis pencheront certainement plutôt vers la CAQ.

Les indécis qui songent à voter pour le Parti québécois constituent probablement moins du cinquième de l’ensemble de ceux qui hésitent encore. Mais dans la présente élection, chaque vote compte.

Motiver ceux qui pourraient voter péquiste à passer à l’acte est d’autant plus facile que s’il est élu, le PQ sera certainement à la tête d’un gouvernement minoritaire, c’est-à-dire d’un gouvernement dont les politiques seront mises en échec à chaque fois qu’elles ne réussiront pas à rallier l’un ou l’autre des deux autres grands partis que sont la CAQ et le Parti libéral.

Cette présence « rassurante » pourrait bien motiver certains indécis à voter péquiste mardi prochain si Mme Marois a l’habilité d’utiliser cet argument.

Sur le même sujet : Interprétation des résultats du scrutin québécois de 2012

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le vote décisif des 18 à 24 ans

26 août 2012

Plus tôt cette année, lors d’une élection partielle, le Parti Québécois a ravi le bastion libéral d’Argenteuil avec seulement 35% des votes; c’est le résultat de la fonte de la majorité libérale par la Coalition avenir Québec (33% PLQ et 21% CAQ).

Dans l’ensemble de la province, la CAQ a gagné de nombreux partisans en grugeant la clientèle libérale. De fait, qui peut dire la différence entre la « réingénierie de l’État », promise en 2003 par les Libéraux, et la promesse actuelle de la CAQ de « faire le ménage » dans l’appareil de l’État ? Idéologiquement, la CAQ, c’est le Parti libéral javellisé.

Or ce dernier est en mauvaise posture. L’autobus de monsieur Charest se dirige pleine vitesse vers le mur bétonné de la réprobation populaire. Ses thèmes néo-duplessistes de la peur des Carrés rouges et de l’anarchie sont tombés à plat avec une rentrée scolaire sans incident. Le Plan Nord, cette idée pharaonique de transformer la toundra québécoise en goulag nordique au prix de 40 à 63 milliards$ n’a pas suscité l’enthousiasme populaire non plus. Avec des minières si ouvertement empressées à faire transformer le minerai à l’étranger et conséquemment, à ne créer que le minimum d’emplois au Québec, la population ne perçoit ces compagnies que comme de gros citrons à presser.

Le Parti libéral conserve de nombreux appuis dans la communauté anglophone, reconnaissante pour l’application imperceptible de la Loi 101, la légalisation des écoles passerelles, et les cours d’anglais aux immigrants alors que les cours de français leur ont été supprimés (sauf en entreprise).

La région de Québec était aussi un bastion libéral. Il semble acquis que la CAQ y fera une percée importante en surfant sur la rhétorique hostile à l’État que diffusent depuis des années les influenceurs radiophoniques de la vieille capitale. En 2008, le Parti libéral y avait gagné presque tous les comtés avec 39,5% des votes. Présentement, 46% des électeurs de cette région s’apprêtent à voter pour la CAQ. Un véritable tsunami politique mettra donc à la retraite tous (ou presque tous) les députés libéraux de la région.

Partout au Québec, les rats quittent le navire libéral. D’anciens organisateurs politiques suggèrent de voter pour la CAQ afin d’empêcher la prise du pouvoir par le Parti Québécois. D’ici au scrutin, la CAQ pourrait encore grandir aux dépens du Parti libéral. Avec seulement 7% de votes de plus, grugés dans les intentions de vote libéral — en d’autres mots, avec 35% des votes comme dans Argenteuil — la CAQ pourrait former le prochain gouvernement du Québec.

Mais la véritable surprise pourrait venir d’ailleurs.

Les 23 et 24 août dernier, une maison de sondage a analysé les intentions de vote selon l’âge. Les résultats démontrent que les retraités préfèrent le Parti libéral. Par contre, les vieux Indépendantistes sont toujours fidèles au Parti Québécois. Quant aux autres, ils se répartissent à peu près de la même manière sauf pour les jeunes électeurs : 30 à 33% voteront PQ, 32% voteront pour la CAQ, et 23 à 25% voteront pour le PLQ.

Le quart des électeurs de 18 à 24 ans ont l’intention de ne voter pour aucun des trois principaux partis politiques. C’est énorme. Les jeunes savent bien que ces partis marginaux — Québec Solidaire, Parti vert et Option nationale — n’ont aucune chance de former le prochain gouvernement mais ils s’apprêtent à voter pour eux parce qu’ils veulent encourager des formations politiques aux idées neuves, près des leurs.

D’ici au scrutin, tous les partis politiques chercheront à rallier les indécis. La tâche du PQ sera plus ardue : ce sera de convaincre les jeunes qui souhaitent voter pour des partis marginaux — il ne s’agit pas d’indécis, donc ce sera plus difficile — qu’ils doivent sacrifier ce vote au nom de la stratégie électorale : voter « inutilement » pour l’un ou l’autre de ces partis favorise l’élection de la CAQ plutôt que le PQ. Si le PQ échoue à les convaincre, nous aurons un gouvernement caquiste. S’il réussit, ce sera un gouvernement péquiste. C’est aux jeunes de choisir.

