Les Sauvages

2 mai 2023
Chemise brodée nêhithawak ou métisse (1875-1900)

Le sens des mots évolue avec le temps.

De nos jours, l’adjectif ‘sauvage’ qualifie habituellement un être vivant qui n’a pas été apprivoisé et qui vit en liberté dans son milieu naturel.

À l’époque des premiers explorateurs français en Amérique, ceux-ci appelaient ‘Sauvages’ les Autochtones rencontrés ce côté-ci de l’Atlantique.

Le mot ‘Sauvage’ dérive de l’italien Selvaggio (qui habite la forêt), lui-même issu du latin silva (forêt).

De nos jours, on évite d’utiliser ce mot en raison du sens péjoratif qu’il a acquis depuis, en tant qu’adjectif, dans des expressions comme ‘grève sauvage’ ou ‘capitalisme sauvage’.

Autrefois, ce sens péjoratif n’existait pas. Au XVIIe siècle, l’ursuline Marie de l’Incarnation illustre l’attrait de la nature et de la vie sauvage en Nouvelle France en écrivant qu’il était plus facile pour un Français de devenir un Sauvage que l’inverse. C’est donc à dire que dans son esprit, le mot ‘Sauvage’ n’avait pas de connotation ‘raciale’.

Référence : Proximité autochtone québécoise d’hier à aujourd’hui

Compléments de lecture :
Gabriel Sagard en Huronie
L’invention des races humaines

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectif PanLeica 25 mm F/1,4 — 1/80 sec. — F/1,4 — ISO 1250 — 25 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le ministre Roberge et la défense homéopathique du français

4 février 2023

Introduction

J’éprouve à l’égard du ministre Jean-François Roberge un sentiment ambivalent.

D’une part, c’est un homme brillant et un communicateur excellent qui ne perd jamais son sang-froid. Même quand il élève le ton, c’est généralement une colère froide, soigneusement réfléchie.

Mais d’autre part, c’est aussi quelqu’un qui ment comme il respire.

Souvenons-nous du protocole-bidon destiné à mesurer le taux de CO₂ dans les écoles et qui, selon lui, avait été approuvé par la Santé publique (ce que celle-ci avait démenti).

À l’Assemblée nationale, pas un battement de cils ne trahissait son effronterie.

En devenant ministre de la Langue française, c’était pour lui l’occasion de repartir à neuf. De se créer une nouvelle réputation.

Le retour à la case départ

Personne ne peut douter de la sincérité de son prédécesseur, Simon Jolin-Barrette, à défendre le français au Québec.

En dépit de cela, j’ai eu l’occasion de critiquer sévèrement sa loi 96, une loi que la CAQ mit trois ans à faire adopter et qui, à sa face même, était très insuffisante.

Dès son arrivée en fonction, voilà le nouveau ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, annoncer qu’il entreprend un grand chantier au sujet du français au Québec.

Quel chantier ?

L’image qui nous vient à l’esprit lorsqu’un parle d’un chantier, c’est celle d’un terrain généralement clôturé sur lequel des ouvriers portant un casque protecteur et des souliers blindés versent du ciment dans un coffrage, scient, clouent, assemblent. Bref, des gens qui travaillent et qui suent. C’est ça, un chantier.

Mais derrière cette appellation, ce que le ministre appelle ‘chantier’, c’est la création d’un groupe consultatif appelé Groupe d’action (sic) pour l’avenir de la langue française. Bref, des gens qui s’assoient et qui placotent.

Ce qu’on comprend, c’est que la défense caquiste du français ne coutera pas cher de désodorisant.

En définitive, après cinq ans de pouvoir, la CAQ est à court d’idées. Et pour qu’on ne s’en rende pas compte, son ministre de la Langue française a décidé de faire diversion.

La récolte des idées

Actuellement, le parti dont le programme est le plus étoffé quant à la défense du français, c’est le Parti Québécois. Cela n’a rien d’étonnant; c’est le parti qui a fait adopter la Loi 101.

En politique, pirater les idées des autres est de bonne guerre.

Voilà pourquoi le gouvernement libéral de Philippe Couillard s’est abondamment inspiré du programme de la CAQ (malheureusement en y pigeant ce qu’il y avait de pire) et a même accueilli dans ses rangs des transfuges comme Dominique Anglade et Gaétan Barrette.

Et pour lui remettre la politesse, la CAQ a accueilli dans ses rangs Marguerite Blais, la ministre libéro-caquiste des Ainés. Celle qui a regardé le film du Covid-19 dans les CHSLD en mangeant du popcorn.

Pourquoi se presser ?

En analysant l’évolution de la démographie linguistique du Québec depuis quinze ans, on peut voir que de 2016 à 2021, l’anglicisation du Québec s’est accélérée.


 
Depuis quinze ans, le pourcentage des parents qui élèvent leurs enfants à la fois en français et en anglais est passé de 1,6 % à 16,6 % sur l’ile de Montréal, et de 1,3 % à 13,5 % dans l’ensemble de l’agglomération métropolitaine. Surtout de 2016 à 2021.

Pour ‘louisianiser’ une famille, cela prend cinq générations. La première est francophone et connait de l’anglais juste ce qu’il lui faut pour se débrouiller. La deuxième est bilingue. La troisième parle généralement anglais mais réussit à comprendre grosso modo ce que disent ses grands-parents. Et la génération suivante est anglophone.

La deuxième étape de notre ‘louisianisation’ est entamée. Et on peut en mesurer l’ampleur. Elle sera complétée dans une décennie si rien de significatif n’est fait par le gouvernement du Québec.

Or le ministre Roberge nous annonce maintenant quatre années supplémentaires d’attente, de réflexion, de consultation et de ‘campagnes de sensibilisation’ dans des médias francophones (ceux que ne consultent jamais ceux qui sont en voie d’assimilation à l’anglais).

Que dirait-on de pompiers qui, alertés d’un début d’incendie, choisiraient de se réunir autour d’une table pour élaborer un plan d’action concret destiné à être présenté au prochain congrès national des pompiers qui doit se tenir justement dans l’édifice en feu…

C’est ça, le programme de la CAQ au sujet de la défense le français; un show de boucane.