Groupes d’âges PQ CAQ PLQ QS PV ON
les 18 à 24 ans inclusivement 35% 27% 12% 10% 4% 11%
les 25 à 34 ans inclusivement 31% 32% 23% 7% 3% 3%
les 35 à 44 ans inclusivement 30% 32% 25% 8% 3% 1%
les 45 à 54 ans inclusivement 33% 32% 24% 7% 2% 1%
les 55 à 64 ans inclusivement 40% 29% 23% 7% 0% 0%
les 65 ans et plus 30% 18% 46% 4% 0% 1%
Moyenne 33% 28% 27% 7% 2% 2%

Tableau ci-dessus : © 2012 — Léger Marketing et Agence QMI

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La campagne électorale au Québec : les 23 et 24 août 2012

26 août 2012


 
Parti libéral : promesses agroalimentaires

Sous le thème de « Promouvoir les aliments du Québec », monsieur Jean Charest a présenté ses engagements agricoles, évaluées à plus de 44 millions$ sur cinq ans :
• 10 millions pour prolonger le Plan de la relève agricole pendant cinq autres années,
• 15 millions$ sur cinq ans pour promouvoir le réseau de marchés publics,
• 13 millions$ sur trois ans pour subventionner l’achat d’équipements et l’appui de services d’experts par le secteur de la transformation alimentaire,
• 6 millions$ supplémentaires sur trois ans afin de soutenir l’innovation et la commercialisation des produits de la pêche maritime, et
• perte de revenu non-précisée pour relever de 750 000$ à un million$ l’exonération fiscale d’impôts sur les gains en capital lors d’un transfert familial d’une entreprise agricole.

Référence : Charest pilonne Marois sur son cadre financier et la question référendaire

La CAQ augmentera les pouvoirs patronaux des municipalités

Estimant que les syndicats municipaux sont trop puissants, la CAQ propose de rétablir l’équilibre des forces entre les villes et les employés municipaux en donnant aux municipalités un pouvoir législatif approprié, ainsi qu’une marge de manœuvre accrue en matière de relations de travail.

François Legault propose de créer une charte des municipalités afin de définir les pouvoirs qui pourraient être transférés aux municipalités, en échange de plus de transparence et d’imputabilité.

Le chef de la CAQ a promis également de créer un centre d’expertise pour Transports Québec et de relancer, grâce à un PPP (partenariat privé-public), le zoo de Québec afin d’en faire un site récréotouristique.

Référence : La CAQ donnerait plus de pouvoirs aux municipalités

Le PQ dévoile son cadre financier

Les nouvelles dépenses promises par le Parti Québécois sont les suivantes :
• 388 millions$ au remboursement de la dette,
• 177 millions$ pour les 15 000 places supplémentaires en garderie,
• 119 millions$ de plus pour les soins à domicile des personnes âgées,
• 96 millions$ pour compléter le réseau de groupes de médecins de famille,
• 40 millions$ pour la création de 500 logements sociaux de plus par année,
• 37,5 millions$ pour financer le déploiement de l’internet à haute vitesse dans les régions où elle n’est pas encore disponible,
• 37,5 millions$ pour l’embauche de professeurs dans les écoles,
• 35 millions$ à des travaux forestiers,
• 30 millions$ pour des programmes de résidence d’artistes dans les écoles,
• 25 millions$ d’intérêts pour des emprunts du Fonds d’investissement régional,
• 20 millions$ pour ses maternelles dès l’âge de 4 ans dans les milieux défavorisés,
• 20 millions$ à la relève agricole,
• 16 millions$ pour améliorer l’accès à la justice,
• 15 millions pour augmenter la fréquentation d’élèves à des activités culturelles,
• 15 millions$ à l’identification des produits agricoles québécois et au développement d’appellations contrôlées québécoises,
• 13 millions$ d’intérêts pour le développement économique du centre du Québec (pour compenser pour la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-2),
• 13 millions$ de plus pour le Conseil des arts et des lettres du Québec,
• 10 millions$ pour la mise sur pied d’un service de nouvelles à Télé-Québec,
• 8 millions$ de plus pour la Société de développement des entreprises culturelles,
• 5 millions$ pour augmenter le budget de l’Office de la langue française, 
• 5 millions$ pour la promotion culturelle du Québec à l’étranger,
• 6 millions$ à l’indemnisation des victimes d’actes criminels,
• 5 millions$ au Plan de développement de la Gaspésie.

À cela s’ajoutent des pertes de revenus :
• 1 005 millions$ à l’abolition de la taxe santé,
• 150 millions$ pour l’annulation de la hausse des frais de scolarité (et des mesures compensatoires destinées à compenser pour cette hausse),
• 47 millions$ pour la non-indexation du tarif des garderies,
• 25 millions$ à un crédit d’impôt maximal de 500$ par enfant pour rembourser les frais d’activités sportives,
• 22 millions$ à un crédit d’impôt maximal de 500$ par enfant pour rembourser les frais d’activités culturelles.

Le cadre financier comporte de nouveaux revenus :
• 610 millions$ en taxant davantage les riches,
• 388 millions$ en haussant les redevances minières,
• 225 millions$ en taxant davantage les gains de capital,
• 140 millions$ en réduisant les crédits d’impôts pour dividendes.

Ce cadre financier repose sur une croissance anticipée de 1,4% annuellement pour l’économique québécoise pendant les cinq prochaines années. Même si ce taux est légèrement inférieur à celui sur lequel reposent les cadres financiers des partis rivaux, il est irréaliste, lui aussi, du moins dans un avenir prévisible compte tenu du ralentissement économique de nos principaux partenaires commerciaux (l’Ontario et les États-Unis).

Référence : Cadre financier du PQ : 2 milliards $ d’engagements

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La campagne électorale au Québec : les 21 et 22 août 2012

23 août 2012


 
Face à face Legault-Marois

Ayant oublié de programmer l’enregistrement du face à face entre monsieur Legault et madame Marois, je n’ai vu que la vingtaine de minutes d’extraits publiés sur le site du réseau TVA.

La confrontation semble avoir été intéressante quoique par moments, elle ressemblait trop à une discussion privée entre collègues qui se sont laissés voilà longtemps sur un différend non résolu.

Le Parti québécois a tort de discréditer la promesse de la CAQ d’offrir un médecin de famille à chaque personne. En elle-même, cette mesure — qui n’est pas si compliquée que cela à mettre en exécution — ne fait pas grand-chose si ce n’est de respecter un droit fondamental : celui du droit à la santé.

Il est inconcevable que le quart de la population québécoise soit privé de l’accès à des soins de première ligne et, conséquemment, doive choisir entre endurer son mal ou attendre des heures pour être soigné à l’urgence d’un hôpital ou dans une clinique sans rendez-vous.

Pauline Marois réplique en disant qu’on ne peut pas demander à des femmes médecins de sacrifier leurs obligations familiales sur l’autel de la volonté de l’État. De plus, au Québec, les médecins sont obligés de travailler à l’hôpital, ce qui diminue d’autant leur disponibilité pour leur cabinet privé.

À mon avis, ce ne sont pas là des arguments contre le droit fondamental à l’accessibilité aux soins médicaux de première ligne : c’est un argument contre le chiffre fixe de 1 000 patients par médecin. Dans les faits, la charge médicale devra être modulée en fonctions de critères à définir.

Quant au chef de la CAQ, il radote lorsqu’il répète ad nauseam qu’un gouvernement péquiste vivrait dans l’obsession d’organiser sournoisement un référendum sur la souveraineté du Québec. Le Parti québécois est un parti responsable qui a déjà été au pouvoir et a donné au Québec plusieurs des meilleurs gouvernements de son histoire.

La Loi sur la citoyenneté québécoise

Pauline Marois a déclaré qu’un gouvernement péquiste adopterait une loi en vertu de laquelle, certains droit fondamentaux — celui de financer un parti politique, d’adresser une pétition à l’Assemblée nationale ou d’être candidat aux élections québécoises, municipales et scolaires — serait nié à quiconque ne possédant pas une connaissance appropriée de la langue française.

Devant le tollé que cette nouvelle a provoqué, les dirigeants du Parti québécois ont corrigé la chef de ce parti en précisant que cela n’affecterait pas la minorité anglophone actuelle, ni les peuples autochtones.

Ainsi, tous les citoyens vivant sur le territoire du Québec au moment de l’adoption éventuelle de la loi obtiendraient automatiquement la citoyenneté québécoise. Toutefois les nouveaux arrivants devraient respecter certaines conditions pour avoir cette citoyenneté.

En somme, le PQ propose une nouvelle catégorie de personne habitant le Québec : le sans-papier. Celui-ci aura des droits moindres. Et pour gérer cette nouvelle classe de citoyens sans « citoyenneté québécoise », on embauchera des fonctionnaires qui évalueront chez le requérant, sa connaissance « appropriée » du français.

Lorsque des néoQuébécois parlant français supportent l’immigration de leurs vieux parents chinois, slaves ou autres, trop vieux pour apprendre notre langue, on fera donc de ces derniers des citoyens de deuxième classe.

Dans les pétitions en ligne du gouvernement québécois, on permettra au signataire de certifier qu’il possède bien la citoyenneté québécoise en cochant une case prévue à cette fin. Et pour éviter les accusations de fraude, les responsables devront prendre des moyens raisonnables pour empêcher qu’une telle pétition ne soit noyautée par des sans-papiers déclarant faussement posséder leur carte. Une simple recherche de noms de famille suspects pourrait suffire, rassurant ainsi les maires xénophobes de l’arrière pays.

Lors des campagnes de financement, les partis politiques devront exiger la présentation de la carte de citoyenneté avant d’accepter le chèque de quelqu’un. Pas de carte, pas de contribution. Celles reçues par la poste devront être accompagnées d’une photocopie de la carte de citoyenneté, à défaut de quoi le chèque devrait être retourné à l’expéditeur. On imagine que la proportion d’argent « sale » versé illégalement aux partis politique pourrait augmenter.

Les personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer se verront refuser le droit de voter si elles ont égaré leur carte de citoyenneté québécoise, comme ce sera le cas pour n’importe quelle autre personne qui l’aura perdue.

Les jeunes adultes qui auront négligé de demander leur carte de citoyenneté lors de leur majorité, se verront également refuser le droit de voter… à moins qu’on prévoie dans chaque bureau de vote, des officiers dotés du pouvoir d’accorder temporairement le droit de vote à ceux qui n’auraient pas leur carte.

En préambule, la Charte québécoise des droits et libertés déclare : « tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi ». Je vais donc être clair. Afin d’être fidèle à ce principe, je promets de déchirer cette « carte-de-république-de-banane » le jour où je la recevrai si jamais celle-ci m’accorde un statut discriminatoire par rapport à d’autres personnes qui aiment le Québec et qui aspirent à y vivre. Et si jamais ce geste me porte préjudice, je m’engage à en contester la constitutionnalité douteuse.

Pour terminer, je me demande si par hasard, le Parti Québécois aurait oublié que l’objectif cette campagne, c’est de nous débarasser d’un gouvernement pourri et non de diviser la province en vrais et en faux Québécois.

Références :
Charte des droits et libertés de la personne
Citoyenneté québécoise: réactions et réajustements

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La campagne électorale au Québec : le face-à-face Charest-Legault

22 août 2012

Hier soir sur les ondes de TVA se tenait le second des trois confrontations prévues, soit celle qui opposait Jean Charest et François Legault.

La corruption

Mon premier étonnement, c’est la facilité avec laquelle Jean Charest a enfirouapé François Legault au sujet de la corruption.