Références :
Anglicisation du Québec : l’omelette de la loi 96
Le défilé des Rhodésiens
Le PQ et la francisation des immigrants
Québec lance un grand chantier pour protéger le français

Parus depuis :
Italian government seeks to penalize the use of English words (2023-04-01)
Ottawa a versé des milliards pour l’anglais au Québec (2023-11-27)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à l’anglicisation du Québec, veuillez cliquer sur ceci

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La politique linguistique du Parti Conservateur du Québec est dans le Cracker Jack

21 septembre 2022

Introduction

Le Cracker Jack est une friandise américaine composée de maïs soufflé enrobé de mélasse. Auprès des enfants, il doit sa popularité au cadeau-surprise de peccadille que chaque boite contenait de 1896 à 2016.

Vingt ans de laisser-faire

Au cours des vingt dernières années, le gouvernement québécois n’a rien fait pour contrer l’anglicisation du Québec.

L’inaction des gouvernements libéraux de Jean Charest et de Philippe Couillard a été suivie par celle du gouvernement de François Legault. Sauf quant à la présentation de la loi 96, très insuffisante, en fin de mandat.

Selon un sondage publié hier par le Journal de Québec, trois partis politiques se disputent à égalité (16 %) la seconde place dans les intentions de vote, dont le Parti Conservateur du Québec (PCQ).

De toutes les formations politiques, le PCQ est le plus flou quant à ses intentions relatives à la défense du français.

D’esprit libertarien, le PCQ s’oppose à la loi 96 qu’il juge contraignante. Tout comme le Parti Libéral, le Parti Conservateur s’oppose aux mesures qui suscitent l’opposition des angloQuébécois. Ceci est l’équivalent de leur donner un droit de véto sur la défense du français au Québec.

Ceci étant dit, que propose-t-il en retour ?

Le son des criquets

Dans le communiqué intitulé ‘Tous unis pour protéger le français de manière positive’, daté du 6 septembre dernier, on peut lire :

Le PCQ va s’inspirer du rapport intitulé « Une langue commune à tous et pour tous » déposé en novembre 2016 par madame Claire Samson pour élaborer des solutions constructives et non coercitives.

En d’autres mots, depuis 2016, nous avons eu six ans pour accoucher d’un programme concret, mais nous n’avons pas eu le temps. Toutefois, élisez-nous et on verra.

C’est ainsi que son programme électoral affirme son intention de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires à la restauration ou à l’établissement de programmes scolaires aptes à corriger les lacunes du système public d’éducation en matière d’apprentissage, de maitrise et de transmission de la langue française.

Tout cela est très joli. Mais concrètement, quelles sont les mesures que le PCQ compte mettre en œuvre à ce sujet ? Euh… on verra.

Idéalement, une politique linguistique comporte quatre volets : un sur la langue d’enseignement, un autre sur la langue du travail, une politique migratoire et le moins important, au sujet de la langue d’affichage.

Même si le PCQ n’a pas de programme formel pour pallier l’anglicisation du Québec, on trouve dans ses promesses plusieurs mesures qui ont une incidence à ce sujet.

La revanche des berceaux

Sous la rubrique intitulée ‘Assurer la croissance de la culture québécoise dans un contexte de faible natalité et de vieillissement de la population’, le PCQ déclare qu’il favorisera l’augmentation de la natalité en tenant compte des besoins et des réalités des familles québécoises afin d’assurer le renouvèlement démographique de la nation québécoise.

On ignore comment une politique nataliste pourrait assurer la croissance de la culture française au Québec à moins de cette ‘revanche des berceaux’ soit limitée aux couples francophones ? Sinon, qu’est-ce que ça donne ?

D’autant plus que, selon ses propres mots, le PCQ favorisera une politique volontariste pour faire croitre la langue et la culture française. Voilà qui n’est pas forçant.

La langue d’enseignement

À l’école primaire ou secondaire, le PCQ ne remet pas en question l’enseignement du français. Mais il donnera 200$ par semaine (soit 10 400$ par année) pour chaque enfant à qui les parents feront l’enseignement à domicile.


 
Depuis quinze ans, le pourcentage des parents qui élèvent leurs enfants à la fois en français et en anglais est passé de 1,6 % à 16,6 % sur l’ile de Montréal, et de 1,3 % à 13,5 % dans l’ensemble de l’agglomération métropolitaine.

En subventionnant l’enseignement parental à domicile, un nombre inconnu d’élèves passeront de l’école publique française à une microécole privée bilingue.

Une autre mesure que le PCQ compte adopter concerne le mode de financement public des lycées (appelés cégeps au Québec). Le PCQ entend les financer selon leur fréquentation.

Le plus gros cégep anglophone du Québec est le collège Dawson. C’est aussi le plus fréquenté, toutes langues confondues. C’est donc lui qui recevrait la plus grosse part du financement public des cégeps québécois sous un gouvernement du PCQ.

Normalement, les maisons d’enseignement anglophones devraient recevoir leur juste part des sommes que l’État québécois consacre à sa mission éducative.

Cette juste part est liée à l’importance démographique du peuple angloQuébécois au Québec. Au-delà, les contribuables francophones financent l’anglicisation du Québec.

La politique migratoire

Rapatrier tous les pouvoirs

Le PCQ veut rapatrier tous les pouvoirs d’Ottawa en matière d’immigration.

Cela n’arrivera pas. Il y a un demi-siècle, le fédéral et Québec ont conclu une entente qui représente le maximum qu’Ottawa est prêt à concéder. Si le Québec en veut plus, il devra devenir un pays indépendant.

Comme dans la fable ‘La Laitière et le pot de lait’, le PCQ caresse de grandes ambitions; après avoir rapatrié d’Ottawa le programme de regroupement familial, le PCQ en limitera l’accès aux personnes qui parrainent leurs propres enfants d’âge mineur.

Pour des raisons humanitaires, la Cour Suprême du Canada a déjà statué qu’on ne peut pas limiter le regroupement familial. Donc tout Canadien peut cautionner l’immigration de ses propres parents à condition de subvenir à leurs besoins pendant un certain nombre d’années.