Monsieur Legault a attaché une importance démesurée à un fait divers : les billets pour un spectacle de Céline Dion qu’une ministre du gouvernement Charest a acceptés de la part d’un promoteur. Il ne fait aucun doute que la ministre aurait dû refuser ce cadeau. Mais tout cela est une niaiserie. On ne répudie pas de gouvernement pour un cadeau insignifiant accepté par un ministre.

De plus, est-ce vraiment le pire cas de corruption rapporté au sujet du gouvernement sortant ?

En contre-attaque, monsieur Charest a évoqué les informations révélées hier soir par Radio-Canada, relativement au financement de la campagne électorale municipale de Jacques Duchesneau en 1998. Voilà le genre de « scandale-de-la-dernière-minute » dont je me méfie et que j’ai déjà critiqué quand ce genre de révélation — qui pue la manipulation — concernait le Parti libéral.

Le décrochage scolaire

Jean Charest : « Le Québec a le meilleur taux de diplomation pour l’ensemble de la population, au Canada et dans les pays de l’OCDE. Ça c’est la population de 20 ans et (plus). Le problème se situe à un niveau très précis : c’est pour les jeunes qui ont moins de 20 ans… »

Pierre Bruneau (animateur): « …Exact, 32% des jeunes garçons de 20 ans sont sans diplôme Taux de décrochage (en) 2009 (pour les) garçons : 21,5% ont décroché.»

Jean Charest : « Et le score est meilleur qu’il l’était, même à l’époque où monsieur Legault était au gouvernement. Nous avons réussi à augmenter le taux de diplomation. Nous avons une politique où l’objectif, c’est d’arriver à un taux de diplomation de 80% pour ces jeunes-là qui sont à l’intérieur du programme. Mais (…) il faut mettre les choses en perspective : le Québec a un des meilleurs taux de diplomation pour l’ensemble de sa population. »

Étrangement, messieurs Charest et Bruneau ont raison tous les deux. Il peut sembler évident que « décrochage scolaire » et « diplomation » soient les contraires l’un de l’autre. Ce n’est pas le cas.

Le taux de diplomation est obtenu en analysant les données des recensements : c’est la proportion de la population canadienne détentrice d’un diplôme universitaire ou collégial. Le Québec n’a pas le plus haut taux au pays — contrairement à ce qu’affirme M. Charest — mais il est plus élevé que la moyenne canadienne, ce qui n’est pas si mal.

Le taux de décrochage concerne les gens qui n’ont pas réussi à obtenir leur diplôme plus d’un certain nombre d’années après l’âge où ils devraient l’avoir. Ce taux ne tient pas compte de tous ceux qui ont abandonné leurs études mais qui ont réussi à obtenir leur diplôme beaucoup plus tard, grâce aux cours pour adultes ou à la suite d’un retour aux études.

Pénurie de médecins vs promesse d’un médecin de famille

Dans ce débat, on a invoqué la pénurie de médecins pour discréditer la promesse de la CAQ de forcer chaque médecin omnipraticien à augmenter la liste de ses patients, de manière à ce que chaque Québécois ait un médecin de famille.

Il est évident que la pénurie de médecins est partiellement responsable du fait qu’une minorité importante de la population québécoise n’a pas accès à un omnipraticien. Signalons que la moitié de ceux qui n’ont pas de médecin de famille admettent ne pas en avoir cherché.

Partout en Occident, il y a une pénurie de médecins. Pourtant la suggestion de la CAQ est déjà en application dans certains pays où une pénurie semblable existe. En Grande-Bretagne, non seulement les médecins se voient attribuer les habitants d’un territoire précis mais on leur offre des incitations monétaires s’ils y améliorent la santé des gens qui y vivent, plus précisément s’ils réduisent leur consommation en médicaments et leur besoin en soins hospitaliers.

Le Québec se classe au 4e rang des provinces canadiennes quant au nombre de médecins par 100 000 habitants mais au dernier rang pour ce qui est du pourcentage de sa population qui possèdent un médecin de famille; seulement les trois quarts des Québécois en ont un. Avec moins de médecins, l’Ontario fait mieux puisque 91% des gens y possèdent un médecin de famille.

Évidemment, la suggestion de la CAQ doit être assortie d’autres mesures — certaines sont déjà au programme de ce parti — afin d’alléger la tâche des omnipraticiens. Sans ces autres mesures, allonger la liste des patients d’un médecin ne fait qu’allonger proportionnellement l’attente de ses patients pour obtenir un rendez-vous avec lui.

Revenu disponible

Tout comme lors du débat des chefs à Radio-Canada, monsieur Charest s’est vanté de l’augmentation du revenu disponible des Québécois au cours des neuf dernières années. Ce que dit monsieur Charest, c’est que, sans tenir compte de l’inflation, le Québécois moyen gagne plus d’argent maintenant qu’il y a neuf ans : le contraire serait étonnant.

Plus significative est la réplique de monsieur Legault. Ce dernier a raison d’affirmer que la croissance économique du Québec a été inférieure à la moyenne canadienne au cours des années où monsieur Charest a été au pouvoir, alors que c’était le contraire au cours de la décennie précédante. Lors de l’arrivée au pouvoir de M. Charest, le Québec était au 4e rang au Canada quant au revenu disponible par personne : il a décliné au 9e rang depuis.

L’affaire Provigo

Accusé d’être responsable de la perte de 20% des sièges sociaux au Québec, monsieur Charest a accusé son adversaire d’être responsable de la vente d’une chaine d’épicerie à des intérêts étrangers alors qu’il était ministre d’un gouvernement péquiste.

Tirons les choses au clair. Le peuple du Québec a puni le Parti québécois pour toutes les erreurs qu’il a commises, en le jetant dans l’opposition. L’opposition, c’est le purgatoire des gouvernements déchus.

Il serait futile de reprocher à monsieur Charest les erreurs commises par les premiers ministres libéraux qu’étaient Jean Lesage et Robert Bourassa. Tout comme un condamné qui a purgé sa peine, les erreurs des gouvernements anciens ne sont plus pertinentes à l’élection présente.

Par contre, en voulant se faire élire en 2003, le Parti libéral a critiqué ces erreurs et a été élu sur la promesse de les corriger. C’est maintenant son bilan à lui qui doit être jugé par le peuple.

Les transferts fédéraux

Jean Charest : « S’il y a eu une chose qui a été prouvée au cours des dernières années, c’est qu’à l’époque où vous étiez au gouvernement péquiste, il y a eu un recul du Québec à l’intérieur du Canada puis dans les relations avec le (gouvernement) fédéral, puis les transferts fédéraux. Vous avez même fait partie d’un gouvernement qui a dit que vous acceptiez les coupures que le (gouvernement) fédéral faisait alors que moi, quand j’étais en politique fédérale, en même temps, je combattais les coupures du Fédéral envers le Québec. Les transferts ont augmenté de 70% depuis qu’on est là…»

Mon Dieu, que de demi vérités.

Au cours de neuf des dix dernières années du gouvernement du Parti québécois, la croissance économique du Québec était supérieure à la moyenne canadienne. Si bien que le Québec était devenu la quatrième province la plus riche du pays quant au revenu par personne. Conséquemment, le gouvernement fédéral avait même diminué légèrement la péréquation versée au Québec. En effet, seules les provinces pauvres peuvent bénéficier de ce mécanisme de redistribution de la richesse canadienne. Lorsqu’une province devient moins pauvre, elle reçoit moins de péréquation.

Dès son accession au pouvoir, le gouvernement Charest s’est mis à couper à tort et à travers dans les dépenses publiques pour dégager des milliards de dollars, afin de réaliser sa promesse de réduire les impôts des riches. Ces coupures — tout comme celles auxquelles procèdent actuellement la Grèce, l’Espagne et l’Italie — provoquèrent une contraction de la croissance économique.

Cette contraction n’a pas été suffisante pour provoquer une récession, mais a suffi à ralentir la croissance économique du Québec et à faire revenir cette croissance sous la moyenne canadienne. Cela fut vrai dès la première année du gouvernement Charest. Et cela n’a pas cessé d’être le cas jusqu’en 2008.

De 2008 à 2011, la croissance a toutefois été de 4,7% au Québec (vs 3,5% pour l’ensemble du pays). Cet avantage d’un pour cent ces dernières années n’a pas été suffisant pour réparer les dommages subis de 2003 à 2008, ce qui a fait chuter le Québec à l’avant-dernier rang canadien (devant l’Île-du-Prince-Édouard) quant au revenu disponible par personne.

Et parce que le Québec s’est appauvri comparativement aux autres provinces, le Québec a reçu plus d’argent de la péréquation fédérale. Donc en se vantant d’avoir obtenu plus d’argent du fédéral, monsieur Charest se vante implicitement d’avoir appauvri le Québec. Faut le faire…

Conclusion

Le grand gagnant de ce débat est monsieur Charest. Par des demi vérités, ce dernier a esquivé à peu près toutes les attaques de son adversaire et l’a contraint à répliquer à des reproches (Provigo, Duchesneau) à la suite desquels monsieur Legault n’a pas su rebondir en attaquant efficacement à son tour.

Quant à monsieur Legault, il a trop fait paraitre son agacement en grimaçant et en fronçant les sourcils, ce qui n’est à l’avantage de personne, surtout sur une télévision en haute-définition. De plus, sa manie de hocher de la tête et de dire « oui » lorsqu’il piaffe d’impatience de parler à son tour, fait qu’on peut avoir l’impression qu’il est d’accord avec les reproches qu’on lui adresse.

Le fait qu’il ait mal performé relativement à un sujet aussi facile que la corruption — dans lequel un champion de l’éthique devrait exceller — n’a pas beaucoup d’importance puisque la grande majorité des électeurs sont déjà convaincus des lacunes du gouvernement sortant. Mais cela jette un doute quant à l’aptitude de monsieur Legault à affronter l’adversité pour défendre les intérêts du Québec. L’impression qu’il laisse est celle d’un homme intelligent, sincère et honnête, mais faible devant l’adversaire.

La confrontation avec madame Marois nous donnera l’occasion de modifier cette mauvaise impression.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le débat des chefs à Radio-Canada

20 août 2012

Au cours de la présente campagne électorale, les chefs des principaux partis politiques auront eu l’occasion de s’affronter lors de quatre rencontres télévisées : une à Radio-Canada et trois à Télé-Métropole.

La plus importante avait lieu hier soir. Après une brève présentation, les chefs devaient débattre de quatre thèmes, puis terminer par une courte conclusion.

Au départ, les chefs m’ont laissé les impressions suivantes :
• Françoise David m’est apparue calme et rassurante,
• Jean Charest avait les yeux roses comme s’il avait pleuré juste avant le débat,
• François Legault s’exprimait simplement et clairement,
• Pauline Marois utilisait une voix feutrée (qu’elle a conservée durant presque tout le débat) et avait l’air décidée.

Premier thème : Les enjeux économiques

Le premier échange qui m’a plu est celui relatif à la croissance économique du Québec.

Jean Charest : « Tous les Québécois ont un revenu disponible plus élevé aujourd’hui (que celui) qu’ils avaient depuis 2003, incluant la classe moyenne ».