Le choix judicieux des immigrants

Le PCQ s’oppose au recours à la clause dérogatoire de la Canadian Constitution. Mais du même souffle, il annonce sa volonté de choisir les immigrants permanents en fonction de leur ‘compatibilité civilisationnelle’.

On cherchera en vain sur le site du PCQ quels sont les critères objectifs qui permettraient de mesurer précisément la ‘compatibilité civilisationnelle’ d’un requérant au statut d’immigrant au Québec.

Si ces critères sont appliqués au cas par cas, il faut se rappeler que lorsqu’une personne demande à immigrer au Québec, elle doit signer une Déclaration sur les valeurs communes de la société québécoise.

Le requérant y déclare vouloir respecter nos valeurs et apprendre le français. Tant que ce document n’est pas signé, le dossier du requérant est incomplet et ce dernier ne peut recevoir le certificat de sélection émis par Québec.

Si ces critères du PCQ bannissent tous les requérants en provenance d’un pays ou tous ceux qui pratiquent une religion jugée ‘civilisationnellement incompatible’, cela est contraire à la Déclaration universelle des droits de la Personne en plus d’être contraire aux chartes canadienne et québécoise des droits et libertés.

Bref, le PCQ ne trouvera pas un seul magistrat au Québec qui acceptera de valider une discrimination systématique basée sur les préjugés ‘civilisationnels’ du PCQ.

La francisation des immigrants

Le financement généreux des cégeps anglophones par le PCQ — dont nous avons parlé plus tôt — est au cœur des mesures destinées à la francisation des immigrants.

Au premier coup d’œil, cela semble contradictoire. Mais pas aux yeux du PCQ. Selon son programme électoral, un gouvernement conservateur…

…rehaussera l’enseignement du français dans les cégeps et les universités anglophones afin de permettre à tous les étudiants issus de l’immigration temporaire d’être en contact avec la culture québécoise d’expression française.

Opposé à interdire aux néoQuébécois l’accès aux cégeps anglophones, le PCQ compte sur des cours de français langue seconde dispensés dans ces maisons d’enseignement pour franciser les immigrants.

Conclusion

En matière de francisation, le programme politique du Parti Conservateur du Québec est le plus insuffisant que j’ai lu de toute ma vie, digne des colifichets de Cracker Jack.

Références :
Anglicisation de Montréal depuis quinze ans
Anglicisation du Québec : l’omelette de la loi 96
Cracker Jack
Duhaime d’abord contre l’agrandissement de Dawson… mais maintenant?
Langue, culture et immigration
Le Collège Dawson réclame le maintien du financement pour son agrandissement
Le serment d’allégeance aux valeurs du pays
Tous unis pour protéger le français de manière positive : Le Parti conservateur du Québec abrogera la Loi 96

Complément de lecture :
Quand défendre le français consiste à enfoncer des portes ouvertes

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Quand défendre le français consiste à enfoncer des portes ouvertes

12 septembre 2022

Introduction

Le mois dernier, Statistique Canada révélait l’importante diminution du pourcentage des familles au sein desquelles les parents élèvent leurs enfants en français.


 
D’autre part, en vue des prochaines élections, les chefs des quatre principales formations politiques du Québec se sont prêtés tour à tour aux questions de trois journalistes lors d’une émission spéciale diffusée récemment à la télévision de Radio-Canada.

Un volet concernait la loi 96, adoptée par le gouvernement sortant en vue de protéger le français au Québec. Le Parti libéral du Québec (PLQ) s’y oppose et cette émission donnait à la cheffe de ce parti, l’occasion de nous expliquer pourquoi.

La loi 96 divise les Québécois

Préoccupé par le déclin du français au Québec, le PLQ juge qu’il faut évidemment défendre notre langue, mais de manière ‘inclusive’.

Or la loi 96 divise les Québécois puisque l’immense majorité des angloQuébécois s’y opposent.

Sans le dire explicitement, ce que souhaite le PLQ, c’est donner aux angloQuébécois un droit de véto sur tous les moyens que le gouvernement pourrait prendre pour freiner ou pour arrêter l’anglicisation du Québec.

La langue de l’État adressée aux néoQuébécois

Dans tous les pays du monde, l’État s’adresse à ses citoyens dans la langue nationale.

De plus, dans le cas du Royaume-Uni, aucun requérant au statut d’immigrant ne peut mettre le pied sur le sol britannique à moins de connaitre déjà la langue anglaise. Seuls les réfugiés, en raison de l’urgence de leur situation, font exception à cette règle.

Avec sa loi 96, le gouvernement sortant a décidé qu’après six mois en sol québécois, toute la correspondance gouvernementale adressée à un néoQuébécois le sera en français.

Celui-ci n’est pas obligé d’avoir appris le français; s’il ne le comprend toujours pas, il faudra qu’il se débrouille puisqu’au Québec, c’est en français que ça se passe.

La cheffe du PLQ soutient que six mois, c’est trop court pour apprendre le français (ce que, répétons-le, la loi n’exige pas).

Mais même si on donnait deux ans, dix ans ou vingt ans, on ne ferait que différer le problème; il y a des gens qui passent toute leur vie au Québec sans avoir réussi à apprendre notre langue. Michael Rousseau, le président d’Air Canada, en est un exemple.

L’accès aux CÉGEPs anglophones

En Italie ou en Allemagne, par exemple, la seule école où on peut envoyer ses enfants aux frais des contribuables, c’est à l’école publique. C’est la seule gratuite. Et c’est dans la langue nationale que les élèves y font leur apprentissage.

Évidemment, on peut toujours envoyer ses enfants dans une école où les professeurs enseignent dans une autre langue. Mais c’est à ses frais.

Depuis la Loi 101, c’est la même chose au Québec. Sauf que cette loi fait exception pour les angloQuébécois. Ceux-ci disposent de leurs propres écoles publiques (donc financées par l’État).

De plus, la Loi 101 ne s’applique qu’à l’enseignement au primaire et au secondaire. Jusqu’ici, elle ne s’appliquait pas aux lycées (appelés CÉGEPs au Québec). Cette lacune a été corrigée par la loi 96.

Le PLQ s’y oppose. À cette émission spéciale de Radio Canada, Dominique Anglade déclarait :

Je ne conçois pas qu’on dise à nos jeunes adultes qu’ils devront choisir devant un CÉGEP français vs CÉGEP anglais. Ils ont le droit de prendre cette décision-là eux-mêmes.

Les jeunes Québécois ont le droit de décider de leur avenir. Mais un étudiant francophone qui souhaite un avenir en anglais devra se le tailler à ses frais.

Le cout de l’inscription dans un CÉGEP (environ 20$ par session) ne représente qu’une minuscule partie des frais réels de l’enseignement dans nos lycées. Or nous, contribuables francophones, refusons de financer l’anglicisation du Québec.

La liberté de choix de la langue d’enseignement était le principe défendu par la loi 63 de l’Union nationale, un parti rayé de la carte précisément pour l’avoir adoptée.

En 1969, le peuple francoQuébécois a réalisé l’absurdité de financer sa propre extinction : Dominique Anglade ne nous fera pas revenir 53 ans en arrière.

Évidemment, nos amis Anglophones sont bien libres de ne pas être de notre avis. Mais on vit dans une démocratie quand les minorités sont libres de s’exprimer et, précisons-le, quand les majorités sont libres d’agir…

La clause dérogatoire

Le PLQ s’oppose à ce que la loi 96 invoque la clause dérogatoire, cette disposition constitutionnelle qui permet d’en déroger.

En 1977, le gouvernement péquiste de René Lévesque adoptait la Loi 101. Ce qui a fait réaliser à Ottawa que la vieille loi britannique qui servait de constitution au pays depuis 1867 était pleine de trous.

Voilà sur quoi repose l’urgence soudaine de doter le Canada d’une nouvelle constitution cinq ans plus tard; il fallait invalider des pans entiers de la Loi 101. Ce que la Cour suprême du Canada elle-même a reconnu dans un jugement qu’elle a rendu en 1984.

Je vous épargnerai le jargon juridique utilisé par le plus haut tribunal du pays pour vous en donner la traduction suivante :

Étant donné que la constitution a été écrite après la Loi 101, lorsqu’on compare le texte de l’article 23 de la constitution avec le texte correspondant dans la Loi 101, il est évident que cette dernière était l’exemple parfait d’une législation que le gouvernement fédéral voulait contrer…

En réalité, lorsque Dominique Anglade déclare vouloir retirer la clause dérogatoire invoquée par la loi 96, elle veut donner cette loi en pâture à la voracité des juges à la solde d’Ottawa ou à celle de ces juges ultra-fédéralistes nommés par le PLQ au cours des quinze ans où il fut au pouvoir.

Il suffit de lire le jugement d’une incroyable partialité rendu le 12 aout dernier par la juge Chantal Corriveau à l’encontre de deux articles de la loi 96 pour se convaincre de ce secret de Polichinelle; toute la machine judiciaire à la solde d’Ottawa est en croisade pour trouver des puces — et en inventer si nécessaire — afin de forcer le Québec à revêtir, malgré la clause dérogatoire, la camisole de force constitutionnelle que le Canada anglais a adoptée contre nous en 1982.

Conclusion

Les choix référendaires de la nation québécoise ont consisté à remettre notre sort entre les mains de l’ethnie dominante du Canada. Les plus récentes données de Statistique Canada permettent aujourd’hui de mesurer l’étendue de cette imprudence.

Face à cela, la loi 96 est très insuffisante. Voilà pourquoi il serait inacceptable de nous contenter de moins. C’est précisément ce que veut le PLQ.

Son refus dogmatique d’invoquer la clause dérogatoire fait de ce parti le chantre de l’asservissement à l’ordre constitutionnel canadian.

Et les mesures homéopathiques qu’il propose aujourd’hui pour pallier l’anglicisation du Québec, de même que le droit de véto implicite qu’il entend accorder aux angloQuébécois à ce sujet, sont autant de preuves que les dirigeants de cette formation politique sont les ‘collabos’ du régime colonial canadien.

Références :
Anglicisation de Montréal depuis quinze ans
Anglicisation du Québec : l’omelette de la loi 96
La loi 96 : le mythe de l’obligation d’apprendre le français en six mois
Le commissaire Théberge blâme Air Canada pour le discours unilingue de son PDG
Le défilé des Rhodésiens
Les droits linguistiques à géométrie variable
Loi 63 de l’Union nationale

Parus depuis :
Italian government seeks to penalize the use of English words (2023-04-01)
« It’s very english » sur la voie maritime du Saint-Laurent (2023-05-19)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les droits linguistiques à géométrie variable

29 août 2022

Avant-propos

On appelle personne morale tout groupement d’individus auquel la loi reconnait une existence juridique. La personne morale se distingue donc d’un particulier.

Ce peut être une compagnie, un club sportif, une association, etc.

Introduction

Le 12 aout dernier, l’honorable juge Chantal Corriveau — nommée par Ottawa à la Cour supérieure du Québec en 2005 — invalidait deux articles de la loi 96 (qui vise à protéger le français au Québec).

Ces deux articles exigent que tout document juridique rédigé en anglais émanant d’une personne morale doive être accompagné d’une version française certifiée provenant d’un traducteur agréé afin d’en permettre le dépôt au tribunal.

Selon la juge Corriveau, les couts supplémentaires et les délais pour obtenir une telle traduction créent un obstacle à l’accès à la Justice.

La barrière économique

La magistrate semble ignorer que ce sont les frais d’avocats qui sont le principal obstacle à l’accessibilité économique aux tribunaux canadiens.

Comment peut-on faire du chichi pour des frais de 12 à 40 cents du mot — le tarif demandé par un traducteur agréé — quand l’avocat qui représentera cette personne morale anglophone la saignera à blanc à raison de 400$ à 1 000$ de l’heure…

Les délais

De manière générale, ce qui allonge les causes, ce sont les requêtes, les motions, les mandamus, les brefs d’évocation et toute la panoplie des moyens juridiques que les avocats utilisent pour étirer les procès et faire gonfler leurs honoraires.