Ceci est une demi-vérité. Depuis la crise des années 1930, les salaires ont toujours été plus élevés dix ans plus tard que dix ans plus tôt. La réplique suivante remet les pendules à l’heure.

François Legault : « Pendant que le Québec marche, les autres provinces courent. La réalité, c’est que quand monsieur Charest est arrivé au pouvoir en 2003, le Québec était la 4e province pour son revenu disponible (par personne). Aujourd’hui, c’est rendu le 9e. Il y a seulement l’Île-du-Prince-Édouard qui a un revenu disponible (par personne) bas que le nôtre. »

Monsieur Legault a raison. Sous la gouverne de monsieur Charest, la croissance économique du Québec a été, dans l’ensemble, inférieure à la moyenne canadienne, alors que c’était le contraire au cours de la décennie qui a précédé son accession au pouvoir.

Cette vérité est fondamentale. Pourtant, je lis partout les textes d’éditorialistes qui répètent comme des perroquets que le Québec a bien traversé la crise économique (ce qui est vrai) mais qui oublient de dire que dans l’ensemble des neuf années du gouvernement Charest, celui-ci a été une calamité du strict point de vue économique.

Une autre chose qui a attiré mon attention, c’est l’obstination à promettre que les redevances minières serviront au remboursement de la dette.

Quand j’entends un chef de parti promettre que la totalité de ces redevances y seront consacrées, ma réaction est de me dire : « Mais d’où viendra l’argent pour la restauration des sites abandonnés par les compagnies minières ? Les redevances actuelles sont à peines supérieures au coût des restaurations.»

Doit-on comprendre que si le prix des matières premières devait s’effondrer alors que les autres secteurs de l’économie seraient en plein essor, on cessera de rembourser la dette parce qu’on ne reçoit plus de redevances ?

En réalité, tous les items au budget de l’État sont des vases communicants. Les redevances devraient être versées au Trésor public et l’État allouera ses revenus de manière appropriée, incluant le remboursement de la dette. Ce qui compte, c’est l’engagement à rembourser la dette et non de préciser un pourcentage des redevances minières qu’on pourrait y consacrer.

Deuxième thème : La gouvernance

À mon avis, l’intervention la plus remarquable a été celle de la chef de Québec Solidaire.

Françoise David : « J’aimerais ça rappeler qu’il y a déjà deux ans, on a publié une première recherche qui a conduit en fait à la mise à l’amende de la compagnie Axor pour avoir utilisé des prête-noms pour envoyer de l’argent aux trois partis politiques qui étaient en poste depuis bien des années : le Parti libéral, le Parti québécois et l’Action démocratique du Québec.»

« On est revenu ce printemps avec un autre rapport très fouillé qui démontre sans l’ombre d’un doute qu’effectivement depuis 30 ans, il y a collusion et corruption dans les partis politiques. Nous proposons de réduire de façon importante les dépenses électorales pour qu’il y ait moins de tentation à l’avenir.»

En réponse à cette accusation (et à celles de ses autres adversaires), monsieur Charest a sorti des boules à mite le rapport Moisan, que je n’ai pas lu mais que je me propose de lire. D’ici là, j’ai comme l’impression qu’argumenter au sujet de ce rapport, c’est utiliser l’arbre pour cacher la forêt. Et la forêt, c’est que le gouvernement Charest est corrompu à l’os.

Troisième thème : Les politiques sociales

Dans l’ensemble, j’ai trouvé que les interventions de Françoise David démontraient chez elle une vision globale plus cohérente et moins anecdotique que celle de ses collègues.

La discussion a beaucoup portée sur la promesse de la CAQ de garantir un médecin de famille à chaque Québécois.

J’aimerais profiter de l’occasion pour réfuter un argument que monsieur Charest répète inlassablement depuis qu’il est au pouvoir.

Jean Charest : « Il en manque mille médecins de famille au Québec. (…) Pourquoi il en manque mille ? Parce que monsieur Legault avec madame Marois ont passé la scie à chaine dans le système de santé quand ils étaient là. Puis ils ont mis des médecins à la retraite. Et des infirmières. Et des techniciens. Et nous en payons encore le prix aujourd’hui.»

En 1996, lorsque le gouvernement fédéral a coupé de manière importante ses transferts aux provinces relativement aux dépenses de santé, celles-ci ont coupé en catastrophe dans leurs budgets respectifs. L’Ontario a fermé des hôpitaux et le Québec a mis à la retraite une partie de ses médecins. Était-ce la meilleure décision à prendre ? J’en doute. Toutefois, lorsque cette mesure a été prise, les médecins mis à la retraite étaient déjà âgés. Aujourd’hui une partie d’entre eux sont décédés et l’autre partie se déplace en marchette.

À moins que les médecins décédés soient morts de chagrin, insinuer que s’ils n’avaient pas été mis à la retraite, ces vieux médecins seraient là, 16 ans plus tard, à prêter main forte aux médecins d’aujourd’hui, cela est une insulte à l’intelligence de ceux qui veulent croire monsieur Charest

Troisième thème : Question nationale et identité

Il s’agit d’une question importante. Mais je n’ai pas trouvé intéressante la discussion s’y rapportant, trop axée sur de belles professions de foi.

Conclusion

Dans ce débat, Françoise David a été excellente. Je lui donnerais la première étoile.

Pauline Marois a axé sa conclusion sur l’aptitude de son équipe à gouverner. Je lui donnerais la deuxième étoile.

J’aurais aimé que la conclusion de monsieur Legault soit moins critique envers ses adversaires et qu’il en profite pour parler comme un chef d’État. Malgré cela, je lui donnerais la troisième étoile.