Mais il est vrai que dans le cas d’une demande d’injonction, par exemple, l’obligation de traduire une demande rédigée en anglais crée un délai qui peut être incompatible avec l’urgence de la situation.

Dans La Presse du 8 aout dernier, les avocats Guillaume Rousseau et Étienne-Alexis Boucher écrivent :

[Avant la loi 96], il n’était pas rare qu’une entreprise poursuivant des francophones déposât ses actes de procédure en anglais, rendant la défense de ces derniers plus compliquée. […] On voit mal en quoi l’accès à la justice de quelques entreprises refusant de traduire leurs actes de procédure en français serait davantage entravé aujourd’hui que l’accès à la justice de millions de […] francophones avant l’adoption de la loi 96.

De toute manière, l’argument du délai-qui-fait-obstacle-à-la-Justice n’est vrai que si l’avocat de la compagnie choisit de soumettre sa demande d’injonction en anglais sachant très bien que cela l’obligera à la faire traduire.

En réalité, rien n’empêche cet avocat de soumettre dans l’urgence sa requête en français, puis de prendre le temps qu’il faut pour la traduire en anglais pour sa société cliente.

Quand l’apartheid canadien sert de prétexte

Dans n’importe quel hôpital du Québec, on n’a pas besoin d’une autorisation pour admettre à l’urgence un patient non autochtone.

Le paragraphe 50 du jugement de l’honorable Chantal Corriveau nous apprend que le Kateri Memorial Hospital de Kahnawa:ke est obligé de soumettre à Québec une demande d’autorisation de soins avant de les prodiguer, une mesure qui vise à s’assurer qu’Ottawa en remboursera le cout au gouvernement québécois.

Parce qu’Ottawa a toujours refusé que les ‘Indiens’ (au sens de la loi) soient couverts par les programmes provinciaux d’assurance médicaments et d’assurance maladie. C’est le fédéral qui rembourse aux provinces les soins qui répondent à ses critères tatillons.

Au lieu de réclamer l’abolition des tracasseries administratives dues au racisme systémique d’Ottawa — tracasseries qui mettent en danger, selon la magistrate, les personnes concernées — cette dernière préfère trouver des puces à la loi 96.

À l’autre bout du Canada

Contrairement à ce qu’on pense, dans les causes civiles (et non criminelles), il n’existe pas au Canada de droit constitutionnel d’être jugé dans sa langue ailleurs qu’au Nouveau-Brunswick.

En 2013, la Cour suprême du Canada a reconnu le droit des tribunaux de Colombie-Britannique d’exiger la traduction anglaise de tous les documents en français qui leur sont soumis à titre de preuves.

Pour convaincre le plus haut tribunal du pays, l’avocat représentant le gouvernement de cette province a sorti de sa manche une loi adoptée par Londres en 1731 qui imposait l’usage exclusif de l’anglais devant les tribunaux.

En d’autres mots, cette loi interdisait d’y être jugé dans une autre langue que l’anglais.

La Cour suprême écrit que les provinces ont le pouvoir constitutionnel de légiférer sur la langue utilisée devant les tribunaux. Puisque le parlement de cette province n’a pas senti le besoin de légiférer autrement, la loi de 1731 s’applique toujours.

Textuellement, dans son jugement de 2013, le plus haut tribunal du pays écrit :

La Charte [canadienne des droits et libertés] n’oblige aucune province, sauf le Nouveau-Brunswick, à assurer le déroulement des instances judiciaires dans les deux langues officielles. Elle reconnait l’importance non seulement des droits linguistiques, mais aussi du respect des pouvoirs constitutionnels des provinces.
[…]
[Or] les provinces ont le pouvoir constitutionnel de légiférer sur la langue utilisée devant leurs tribunaux, un pouvoir qui découle de leur compétence en matière d’administration de la justice.

La législature de la Colombie-Britannique a exercé ce pouvoir pour règlementer la langue des instances judiciaires dans la province par l’adoption de deux règles législatives différentes qui prescrivent le déroulement des procès civils en anglais, des règles qui valent aussi pour les pièces jointes aux affidavits déposés dans le cadre de ces instances.

Les rédacteurs de la constitution canadienne auraient pu décider de consacrer explicitement le droit fondamental d’être jugé dans sa langue. Ils ont préféré s’en abstenir, s’en remettant plutôt au pouvoir discrétionnaire des provinces.

L’article 133 de la Canadian constitution de 1982 ne fait que permette aux personnes qui témoignent ou qui plaident devant un tribunal du Québec, de s’exprimer dans la langue officielle de leur choix. Mais elle me garantit pas à la personne accusée d’avoir un procès dans sa langue puisque la poursuite et le tribunal sont libres d’utiliser une langue qu’elle ne comprend pas.

Puisque l’article 133 est sujet au pouvoir dérogatoire des provinces, le Québec peut — comme le fait déjà la Colombie-Britannique — imposer l’unilinguisme à son système judiciaire, sauf en ce qui concerne les procès au criminel qui, eux, relèvent du fédéral.

Personnellement, je serais totalement opposé à une telle mesure si le Québec l’adoptait. Mais Québec en a le pouvoir.

Alors que la loi 96 invoque expressément la clause dérogatoire de la constitution de 1982, la Cour supérieure invalide deux articles qui exigent des personnes morales du Québec une toute petite partie de ce que la Colombie-Britannique exige de tous ses citoyens depuis des siècles.

Conclusion

Plus tôt nous nous affranchirons du régime colonial canadian, plus tôt nous pourrons défendre notre langue et notre culture sans avoir à obtenir l’assentiment des juges à la solde d’Ottawa.

Ceux-ci trouvent toujours les prétextes les plus tordus pour invalider les moyens légitimes qu’on prend pour défendre notre langue et à interdire au Québec d’imiter ce que les autres provinces sont libres de faire.

Références :
À la défense du français devant les tribunaux
Être condamné dans une langue qu’on ne comprend pas
Jugement au sujet des documents en français présentés en Cour
Jugement au sujet des documents en anglais présentés en Cour
La Cour supérieure tranche: la réforme de la loi 101 suspendue en partie
Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français
Une juge suspend deux articles de la loi 96 sur la langue française au Québec

Parus depuis :
Italian government seeks to penalize the use of English words (2023-04-01)
« It’s very english » sur la voie maritime du Saint-Laurent (2023-05-19)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Anglicisation de Montréal depuis quinze ans

19 août 2022


De 2006 à 2021, évolution de la démographie linguistique de l’ile de Montréal
(Note : LNO signifie Langue non officielle)

Langue parlée à la maison en 2006 en 2011 en 2016 en 2021
Français 52,6 % 50,3 % 49,8 % 39,3 %
Français + LNO 1,9 % 3,2 % 4,0 % 9,1 %
Anglais 23,9 % 23,4 % 22,8 % 17,2 %
Anglais + LNO 1,1 % 1,7 % 2,0 % 6,8 %
Français et anglais 1,1 % 1,5 % 1,8 % 8,7 %
Français + anglais + LNO 0,5 % 1,0 % 1,3 % 7,8 %
Langue non officielle 19,0 % 18,9 % 18,3 % 10,9 %


De 2006 à 2021, évolution de la démographie linguistique de la région métropolitaine
(Note : LNO signifie Langue non officielle)

Langue parlée à la maison en 2006 en 2011 en 2016 en 2021
Français 67,9 % 66,1 % 65,9 % 56,0 %
Français + LNO 1,3 % 2,3 % 2,9 % 7,2 %
Anglais 16,5 % 16,0 % 15,3 % 11,5 %
Anglais + LNO 0,7 % 1,1 % 1,3 % 4,3 %
Français et anglais 1,0 % 1,3 % 1,5 % 7,6 %
Français + anglais + LNO 0,3 % 0,7 % 0,9 % 5,9 %
Langue non officielle 12,3 % 12,5 % 12,2 % 7,6 %


Remarque : Dans le texte qui suit, ‘Francophone’ est défini comme une personne qui, à la maison, parle principalement le français ou une langue non officielle de même que le français. Cela correspond aux deux premières rangées dans les tableaux ci-dessus.

La langue parlée à la maison est celle dans laquelle on élève ses enfants. Du coup, c’est celle qui détermine l’avenir démographique du Québec.

 
Depuis quinze ans, la proportion de Francophones au sein de la population montréalaise a diminué de 54,5 % à 48,4 %.

Dans l’ensemble de la région métropolitaine — qui représente environ la moitié de la population québécoise — la chute a été similaire, passant de 69,2 % à 63,2 % en seulement quinze ans.

Dans une société ouverte comme le Québec, l’immigration correspond à une nécessité pour pallier une pénurie de main-d’œuvre qui ne peut pas être corrigée par l’automatisation.

L’augmentation spectaculaire de la proportion des personnes qui parlent à la fois le français et une langue non officielle — passant de 1,9 % à 9,1 % — ne doit pas nous inquiéter.

Il s’agit simplement de néoQuébécois qui, dans l’intimité de leur demeure, tiennent à conserver certaines des caractéristiques culturelles de leur pays d’origine tout en adoptant progressivement la langue de la société d’accueil. Comme nous le ferons nous-mêmes si nous avions à changer de pays.

En somme, ces personnes sont dans un processus de transfert linguistique vers le français.

Au contraire, on doit s’inquiéter de l’augmentation importante des familles à l’intérieur desquelles on parle les deux langues officielles. Leur pourcentage est passé de 1,1 % à 8,7 % à Montréal et de 1,0 % à 7,6 % dans la région métropolitaine.

Il ne s’agit pas de néoQuébécois mais plutôt de personnes qui vivent au Québec depuis plusieurs années, mais qui sont engagés dans un processus d’assimilation linguistique vers l’anglais ou vers le français. Les données du recensement ne nous permettent pas de savoir dans quel sens s’effectue cette transition.

Dans la mesure où cette bilinguisation s’accompagne à la fois d’une régression de la proportion de francoQuébécois et d’une stabilité approximative de l’importance démographique des angloQuébécois, il y a tout lieu de craindre que nous soyons en présence d’une étape intermédiaire vers l’assimilation culturelle de la population francophone du Québec.

Cette bilinguisation se reflète également chez ces néoQuébécois dont les familles parlent à la fois l’anglais et le français, en plus de leur langue maternelle.

En conclusion, à eux reprises, par voie référendaire, la population québécoise a choisi de remettre son sort entre les mains de l’ethnie dominante du Canada.

Or le gouvernement canadien feint d’ignorer que la plus importante minorité du pays, de surcroit vulnérable, est le peuple francoQuébécois. Pour Ottawa, ce qu’il faut protéger et défendre, c’est l’annexe québécoise de la majorité canadian.

Le gouvernement chinois fait pareil. Dans la province semi-autonome du Xinjiang (où les Ouïgours étaient majoritaires), il a construit un TGV et encouragé l’établissement des Hans, l’ethnie dominante en Chine, sous le prétexte de favoriser le développement économique.

Si bien que les Ouïgours sont devenus depuis peu minoritaires dans leur propre province.

C’est le sort qui attend le peuple francoQuébécois s’il ne se décide pas à prendre son destin en main.

Le phénomène auquel nous assistons n’est pas nouveau. D’un recensement à l’autre depuis cinquante ans, l’anglicisation de Montréal s’est opérée progressivement et n’a fait que s’accélérer brutalement au cours des cinq dernières années. Au point de s’approcher dangereusement de l’irréversibilité.

Dans toutes les communautés francophones en Amérique du Nord qui s’assimilent à l’anglais, le transfert linguistique au sein d’une famille ne se fait jamais du jour au lendemain.

Il est toujours précédé d’une étape intermédiaire de bilinguisation. Et c’est le cumul de ces bilinguisations familiales qui résulte à la progressive extinction culturelle de ces communautés qui se concrétise aux générations suivantes.