Jean Charest a bien présenté les sujets favoris de sa campagne, dont l’importance de réélire un gouvernement dédié à l’économie afin traverser le mieux possible un contexte mondial incertain. Je lui donnerais une mention d’honneur pour son habilité à défendre si vaillamment son gouvernement.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La campagne électorale au Québec : le samedi 18 août 2012

19 août 2012

Parce qu’ils se préparent au premier débat contradictoire télévisé, les candidats des principales formations politiques ont pris congé hier.

Seul monsieur Charest a fait une promesse en matinée, celle de créer 11 500 nouvelles places de stationnement incitatif dans la grande région de Montréal (dont 1 500 sur le territoire de Laval), afin de favoriser l’utilisation du transport en commun.

Je profite donc de ce répit pour parler de la confrontation de la semaine, celle qui a opposé le maire de la ville de Saguenay, Jean Tremblay, à la candidate du PQ dans le comté de Trois-Rivières, Djemila Benhabib, sur les ondes de Radio-Canada.

L’intégrisme qu’on ne voit pas

Il y a quelques années, agacés par ce qu’ils percevaient comme étant de la propagande chrétienne, des Américains d’autres confessions religieuses avaient convaincu des grands magasins de cesser d’utiliser le mot « Christmas » (qui veut dire « Noël » mais qui se traduit littéralement « Messe du Christ ») et de parler plutôt de la « Saison du temps des Fêtes » (« Holiday Season »).

Cette nouvelle souleva l’indignation des milieux fondamentalistes chrétiens du Sud des États-Unis qui menacèrent de boycotter tous les magasins qui, au contraire, cesseraient d’utiliser le mot controversé.

Coincées entre ces deux groupes, les magasins ont préféré opter pour le groupe majoritaire et continuer d’utiliser « Christmas », mais de manière plus discrète, le mot étant noyé dans les décorations tappe-à-l’oeil du temps des Fêtes.

Il y quelques jours, j’écoutais l’entrevue que donnait Monsieur Jean Tremblay à l’animateur radiophonique Paul Arcand. Le maire de la ville de Saguenay y qualifiait la candidate péquiste Djemila Benhabib d’intégriste.

Condamnée à mort par les Islamistes algériens, sa famille a quitté le port d’Oran en 1994 pour se réfugier en France en 1994. Au Québec depuis 1997, Mme Benhabib y a écrit deux livres dénonçant le fondamentalisme musulman (Ma vie à contre-Coran et Une femme témoigne sur les islamistes).

Mais voilà que Mme Benhabib est traîtée elle-même d’intégriste par le maire de Saguenay. Ce qui nous amène à nous demander c’est quoi, l’intégrisme.

Ce terme désigne une intransigeance extrême en vue d’imposer ses règles à la totalité de la société et régenter la vie de chacun selon celles-ci.

Le maire Jean Tremblay a été condamné à payer une amende et des frais totalisant la somme de 33 500$ pour avoir imposé une prière publiquement à l’ouverture des séances de son Conseil municipal.

Les tribunaux estiment que dans l’exercice de ses fonctions, un représentant de l’État ne peut imposer à quiconque l’obligation d’assister à un rituel de nature religieuse, quel qu’il soit. Par opposition, on peut imposer un moment de recueillement que chacun pourra utiliser à sa manière.

Malgré cette condamnation, le maire de Saguenay persiste à réciter sa prière, plaçant la Volonté présumée de Dieu au-dessus des lois humaines. Cette attitude a été qualifiée de courageuse par le ministre et candidat libéral de la région, Serge Simard.

Monsieur Tremblay serait sans doute insulté d’être qualifié d’intégriste mais la triste vérité c’est qu’il répond parfaitement à la définition du terme. Évidemment, il y a intégrisme et intégrisme. Le sien est une forme mineure, un peu folklorique, qui ne menace pas la vie de personne, et qu’on pourrait qualifier également de zèle religieux excessif et déplacé, tenté d’une xénophobie stupide.

Parce que tout cela est anodin, l’intégriste léger ne se perçoit pas comme intégriste. En fait, même l’intégriste pur et dur ne se perçoit pas comme tel parce que pour lui, il est impossible de trop aimer Dieu et qu’il n’y a rien de répréhensible à vouloir ardemment réaliser sa Volonté.

En somme, l’intégrisme, c’est comme l’accent. Les autres parlent avec un accent : jamais nous.

Si Mme Benhabib réclamait qu’on remplace le crucifix de l’Assemblée nationale par un croissant musulman, ce serait de l’intégrisme. À titre personnel, elle croit que ce crucifix devrait être retiré. C’est également mon avis. Mais à titre de candidate du PQ, elle épouse la politique de cette formation politique, qui est de ne pas toucher au crucifix.

Si, comme je présume, monsieur le maire de Saguenay est un homme d’honneur, lui doit donc des excuses publiques.

Références :
Djemila Benhabib
La prière publique aux assemblées municipales

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La campagne électorale au Québec : le vendredi 17 août 2012

18 août 2012


 
Le Parti libéral présente son cadre financier

Le programme électoral du PLQ fait 28 pages dont les trois dernières représentent le cadre financier de ses engagements électoraux. On y présente les grandes lignes du budget projeté pour l’année 2013-2014 et le détail des dépenses et pertes de revenus occasionnées par ces promesses lors de la cinquième année d’un quatrième mandat libéral.

Puisque monsieur Charest ne s’est jamais rendu à la cinquième année de ses trois mandats précédents, je ne commenterai pas les deux pages spéculatives du budget de l’an 5. Il reste donc la page concernant l’année 2013-2014.

En manchette : le Parti libéral compte atteindre l’équilibre budgétaire en 2013-2014. Rappelons que cet équilibre existait déjà avant l’accession de monsieur Charest au pouvoir.