Bref, après vingt ans d’immobilisme gouvernemental et des décennies d’érosion judiciaire de la Loi 101, le Québec est entré en ‘louisianisation’.

C’est ce phénomène auquel nous assistons au Québec. Depuis quinze ans, les familles bilingues sont dix fois plus nombreuses, passant de 1,6 % à 16,5 % sur l’ile de Montréal et de 1,3 % à 13,5 % dans la région métropolitaine (voir les deux avant-dernières lignes dans le tableau ci-dessus).

Références :
Données du recensement de 2021 : Ile de Montréal
Données du recensement de 2021 : région métropolitaine
L’exode des canadiens-français vers les États-Unis

Paru depuis : Ottawa a versé des milliards pour l’anglais au Québec (2023-11-27)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’écriture woke et la lisibilité du français

12 juillet 2022


 
À la lecture d’un manuel scolaire écrit en woke (comme ci-dessus), pouvez-vous imaginer la difficulté de l’écolier à qui le professeur demanderait d’en faire la lecture à voix haute ?

Pouvez-vous comprendre le découragement du néoQuébécois confronté aux textes écrits de la sorte, lui qui aimerait apprendre le français, mais dont tout l’entourage répète que l’anglais est tellement plus facile à apprendre ?

L’écriture woke est à la mode. C’est le plus ostentatoire des procédés d’écriture regroupés sous le nom d’écriture inclusive.

Justement parce qu’elle donne l’air (parait-il) inclusif, les publicistes de la Banque Nationale ont choisi d’écrire cette publicité de cette manière.

Mais cette banque, est-elle aussi inclusive qu’elle voudrait nous le faire croire ?

D’un côté, de nombreuses personnes ‘issues de la diversité’ composent son personnel d’entretien, c’est-à-dire ceux qui vident ses corbeilles et qui nettoient ses chiottes. De plus, on peut observer un grand nombre de préposés de toutes les carnations possibles aux comptoirs de ses succursales.

Mais tout cela, c’est au bas de l’échelle. Qu’en est-il des postes décisionnels, des postes vraiment payants ?

Malheureusement, ça se gâte…

Le Conseil d’administration de la Banque Nationale est composé de 15 personnes, soit 6 femmes et 9 hommes.

On n’y compte qu’une seule personne dont la peau est très pigmentée (Macky Tall). Aucune personne aux traits asiatiques. Aucun Latino-américain. Aucun Autochtone. Aucun transsexuel (quelle horreur !). Etc.

Alors que le gouvernement du Québec dépense des sommes importantes pour lutter contre l’anglicisation de Montréal, voilà que ce club sélect composé presque exclusivement de ‘Blancs’ de bonne famille s’efforce de compliquer l’apprentissage de notre langue.

Références :
L’écriture inclusive
Membres du Conseil d’administration de la Banque Nationale

Parus depuis :
L’autre «grand remplacement» (2022-10-07)
Une murale en hommage à Yannick Nézet Séguin (2022-10-16)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le charabia woke de l’interculturalisme

27 juin 2022

L’assimilation pure et simple des immigrants — au sens du renoncement à leur culture d’origine — est un appauvrissement, autant pour la société d’accueil que pour les personnes concernées.

Parmi les solutions de rechange à l’assimilation, il y a le multiculturalisme, la convergence culturelle, et l’interculturalisme.

Le multiculturalisme est simple; c’est une forme de tribalisme où on perpétue activement l’appartenance ethnique en tant que facteur identitaire.

De son côté, la convergence culturelle est le métissage culturel au sein d’un creuset où le français est la langue commune.

Mais qu’en est-il de l’interculturalisme ?

À plusieurs reprises, j’ai cherché à comprendre ce concept sans vraiment y parvenir.

Après avoir qualifié l’interculturalisme de « charabia woke sans queue ni tête », j’ai lancé sur Twitter le défi à quiconque d’expliquer en 128 caractères la différence entre le multiculturalisme et l’interculturalisme.


 
Ce défi a été relevé de manière brillante par Rémi Vachon. Effectivement, ce dernier résume assez bien le peu que j’en avais compris.

Mais son résumé contient une ambigüité; l’éléphant dans la pièce, c’est la place de l’anglais.

Que sont ‘la/les cultures locales’ ? Il est évident que les langues autochtones en font partie. Mais si on considère le français comme une culture locale —‘naturalisée’ après un demi-millénaire de présence française sur le territoire national — pourquoi en serait-il différemment de l’anglais, présent ici depuis des siècles.

Alors il y a deux possibilités.

Si l’anglais et le français font tous deux partie de la liste des langues locales que l’État doit valoriser, c’est qu’il n’y a pas de différence réelle entre le multiculturalisme et l’interculturalisme.

Par contre, si l’État valorise le français et les langues autochtones, mais considère l’anglais comme une langue étrangère, ne sommes-nous pas en présence d’un nationalisme ethnique qui se cache sous les traits vertueux de l’inclusivité et de l’anticolonialisme ?

Références :
Interculturalisme
Le multiculturalisme ou le tribalisme des sociétés anglo-saxonnes

Complément de lecture :
La convergence culturelle : communion et symbiose

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le drame shakespearien du certificat de naissance en français

21 juin 2022
Exemple de visa chinois

Un blogueur que je respecte (mais que je ne nommerai pas) s’est lancé depuis quelque temps dans une campagne contre la loi 96. Rappelons que cette loi est destinée à renforcer l’usage du français au Québec.

Faisant flèche de tout bois, sa dernière trouvaille est d’alerter les Québécois qu’à cause de cette loi, le Québec n’émettrait plus les certificats de naissance, de mariage et de décès qu’en français.

Le but de la loi 96, c’est d’indiquer aux néoQuébécois et aux jeunes angloMontréalais (qui ont tendance à l’oublier), qu’au Québec, c’est en français que ça se passe…

Conséquence pratique, il nous sera impossible — selon ce blogueur — d’obtenir un visa pour voyager aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne.

J’ignore pourquoi il a choisi d’utiliser très précisément l’exemple de ces trois pays puisqu’aucun d’entre eux n’exige de visa aux Canadiens qui veulent y voyager.