En 1996, le premier ministre péquiste Lucien Bouchard faisait adopter la « Loi sur l’équilibre budgétaire » (surnommée Loi du déficit zéro). En mars 1999, le ministre des Finances Bernard Landry annonçait fièrement que le gouvernement du Québec avait réalisé son premier surplus financier depuis quarante ans. Cette orientation fut maintenue lorsque Pauline Marois succéda à Bernard Landry aux finances du Québec.

Lors de la crise économique mondiale, le gouvernement Charest avait fait adopter — sous le bâillon — son projet de Loi 40 (qui suspendait l’application de la Loi du déficit zéro).

De nos jours, les trois principaux partis politiques se proposent d’atteindre l’équilibre budgétaire au cours des prochaines années. Mais, comme on vient de le voir, monsieur Charest a bien tort de laisser entendre que seul un gouvernement libéral peut y parvenir.

Le Parti libéral évalue le coût de ses promesses électorales à 1,2 milliards$ qui, réparties sur cinq ans, donnent une moyenne annuelle de 245 millions$. Pour financer cela, monsieur Charest abaissera la croissance de l’ensemble des dépenses de l’État à 2% alors que le présent budget de l’État prévoit une croissance de 3% : ce ralentissement de croissance dégagera une marge de plus de 600 millions de dollars$ annuellement… à la condition que la croissance des revenus de l’État se maintient au niveau actuel, soit 2% par année.

Quant à cette croissance anticipée des revenus, elle se fonde sur une croissance économique anticipée de 2% annuellement pour les cinq prochaines années, ce qui est extrêmement douteux, du moins dans un avenir prévisible. Bref, de la foutaise.

Références :
Budget du gouvernement québécois pour l’année 2000-2001
Budget du gouvernement québécois pour l’année 2001-2002
Dévoilement du programme électoral et du cadre financier
Cadre financier : Jean Charest joue la carte de la rigueur

La CAQ présente son cadre financier

Tout comme le chef libéral, François Legault présentait hier le cadre financier de ses promesses électorales, les plus couteuses des trois principales formations politiques. Ce document de six pages porte exclusivement sur ce cadre financier : il est donc plus détaillé que celui du Parti libéral, qui n’en réservait que trois à cette fin. Pour être franc, il est admirablement bien présenté.

À l’exclusion de l’année 2014-2015, la CAQ prévoit des surplus budgétaires pour chacune des cinq ans d’un gouvernement caquiste.

Puisque les promesses caquistes ne seront pas toutes mises en œuvre dès la première année, on trouvera ci-dessous que le sommaire pour l’année 2013-2014 seulement.

Afin de financer ces engagements, la CAQ prévoit près d’un milliard$ de revenus supplémentaires :
• 416 millions$ en diminuant de moitié l’exonération sur le gain en capital (sauf pour le secteur agricole et la vente d’une propriété principale),
• 127 millions$ en réduisant les crédits d’impôt pour dividendes,
• 200 millions$ en réduisant les crédits d’impôt aux entreprises,
• 150 millions$ en augmentant les redevances minières.

Cette formation politique prévoit également des coupures importantes dans les dépenses de l’État :
• 110 millions$ grâce à des gains d’efficacité chez Hydro-Québec (en fait, des coupures de postes),
• 250 millions$ à la réduction des honoraires des pharmaciens,
• 50 millions$ à la diminution de la consommation des médicaments,
• 30 millions$ à l’abolition des agences de santé et des services sociaux,
• 10 millions$ à l’amélioration de la gestion des achats et des immobilisations effectués par les maisons d’enseignement.

Bref, le total de ces économies et de ces nouveaux revenus financerait les dépenses caquistes. Toutefois, tout ce bel échafaudage repose sur une croissance anticipée de 2% annuellement pour l’économique québécoise pendant les cinq prochaines années, ce qui est totalement irréaliste, du moins dans un avenir prévisible. Bref, de la comptabilité sous l’influence du LSD.

Référence : Legault ne reniera aucune promesse

Le PQ dévoilera son cadre financier plus tard dans la campagne

Jusqu’à maintenant, le Parti Québécois est celui qui a promis le moins de nouvelles dépenses. Madame Marois a indiqué que sa formation politique dévoilera plus tard au cours de la campagne électorale, le cadre financier de ses promesses.

Puisqu’il n’y a rien à dire, on me permettra de commenter une déclaration de François Legault relative au PQ. Le chef de la CAQ a affirmé : « Contrairement au Parti Québécois, on n’est pas obsédé à gagner le prochain référendum puis à faire des compromis avec tous les groupes de pressions pour les mettre de notre côté.»

Depuis le début de la campagne, le parti qui s’expose le plus à l’accusation de chercher à acheter le vote par des promesses dépensières, c’est la CAQ et non le PQ.

De plus, le Parti libéral et le PQ, minimisent tous deux l’impact de leurs coupures budgétaires — purement administratives, disent les Libéraux — alors que la CAQ souligne, au contraire, qu’il s’agit d’un grand ménage, au grand plaisir d’un électorat ulcéré par le gaspillage et la corruption.

On peut donc anticiper qu’une fois au pouvoir, un gouvernement caquiste aurait plus de mal à rassurer ses partenaires sociaux et à leur faire accepter ses réformes. Le chef du Parti libéral n’a donc pas complètement tort en accusant la CAQ d’être le parti de la chicane, une accusation inusitée de la part d’un Premier ministre qui comptait sur le conflit étudiant pour se faire réélire.

Référence : Marois fera pour 1 milliard de promesses

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Écrit par Jean-Pierre Martel