Ce que leurs douaniers exigent, c’est simplement de voir notre passeport. Pas notre certificat de naissance.

Par contre, il faut un visa pour entrer dans d’autres pays, comme l’Iran et la Chine.

Mais aucun de ces pays non plus n’exige la présentation d’un certificat de naissance.

Dans le cas d’un voyage en Chine, il faut envoyer au consulat chinois de Montréal l’original de notre passeport par poste recommandée. Trois ou quatre semaines plus tard, le passeport nous est retourné. Et sur une de ses pages, le visa chinois y est collé, précisant sa durée de validité.

Donc, le danger que nos certificats de naissance en français condamnent le Québec à devenir une grande prison à ciel ouvert duquel plus personne ne pourra s’échapper est une plaisanterie… à moins d’être un effet secondaire de la consommation du cannabis.

Puisque j’ai de l’estime pour ce blogueur, je présume qu’il a émis cette hypothèse farfelue afin de distinguer, parmi ses lecteurs, ceux qui mordent à l’hameçon parce que dépourvus d’esprit critique.

Si tel est le cas, bravo monsieur le blogueur !

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Qu’est-ce qu’un Francophone ?

2 juin 2022

La langue maternelle

On peut définir un Francophone par quelqu’un né d’une mère francophone. C’est sur ce critère que Statistique Canada base ses principales analyses.

La majorité des citoyens canadiens sont adultes. Du coup, la langue maternelle reflète une appartenance linguistique ancienne.

Par exemple, une personne née voilà longtemps de parents francophones, mais qui, de nos jours, lit principalement des textes en anglais, voit des films en version anglaise, écoute de la musique anglaise et surtout, parle exclusivement anglais à la maison, n’est plus un Francophone.

Par nostalgie, elle peut encore se définir comme tel. Mais dans les faits, c’est un Anglophone fonctionnel (sauf peut-être lorsqu’il est en colère, alors que son vieux fond de français refoulé refait surface le temps d’un juron).

La première langue officielle apprise

L’anglais et le français sont les deux langues officielles du Canada.

Chez la majorité des néoQuébécois, la première langue apprise dans leur pays d’origine n’est ni le français ni l’anglais.

Par exemple, chez ceux d’origine algérienne, la langue maternelle est habituellement le berbère. À l’école, ils ont appris l’arabe. Et lorsqu’ils choisissent d’émigrer au Québec plutôt qu’ailleurs, c’est parce qu’ils parlent déjà une troisième langue, la nôtre.

Toutefois, même quand un parent parle déjà le français, il arrive que la connaissance de notre langue laisse à désirer chez son conjoint.

Puisque les néoQuébécois sont rémunérés pour assister aux classes de francisation, ces dernières sont très populaires.

Voilà pourquoi le français est très souvent la première langue officielle apprise, parfois très sommairement, puisque dans ces classes, il n’y a pas d’obligation de réussite.

Cela ne signifie pas que leur appartenance linguistique définitive sera le français.

Lors du dévoilement des résultats du recensement de 2016, Statistique Canada était heureux de souligner que la proportion des néoQuébécois qui choisissait de s’assimiler l’anglais était passée de 65 % à 60 %, une nouvelle jugée très positive.

En réalité, pour maintenir l’équilibre linguistique au Québec, la quotepart de l’anglais ne devrait être que de onze pour cent selon Michel Paillé, le plus important démographe du Québec.

La principale langue officielle utilisée à la maison

Cliquez sur l’image pour l’agrandir

La langue avec laquelle on choisit spontanément de s’exprimer dans l’intimité de sa famille est celle qui reflète le mieux son appartenance linguistique.

Voilà pourquoi le gouvernement de la CAQ, à juste titre, se fie à ce critère pour juger de la situation du français au Québec.

Il n’en fallait pas plus pour que les députés libéraux accusent le gouvernement de la CAQ de vouloir dicter la langue parlée à la maison.

Soyons clairs. Lorsqu’une famille décide que l’hébreu, le persan ou l’arabe (pour ne mentionner qu’eux) sera la langue parlée exclusivement dans la bulle familiale, cela n’a aucune importance.

Le français au Québec n’est menacé ni par l’hébreu, le persan ou l’arabe. Il est menacé par l’anglais.

Donc, on s’en moque de la langue non officielle parlée exclusivement à la maison.

Toutefois, dès qu’un parent néoQuébécois élève ses enfants en anglais, il en fait la première langue officielle apprise par eux. Il fait ainsi grossir les rangs de la communauté anglophone et contribue à l’anglicisation du Québec.

Il ne s’agit pas ici de lui interdire ce choix personnel. Toutefois, il faut tenir compte de l’ampleur de la prévalence domestique de l’anglais afin d’adopter les mesures législatives ou réglementaires qui y feront contrepoids. Puisque la pérennité du français au Québec est intimement liée à sa démographie.

Cela ne veut pas dire non plus qu’on doive planter des micros dans les chaumières (comme le suggère l’hystérie qui s’est emparée du caucus libéral à Québec), mais qu’il faut prendre note de l’anglisation de Montréal, confirmée de sondage en sondage, et y pallier dès maintenant.

Conclusion

Nous avons connu quinze ans d’immobilisme libéral à ce sujet, complétés par quatre ans d’immobilisme caquiste.

Maintenant que la CAQ est décidée d’adopter les mesures (malheureusement insuffisantes) prévues par la loi 96, ce n’est pas le temps des chichis sur les petits détails insignifiants ou de protester contre ce qui ne s’y trouve pas.

La loi 96 est un minimum en deçà duquel on ne peut pas descendre.

À ceux qui voudraient, au contraire, que le Québec en fasse moins pour protéger sa langue, soyez rassurés; les tribunaux se chargeront de dégriffer la loi 96 comme ils l’ont fait pour la Loi 101.

Complément de lecture :
Anglicisation du Québec : l’omelette de la loi 96
La francisation des immigrants suffit-elle pour assurer la pérennité du français au Québec ?

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Écrit par Jean-Pierre Martel